Un spectre hante la philosophie politique moderne, le Léviathan. Il a fallu que Thomas Hobbes ait eu une illumination pour titrer ainsi sa troisième œuvre politique (1651), en en faisant un mythe, alors que les deux précédentes, The Elements of Law Natural and Politic (1640, non publiée) et De Cive (1642), portent des titres nettement moins baroques. Nonobstant le grand intérêt du De Cive, parfois plus clairement déductif que le Léviathan, pourtant, et à l’inverse des philosophes classiques, c’est d’abord vers ce monstre extraordinaire que se tournent nos regards fascinés et comme ensorcelés par la gravure imaginée par l’auteur pour le présenter. Il n’est pas de plus grand ouvrage de philosophie politique moderne.
Luc Foisneau, Hobbes : La vie inquiète. Gallimard, Folio Essais, 621 p., 9,20 €
Depuis les années 1960, les auteurs anglophones, mais aussi francophones, à la suite de grands interprètes allemands, se sont remis à commenter la philosophie hobbesienne dans tous les détails, non sans scruter la longue existence du philosophe (1588-1679). Sa période la plus productive demeure la décennie 1640-1650, où il se rendit à Paris en exil, craignant pour sa vie et sa sécurité, car il pensait, à juste titre, que le Parlement allait empiéter sur les prérogatives royales dont il était un chaud partisan. Finir son existence dans la Tour de Londres ou sur l’échafaud ne figurait pas dans son « plan de vie », comme dirait Rawls. Hobbes jugera que le premier ouvrage qui peut se présenter comme une science du politique est son De Cive. La politique est une science comme la géométrie d’Euclide en est une, et Galilée, qu’il est allé rencontrer, était pour lui « le plus grand de tous les philosophes ». Il faudrait, à ses yeux, enseigner les « éléments » des lois naturelles et des devoirs civils, les principaux théorèmes moraux et politiques, comme on enseigne Euclide à l’Université, au lieu de se contenter des écrits « subversifs » des Anciens, tels Aristote ou Cicéron, le grand républicain.
Selon Hobbes, l’homme ne possède pas par nature de tendance innée à la coopération sociale, et, sans « pouvoir commun », sa seule obsession est de survivre, alors qu’il vit dans l’angoisse de la mort violente. Même s’il n’est pas particulièrement méfiant, il ne peut que le devenir, et anticiper la violence des autres. La rivalité pour de mêmes objets, la défiance envers la fiabilité des autres, sans compter le vain désir de gloire de certains, tout cela concourt à faire de « l’état de nature » (le monde sans institutions contraignantes) une « guerre de tous contre tous » : l’anarchie, c’est la guerre et l’absence de toute coopération possible. Chacun y a droit à tout faire (sans limites), s’il pense que c’est utile à sa survie dans cet enfer : la sociabilité n’est pas naturelle, c’est un devoir moral, s’il y a un État). La liberté dans l’état de nature est donc maximale, et l’effet de cette illimitation est tragique. La droite raison, la vraie science morale, enseigne qu’il faut tout faire pour la paix, la non-violence et la coopération, sauf en cas de légitime défense ; qu’il faut en conséquence que tous (sauf le Souverain, qu’il s’agisse d’un seul individu, de plusieurs, ou d’une assemblée) acceptent mutuellement de renoncer à leur illusoire droit sur tout, et qu’ils acceptent le principe fondamental de la justice, à savoir tenir sa parole. Il faut sortir de l’état de nature, enseigne la raison, comme le rediront Kant et Hegel, lecteurs de Hobbes.
Si le Souverain accepte cet abandon (à son profit) de tout droit de résistance (sauf cas de légitime défense), il devient le seul arbitre des différends, même idéologiques, et tous doivent lui obéir (pour leur bien). Obéir à « sa propre conscience », comme les puritains, ou au Pape, c’est transgresser l’un des enseignements les plus utiles de Jésus (qui est le Christ), à savoir que l’on ne peut pas servir deux maîtres [1]. Les citoyens, pour pouvoir mener une vie qui ne soit pas pourrie par l’angoisse d’être tué ou blessé à la moindre occasion, doivent abandonner toute velléité de critiquer le Souverain, qui peut ainsi faire librement tout ce qu’il juge être dans l’intérêt du peuple. Le droit de nature des individus, leur liberté, est dès lors fortement limité, mais il n’est pas éliminé, car même s’ils se sont rationnellement engagés à suivre les ordres de leur Représentant, qui agit à leur place de telle façon qu’ils demeurent (selon Hobbes) les auteurs de ses actes, ils n’en gardent pas moins, au cas où ils seraient légalement punis de mort par le Souverain, le droit de résister par la force ou la ruse à cette condamnation. Hobbes est un philosophe de la vie. Rien ne saurait m’ôter le droit inaliénable de défendre la mienne.
