L’an Cent de l’ère pataphysique, qui commence le jour de la naissance d’Alfred Jarry, le 8 septembre 1873, fut célébré par le numéro 18 des Subsidia pataphysica. Ce n’est donc pas le numéro 100, mais la pataphysique nous autorise à le traiter comme tel car elle est la science des solutions imaginaires.
La série des publications du Collège avait commencé en 1950 de l’ère vulgaire (deux ans après sa fondation), par les mémorables Cahiers et Dossiers, qui installèrent le jarrysme, le tormisme, le rousselisme, le quenellisme et le vianisme (entre autres luminaires) dans un ciel pataphysique alors sans nuages. Derrière ces murs de papier officiait alors une armée de Palotins, de Dataires, de Régents, de membres de l’Ordre de la Grande Gidouille, gouvernés par des Provéditeurs et surtout des Satrapes, sous la tutelle d’un Vice-Curateur, le plus souvent épiphénoménal, assistant du Curateur inamovible Faustroll.
Mais on ne mettait pas longtemps, si l’on était attentif, à réaliser que le Docteur Sandomir, le Provéditeur Jean- Hugues Sainmont, la Provéditrice Amélie Templenul et la Régente Mélanie Le Plumet, Lathis, puis le Satrape Latis, pouvaient se décomposer en un seul facteur premier (ainsi va l’arithmétique au Collège, voir dans les Gestes et opinions du Dr Faustroll le calcul de la surface de Dieu), dont l’identité est restée longtemps mystérieuse, mais a été définitivement révélée dans un livre de Ruy Launoir, Biographie d’Emmanuel Peillet (les lecteurs des Mémoires de Jean-Louis Curtis et de François Jacob reconnaîtront ce professeur de philosophie hétérodoxe). Latis était l’âme du Collège, au sens plotinien, et presque tous les numéros de la série des Subsidia pataphysica portent sa patte, voire sa griffe, et notamment deux d’entre eux, qui sont extraordinaires : le 16-17 sur les reliques, et un numéro inexistant sur les cactus. On trouvait ses publications rue des Beaux-Arts, dans une librairie qui vendait aussi des œuvres surréalistes et des livres érotiques, que goûtaient fort les adolescents boutonneux qui trouvaient dans le Collège un apte substitut à leur univers potache. Les Subsidia publièrent aussi maints textes canoniques : dans le n° 3-4 en Sable 95, un étonnant guide des environs de Vrigny, près de Reims, épicentre du Collège, et en Sable 96 des bonnes feuilles de La disparition de Perec, écrit sous les auspices de l’Oulipo.
L’âge d’or du Collège était déjà passé. Ses optimates continuaient leurs travaux et déjeunaient toujours au Polidor, rue Monsieur-le-Prince, où leur mémoire est encore vivante dans des WC qui sont les plus beaux de tout Paris (« le Collège de ’Pataphysique n’est pas un lieu public », disait un Provéditeur). Il jeta ses derniers feux avec un Mirliton voyer, dû encore à Latis, registre de ses correspondances depuis la Fondation, où les adresses étaient rimées à la manière mallarméenne, dans le style :
« Auditeur réel Paskal Engel,
qui s’escrime à la Pataphysique
de Gault dans la rue, 2, qu’implique
Orléans dans la Loire en dégel »
et que la poste d’alors acheminait sans sourciller. Mais surtout on publia un numéro de l‘An Cent de l’ère pataphysique, le n° 18 du 22 Haha, 8 sept. 1972 vulgaire, où le Vice-Curateur Opach mettait en garde sur le fait que le Collège n’était pas une société des amis d’Alfred Jarry, et surtout où, au milieu de célébrations de Jean Ferry et de Georges Perec (avec un article « En Cent »), on pouvait lire un article de l’Auditeur réel Paskhal Boulage intitulé « Voirie », qui rapportait une visite solennelle et inaugurale de la Cellule Orléanaise de ’Pataphysique dans un champ merdrique rue de la Jarry à Olivet. Latis disparut l’année suivante, comme si cette faute de goût avait anticipé sa fin.
La série des Subsidia allait continuer, après l’occultation du Collège deux ans plus tard, dans des Organographes du Cymbalum pataphysicum, qui furent suivis, après la désoccultation dudit Collège de Monitoires, Carnets et autres follicules. La pataphysique accordant très sérieusement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité, ses institutions étant vouées à l’éthernité, et ses principes étant des entités abstraites, ces aléas mondains n’ont aucune importance. Mais on continue de célébrer ses très riches heures.
Il y eut 28 numéros des Subsidia, entre 1965 et 1975. On peut retrouver le sommaire de chaque numéro sur le site du collège de pataphysique.