« Tant que j’écris je me sens protégé. Je suis protégé », confesse l’écrivain Grégoire Bouillier. Dans le second volume de son immense Dossier M, le lecteur retrouve les niveaux, les galeries, les souterrains, une architecture très pensée, qui permet de relier ces 1 700 pages entre elles, suivant une chronologie intérieure qui n’est pas celle du calendrier.
Grégoire Bouillier, Le Dossier M, Livre 2. Flammarion, 869 p., 24,50 €
Il y a quatre mois, nous avions dit notre admiration pour le Livre 1, cet objet littéraire tombé du ciel de l’audace. Nous attendions avec impatience le Livre 2 de cette folle entreprise autobiographique. Ce deuxième volet est aussi riche, aussi foisonnant, mais il se distingue du premier par une série de détails, de micro-déplacements, de nouveaux personnages, jusqu’à la dernière boucle, musicale et narrative, qui parvient à une conclusion définitive. Le premier livre était placé sous le signe du suicide, celui-ci l’est plutôt sous le signe de la rupture amoureuse, comme la réponse au titre de Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. L’humour demeure un élément commun, déployé avec la même virtuosité, suivant une gamme plus resserrée, mais jusqu’au grand-guignol. La puissance d’analyse est aussi impressionnante, analyse de soi et de la banalité du monde autour de soi.
Le lecteur retrouve les niveaux, les galeries, les souterrains, une architecture très pensée, qui permet de relier ces 1 700 pages entre elles, suivant une chronologie intérieure qui n’est pas celle du calendrier. Des études du temps de ce Dossier M verront sans doute le jour dans les années qui viennent. Elles devront prendre en compte le site, lit gigogne en ligne qui ajoute aux mots des images, des photos, des vidéos… Quel type d’éternité, de pérennité, le numérique offre-t-il ? Question vertigineuse, que Grégoire Bouillier nous oblige à poser.
En face à face, l’écrivain a accepté de jouer le jeu de l’entretien. Nous lui avons posé d’autres questions, quelques-unes parmi toutes celles qui surgissent aux coins de ce deuxième tome. Le lecteur peut aussi lire ces pages sans n’en poser aucune, pour le simple plaisir, pour la gratuité, la démence, une forme de beauté qui se suffit à elle-même.