Le système n’est pas sans difficultés, ni incohérences, et Hobbes, en une langue anglaise souvent splendide, accumule des arguments distincts qui rendent compliqué le travail du lecteur, lequel se demande par exemple si la présence de « vains glorieux » vaniteux est nécessaire à la démonstration, ou si l’on ne peut pas l’obtenir simplement à partir de l’incertitude sur les autres, qui pousse même les modérés à anticiper, en privant d’éventuels ennemis de la vie : l’incertitude est totale et aucune confiance n’est possible. Même si les agents ne sont pas tant des « maximisateurs » de leur utilité que des « minimisateurs » du risque de mort violente, leur sort médiocre correspond à peu près à la tragédie du dilemme des prisonniers : il est rationnel pour tous d’attaquer, alors que, si personne ne le faisait (la « paix »), tout serait meilleur pour tous : l’équilibre rationnel en stratégies dominantes (la « guerre ») n’est pas le meilleur.
L’école française des études hobbesiennes est, toutes choses égales, aussi féconde que l’école anglophone. Depuis quelque vingt ans, Luc Foisneau s’est distingué comme l’un des meilleurs hobbesiens français, et sa notoriété dépasse légitimement nos frontières. Il nous offre ici un livre qui, en tant que tel, est inédit, mais qui est pour l’essentiel constitué d’articles déjà publiés (p. 513), et dont, par exemple, l’auteur de ces lignes avait pour plusieurs d’entre eux déjà pu profiter de la lecture. Un tel ouvrage pourrait s’intituler Études hobbesiennes. Il ne s’agit en aucun cas d’une introduction à l’œuvre de Hobbes, et il ne s’adresse qu’à des personnes déjà au fait des grandes lignes du système, ayant au moins lu le Léviathan. C’est un ouvrage universitaire. Le chapitre III, ainsi, dont le titre pourrait annoncer une simple présentation de la théorie hobbesienne du pouvoir politique, est en fait un article de recherche d’une grande technicité sur les deux termes latins de potestas et potentia, qui avait bien sa place dans un Hobbes et son vocabulaire (Yves-Charles Zarka éd., Vrin, 1992). Comme on sait que nos articles sont souvent le produit de commandes, ou d’invitations à des colloques à thème, il n’est pas obvie de les ordonner de telle manière que le lecteur ait l’impression de lire un ouvrage unifié, défendant une ou plusieurs idées fortes et organiquement liées, avec une sorte de progression vers la mise en exergue de certaines thèses nouvelles. Ne cachons néanmoins pas notre bonheur à la lecture de chapitres clairs, imaginatifs, enthousiasmants, tels le chapitre II, sur la règle de majorité, les chapitres IV, V, XIV (sur la critique du mal nommé « augustinisme politique », la théocratie, – l’« hiérocratie » de Max Weber – véritable bête noire de Hobbes, ultra-anti-papiste), ou encore le XVII, sur Hobbes et Mauss, le XVIII (seul inédit véritable) sur le Hobbes de Vœgelin, et les rapprochements intéressants opérés entre Hobbes et ce qu’en disaient Foucault ou Rawls, qui ouvrent des perspectives passionnantes [2]. Je suis un peu moins convaincu par certains passages de l’article [3] qui constitue le chapitre IX et semble être celui qui permet de justifier véritablement le titre de l’ouvrage.
