Après la série « Décamérez ! » du printemps, EaN publie chaque mercredi une nouvelle traduction créative de textes du Moyen Âge pour accompagner le confinement de l’automne. Le « Devizoomons ! » de Nathalie Koble invite à sortir de nos écrans en restant connectés grâce à des « devises », poèmes-minutes et méditations illustrées qui nous font deviser, c’est-à-dire converser, partager, échanger. La poésie nous entretient : des autres, du monde, de soi-même ; et elle prend soin de nous. Troisième épisode, avec une « Toile » d’Henri Baude (né en 1415) et la « Neige » de Rutebeuf (né vers 1230).
Toile
– Bel homme, dis-moi donc, s’il te plaît,
Que médites-tu dans ce bois ?
– Je pense aux toiles d’araignées
Qui ressemblent à notre droit :
Grosses mouches en tout endroit
Passent, les petites sont prises.
Les petits sont soumis aux lois
Et les grands en font à leur guise.
(Henri Baude, Dits moraux pour faire tapisserie)
Neige
Clochards, vous voilà bien en point
Les arbres dépouillent leurs branches
Pour vous couvrir vous n’avez rien
Et le froid saisira vos hanches
Quel bonheur serait un pourpoint
Et un manteau fourré aux manches
En été vos jambes vont loin
En hiver on les voit qui flanchent –
Chaussures cirées ? Pas besoin
Vos talons vous servent de planches
Les mouches noires vous ont piqués
En cette saison voici les blanches
Rutebeuf, la griesche d’hiver
(trad. N. Koble, extraite de Mouche, S. Doppelt et D. Loayza (dir.), Paris, Bayard, 2013)