La magie Walser

Je me souviens tout particulièrement d’un volume précis de la collection « L’Imaginaire », son numéro 80. Il parut en 1981 et proposait le récit de Robert Walser, L’institut Benjamenta. Je n’entrai pas en possession du livre d’une manière ordinaire ; Louis-René des Forêts, dont j’étais très proche, m’offrit en effet son exemplaire de presse et m’engagea à le lire. Il me promit que je serais envoûté, en vérité il présentait la lecture de ce récit comme une urgence et comme un révélateur. Ce n’était pas le premier livre de la collection qui entrait dans ma bibliothèque, mais le seul que je découvrais par ce biais (je n’avais alors acquis que quatre livres de cette collection : Leiris, Duras, Blanchot et Des Forêts lui-même).

Robert Walser, L’institut Benjamenta

Robert Walser

Je ne connaissais alors à peu près rien de Walser à l’exception d’une rêverie sur le destin de Kleist qui était parue en revue et m’avait émerveillé. J’avançais dans le récit assez bref qui était absolument magique avec son style étonnant, conciliant la tension et le floconneux, je traversais le mystère qui ne cessait de s’exposer, la féerie était là, la désillusion aussi, les confidences fusaient qu’il fallait entrevoir, il y avait trace d’une espièglerie et d’une irrévérence foncière. On était dans la ville et dans l’âme du narrateur, pourtant il semblait que l’on prît plaisir à respirer l’air très doux de la campagne. J’étais totalement subjugué.

Robert Walser, L’institut Benjamenta

La préface de Marthe Robert était un éclairage en sympathie. Je ne me souciais pas que le vrai titre fût Jacob von Günten, journal. Walser, dont je cherchai à lire tous les livres, devint pour moi l’un des écrivains parmi les plus importants du siècle. Il était alors ignoré de presque tous. Une communauté se formait constituée de ceux qui l’aimaient. J’en parlais souvent avec des amis qui pour moi comptaient, Michaux, Du Bouchet et Des Forêts, nous le portions aux nues. On avait tous l’impression forte d’avoir trouvé un authentique camarade et presque un double.


Robert Walser, L’institut Benjamenta. Trad. de l’allemand (Suisse) par Marthe Robert. Gallimard, coll. « L’Imaginaire » (n° 80), 238 p., 8,90 €

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