Une phrase de la page 210 me paraît discutable : « On tient là [4] l’un des fondements philosophiques de l’utilitarisme moderne : puisqu’il n’y a plus de fins ultimes, il faut bien s’intéresser aux moyens et à l’utile ». Cette caractérisation de l’utilitarisme ne correspond guère à la morale conséquentialiste et altruiste de Bentham, Mill (inventeur du terme) et Sidgwick, pourtant bien exposée par Rawls, que l’auteur cite souvent à bon escient. Aux yeux de l’Américain, l’utilitarisme est même trop altruiste, pouvant exiger que je me sacrifie si cela augmente la somme du bonheur total (en exigeant des actes surérogatoires). Hobbes aurait hurlé là contre. En cela, il est plus proche de Rawls que de Sidgwick. Il n’est utilitariste ni au vrai sens (moral et philosophique), qui implique que la maximisation du bonheur global, de la somme algébrique des utilités, est la fin ultime de l’acte moral, ni au sens vulgaire, mal défini. Par ailleurs, opposer « fins ultimes » à « moyens » n’est pas évident : le terme « moyen » est un relatif et il est analytiquement lié à celui de fin. A supposer que l’on renonce à toute fin ultime, et que l’on décrive avec Hobbes la vie comme poursuite inquiète du mouvement vital, demeurent des fins non ultimes, si je puis dire, et non seulement des « moyens », orphelins de toute fin : ce qui est logiquement impossible, et l’auteur, p. 217, revient bien à l’idée selon laquelle le désir hobbesien est toujours dirigé vers une fin (Hobbes va jusqu’à réintroduire audacieusement l’expression aristotélicienne de « cause finale »).
Par ailleurs, Luc Foisneau cite à très juste titre un passage de la fin du chapitre 6 du Léviathan : « Il n’existe pas de tranquillité perpétuelle de l’esprit tant qu’on vit ici-bas ». On ne saurait ici passer sous silence l’adjectif « perpétuelle », qui renvoie au geste radical du refus de tout Souverain Bien et même de toute « sagesse ». Vivre, c’est désirer, être en manque, toujours en mouvement : même le repos apparent est un commencement infinitésimal de mouvement (conatus, endeavour). Or, tout désir présuppose la conservation de la vie, qui est donc un « bien primordial » [5]. La vie humaine est toujours effectivement plus ou moins inquiète, et cela est lié à la conscience de la mort et à l’anticipation de l’avenir, à la « curiosité », propre de l’homme [6]. Mais on peut peut-être relativiser l’idée d’une « indissociabilité » du bonheur et de l’inquiétude, que l’on trouvera en un sens sous la plume de Leibniz commentant l’idée lockienne de « uneasiness ».
Comme Luc Foisneau le fait par ailleurs excellemment remarquer, l’état de nature (de guerre) est « une situation d’inquiétude généralisée », qui conduit, selon McNeilly, auteur qu’il a raison de citer, à ce que la seule attitude rationnelle y soit le désespoir : aucun de mes objectifs ne peut être atteint, c’est le malheur. Pas de projets ni d’espoirs : je ne vis que dans le présent, ou le futur très proche, celui de la peur. Tous les êtres humains sont par nature égaux, en ceci qu’ils sont tous aussi dangereux pour autrui : si la force manque à l’un, il peut avoir recours à la ruse. L’égalité et la liberté illimitée conduisent à la guerre et à l’inquiétude maximale, laquelle est tout sauf un idéal. Il me semble que Hobbes ne propose pas tant de penser positivement l’idée un peu romantique d’une « vie inquiète », même si toute vie humaine est inquiète par nature, que ceci que l’État a précisément pour fonction de permettre à tous ceux qui lui obéissent de vivre assez longtemps et confortablement, dans une sorte de quiétude relative, propice à l’élaboration de projets, toujours nouveaux, sans que l’on ne puisse jamais obtenir la satisfaction totale. Le philosophe, et Descartes eût approuvé, a même absolument besoin de cette tranquillité relative. La prospérité de la nation présuppose ainsi un état de sécurité suffisant, ce qui est le rôle propre de l’État (protecteur). Il doit créer les conditions de la minimisation de l’inquiétude.
