On n’est pas forcément averti du risque que comporte ce simple geste, ouvrir un livre d’Inès Cagnati. Même si l’on sait bien que commencer un livre n’est jamais chose anodine. En tout cas, prévenue, je ne l’étais pas. Et d’Inès Cagnati je n’avais jamais entendu parler. C’est donc surtout par hasard, et aussi un peu par ennui, pendant des vacances estivales à la campagne, ces vacances qui, à l’adolescence, semblent interminables, que j’ai innocemment, imprudemment même, ouvert Le jour de congé qui traînait là. Une gamine de quatorze ans, des animaux, une amie chère au lycée, loin de la maison familiale qu’il a fallu laisser, au grand dam de la mère, pour aller étudier. Pourquoi pas. Mais la lecture va bien au-delà. Elle frappe au cœur.
Lire Le jour de congé, cela a été pour moi prendre en plein corps le récit de l’amour qui réclame par un silence assourdissant, que l’écriture d’Inès Cagnati dissémine en vous, la mère faite béance qu’on n’en peut plus de réclamer (ce que Génie la Folle, autre livre prodigieux d’Inès Cagnati, raconte aussi). Aucun silence, si criant soit-il, ne peut ramener Galla à l’amour qu’elle crève de ne pas sentir. Mais elle tient, envers et contre le monde. La lecture du Jour de congé, c’est le temps d’une suspension de la respiration, celui de la suffocation douloureuse. Rien, ni dans l’écriture, ni dans l’histoire qu’Inès Cagnati raconte, ne donne la moindre chance de reprendre son souffle, tant le lecteur fait corps avec Galla, épouse ses mouvements, ses chutes de vélo, sa nuit dans la paille, la chaleur de la chienne, malgré tout, et l’attente, encore et encore. Le pressentiment est diffus, et c’est de cette diffusion lente mais sûre dans tout le corps que vient la puissance de l’angoisse. Jusqu’au couperet final, qui laisse à terre. Comment sort-on d’une lecture du Jour de congé ? C’est une question à laquelle je n’ai pas encore trouvé de réponse. À moins que l’écriture de cette émotion n’en soit précisément une.