Nous sommes dans une région de l’univers.
Tantôt une lande désespérément déserte
Tantôt un utérus.
Maintenant nous
Ne sommes pas seulement des poètes vivants individuels
Ici nous sommes un étrange pays perdu
Fait de quelque chose d’autre
Que de poètes vivants.
Aucun bruit ne passe les bornes de l’évanouissement
Tantôt le corps est lourd
Tantôt le corps est plus léger que l’âme
L’âme des poètes morts
Entre en chacun de nous
Pliant ses ailes fatiguées, que c’est lourd.
Je suis plus que moi-même
Tu es plus que toi-même
Nous chantons dans le dialecte de l’univers
Nous chantons dans la nouvelle langue maternelle des poètes morts
Au début, seul
Après, ensemble, le fardeau est léger.
D’immenses pilliers de vagues s’érigent et tourbillonnent.
Le lendemain après qu’elles furent calmées
Quand la mouette qui se cachait
Apparut après la terreur
Sans plus trembler
Et s’envola en dessinant un cercle raffiné
Il est mort
C’est un poète, murmura-t-on.
Une journée est longue comme des viscères évoluant lentement
Et puis une journée est courte comme l’aile d’une mouette nouvelle née
C’est parce que des poètes morts la vie qui reste
A pris place dans nos vies nées chacune du mythe de l’oviparité
Le ciel à cinq mille mètres au-dessus de la plaine.
Vole une mouette très maigre du Tibet
Il y a très longtemps
Lorsqu’un continent est venu heurter
La région jadis une mer éclatante
Est devenue l’Himalaya
La mouette a perdu sa mer
A crié à pleine gorge
Puis vint la deuxième, douzième, ou mille trois cent deuxième générations de mouettes…
Il y a un après
Il y a un après
Les cris sont devenus des chants, puis des poèmes
Nous sommes donc
Des poètes vivants
Et non seulement des poètes vivants
Mais en ce monde et après, non pas un mais
trois, sept, onze absolument
Nous sommes la sensualité du moment
Où nous venons et allons
La présente commémoration pour quelqu’un
C’est aussi le moment où quelqu’un commémorera chacun de nous
Notre réunion ici
Laisse la trace d’innombrables séparations et morts
Ailleurs en d’autres endroits
C’est ici !
Il y a un lac en notre pays perdu, c’est étrange
Sur l’eau avant de fermer les yeux
Et après
Flotte un lotus blanc
Malheureux le poète qui n’a jamais écrit d’élégie
Pour ce malheureux
Nous devons parfois écrire une nouvelle élégie
C’est un autre nom pour la chanson d’amour, c’est une fleur
Ah la tristesse est nécessaire
Le lac se souvient de la mer qu’il était dans la nuit des temps.
(2000) (Traduction pour En attendant Nadeau par Ye Young Chung)