On n’abolira jamais l’inquiétude métaphysique, et, tant qu’il y aura des hommes, on n’abolira jamais le désir insatiable (la vie), mais l’État doit veiller à minimiser l’inquiétude venant de l’existence des autres, en imposant le respect de règles communes rendant possible la confiance. Ce qui ne peut que passer que par l’instauration d’inégalités de pouvoir, d’obéissance. Il n’y a pas par ailleurs « une » vision de la vie bonne, et ceci, note l’auteur de manière très fine, réunit bien Hobbes et Rawls [7]. Mais ne plus rien désirer, c’est être mort. Seuls doivent être socialement « inquiets », dans la vie civile où règne « un pouvoir commun qui tient tout le monde en respect », ceux qui, surmontant leur peur de la police et de la justice, s’apprêtent à commettre un crime, par exemple fomenter une révolution. Cette souhaitable mais relative tranquillité civile ne peut advenir qu’à la condition que les « citoyens » abandonnent toute religion qui leur dicterait d’agir « selon leur conscience » et ce que Dieu est censé lui commander (et ainsi aller tuer Henri III ou Henri IV) et qu’ils cessent de vouloir « faire de la politique » : c’est au Souverain (bien conseillé) qu’est réservée cette prérogative, comme celle de décider de la « vraie » interprétation des lois et de l’Écriture. Le fanatisme religieux est un danger absolu (il l’est toujours).
Le léger désaccord que j’exprime ici sur l’inquiétude est secondaire, même si Luc Foisneau a pris la décision de réunir toutes ses savantes études autour de ce thème de la « vie inquiète ». Je ne fais que le proposer à la discussion, en acceptant a priori que je sois dans l’erreur et Luc Foisneau dans le vrai, qui seul compte. Je demeure quelque peu dubitatif eu égard à la conclusion de la discussion serrée, difficile et passionnante, qu’il propose au chapitre VIII des positions relatives de Hobbes, Locke et Leibniz eu égard à la question toujours très actuelle de « l’identité personnelle » : à la fin, l’auteur affirme que « l’échec de Hobbes à penser une identité morale de l’homme » provient de son refus de « ce qu’il convenait assurément (souligné par nous) de concevoir, ce que fit Leibniz, une garantie métaphysique de la permanence de la personne morale » : faut-il donc affirmer l’immortalité de l’âme pour « penser l’identité morale de l’homme » ? Si c’est bien là la thèse soutenue, certains la refuseront assurément. Les athées ne pourraient pas penser cette identité ? J’ai sans doute mal compris.
En fin de compte, voici une excellente et passionnante lecture, qui contient bien plus de passages remarquables que ceux que j’ai pu signaler, et à conseiller à toute personne intéressée par Hobbes (qu’il faut avoir déjà lu), ou à celles qui ont des préjugés contre ce supposé « méchant homme », alors qu’il fut sans doute l’un des plus pacifistes de tous les philosophes politiques. Sa solution pour éviter « le pire des maux » (les guerres civiles selon Pascal, qui ne pouvait guère ne pas avoir lu le De Cive) conduit à avoir confiance en la capacité d’un monarque absolu à écouter les « lois de nature » mises en évidence par le philosophe, et à savoir les interpréter (le philosophe peut l’y aider), en veillant à avoir toujours le monopole de l’interprétation : son intérêt étant que son peuple soit heureux et prospère, il deviendra un authentique roi philosophe (hobbesien), et Béhémoth (la Guerre Civile) sera écrasé par Léviathan.
Mais l’un des prix à payer de cette théorie de la souveraineté absolue et indivisible, opposée à nos idées de discussion publique et de liberté de critique, sans parler de la « destitution pacifique des dirigeants » (Popper), est évidemment que, comme l’avaient noté les Anciens et les médiévaux, même un bon monarque, conseillé par un philosophe, peut devenir un Néron. On en revient à la nécessité de contrôler les dirigeants, idée (libérale-républicaine) que Hobbes jugeait catastrophique. La relative stabilité de nos démocraties faillibles l’aurait étonné : le système des « checks and balances » n’aurait pas pu lui apparaître autrement que comme une nouvelle version de la fort mauvaise idée aristotélicienne de « régime mixte ». La capacité de résistance aux chocs du système de la souveraineté limitée réfute à mon sens les craintes hobbesiennes. On a toujours cependant raison de soutenir à sa suite que l’anarchie, c’est la guerre, et que la religion ne doit jamais être politiquement dominante.
