Du néologisme verbal décamérer : « sortir de sa chambre en restant confiné ». Pour ce quatrième jour de confinement, « des poules des poules des poules. »
Pas de plus beau couple sous le ciel — solide, vertueux, magnifique. Elle, surtout : elle était d’une beauté spectaculaire, son image et sa réputation faisaient le tour du monde. Le roi Philippe (qu’on appelait le Borgne) tomba amoureux d’elle sans l’avoir jamais rencontrée. Il en fit une obsession.
Dans un moment où il savait qu’elle était seule à son domicile (luxueux), il organisa dans la région un voyage d’affaires et se fit annoncer pour être reçu chez elle. Dans un premier mouvement, elle se sentit très honorée. Elle se demanda ce qu’elle pourrait bien servir à cet invité prestigieux, s’interrogeant toutefois sur le motif exact de cette visite plus ou moins officielle alors qu’elle était seule. Elle n’osa rien deviner (elle était loin du compte), mais résolut d’être prudente, tout en faisant honneur à son visiteur.
Voici ce qu’elle fit : elle donna l’ordre de cuisiner le plus grand nombre possible de gelinottes (des poules), mais sans y ajouter d’autre viande — poules en entrée, poules en plat, poules au dessert. Recettes et présentations seraient des plus variées.
Le roi se présenta, ravi. Ce face à face porta son émotion à son comble : elle était encore plus belle qu’il ne l’avait imaginée. Il s’enflamma. Intérieurement, il ne contrôlait pas grand chose, mais il savait se tenir.
On passa à table : des poules, des poules, des poules.
« Madame, lui dit-il en riant, est-ce que dans ce pays les poules envahissent les palais ?
– Pas vraiment, sire, mais ici comme ailleurs les femmes sont toutes faites pareilles – vêtement et classe sociale ne font que déguiser un plat qu’on trouve partout. »
Il comprit le message : inutile de rêver. Après le dernier plat (des poules), il remballa tout et partit la queue basse. Sa mission officielle cachait à point nommé le vrai motif de son déplacement.
L’honneur était sauf, les poules sur l’estomac.