À propos de Néron, il est savoureux de lire (p. 220-1) que Hobbes ne parlerait que du sujet « moderne », pour lequel la recherche indéfinie de la puissance aurait « remplacé la recherche antique de la sagesse », et d’y voir cité le tyran romain comme exemple d’absence de toute « cessation du désir ». Néron, sujet moderne ? Alcibiade aussi, je suppose. Hobbes préférait les historiens antiques aux philosophes, sauf Platon (géomètre) et sans doute Lucrèce ; et il savait bien, en lisant Thucydide (qu’il a traduit) ou Tacite, que la description lucide de la « nature humaine » par ces grands peintres n’était guère idéaliste. Les passions humaines que décrit Hobbes y sont toutes présentes : en particulier, « Avarice, Ambition and Lust » (la richesse, le pouvoir et le sexe). Nil novi sub sole, « rien de neuf sous le soleil ».
On ne peut donc que vivement recommander la lecture de cet ouvrage riche et savant, qui donne vraiment envie de (re)lire Hobbes, et donne des outils précieux pour ce faire.
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Jésus parlait du Dieu et de l’argent, mais Hobbes isole la maxime, qui est effectivement universelle ; on pourrait parler de la mise en évidence de la « structure logique de l’obéissance ».
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Il est dommage que l’auteur ne mentionne pas David Gauthier. Son néo-hobbisme conduit à des conclusions non hobbesiennes, en l’occurrence libertariennes. Mais il a tenté de déduire les obligations morales à partir de la seule rationalité individuelle non morale, ce que Rawls jugeait impossible.
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Publié dans un ouvrage collectif co-dirigé par « l’anti-utilitariste » maussien Alain Caillé.
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À savoir, dans la récusation hobbesienne de l’idée antique de Souverain Bien, reprise en revanche par Kant, via le christianisme, et ce explicitement contre « les Modernes » (die Neue), on ne le souligne pas assez. Hobbes me paraît clairement visé (et non, bien sûr, Spinoza).
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5 Voir Martine Pécharman, Hobbes, dans Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, sous la direction de Monique Canto-Sperber, Puf, 2004, p. 848. Une forme de tranquillité non perpétuelle, qui passe par la satisfaction au moins partielle de ses désirs, sans terme, n’est pas un idéal rejeté par Hobbes. Il confia dans son Autobiographie en latin que, quant à lui, il avait aimé « la paix, les Muses et les compagnons ». Il aurait demandé que l’on écrivît sur sa tombe « This is the true philosopher’s stone ».
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Voir Y.-C. Zarka, « La curiosité entre désir de connaître et désir de pouvoir chez Hobbes », Figures du pouvoir, Puf, 2001, p. 32.
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Je ne souscris pas à l’idée de concevoir la Théorie de la Justice comme un « appendice » au Léviathan et il est à mon sens relativement « non problématique » de chercher à combiner diversité des conceptions de la vie bonne et accord sur une même théorie du juste N’écoutons pas, pourrait-on dire, les sirènes qui chantent la nostalgie d’une époque où aurait régné une même conception du bonheur et du sens de la vie pour tous. Les règles de la justice sont des règles morales : je ne dirais donc pas que notre situation serait que « nous n’arrivons plus à nous mettre d’accord sur des règles morales communes, prenons-en acte ». Il ne peut y avoir de société sans règles morales communes : celles de la justice (au sens de Rawls comme au sens plus restrictif de Hobbes), comme Luc Foisneau le reconnaît un peu plus loin. Que proposent comme « règles morales communes » ceux qui jugent que celles de la justice, qui protègent « l’intégrité de la personne », sont insuffisantes ? Je ne crois pas que cette approche (libérale) de la moralité en politique soit « décevante ». Chacun peut continuer, comme les philosophes grecs, à proposer sa conception « plus élevée » de la moralité « plus absolue » (ibid.), nous disant « comment conduire nos vies pour qu’elles soient des vies authentiquement bonnes ». Mais personne ne doit pouvoir l’imposer aux autres. De nos jours, je suis plutôt agacé par le trop plein des « méthodes pour être heureux en dix leçons », qui fourmillent. Le philosophe se doit d’être plus sobre. Pacem amo cum Musis, et faciles socios, « j’aime la paix et les Muses et de courtois compagnons. »