Après la série « Décamérez ! » du printemps, EaN publie chaque mercredi une nouvelle traduction créative de textes du Moyen Âge pour accompagner le confinement de l’automne. Le « Devizoomons ! » de Nathalie Koble invite à sortir de nos écrans en restant connectés grâce à des « devises », poèmes-minutes et méditations illustrées qui nous font deviser, c’est-à-dire converser, partager, échanger. La poésie nous entretient : des autres, du monde, de soi-même ; et elle prend soin de nous. Quatrième épisode, pour réfléchir ou pour lâcher prise.
1. réfléchir
Je suis pour vouloir haut monter
Tombé le cul entre deux chaises
Voulant sur raison exceller :
Oiseau ne peut voler sans ailes.
*
Chaque oiseau en plein vol doit prendre
De la hauteur – ses ailes franches –
Sans vouloir par trop entreprendre :
Il faut voler bas pour les branches.
(Henri Baude)
lâcher prise
Quand je vois l’alouette ouvrir
Ses ailes de joie vers la lumière,
S’oublier, se laisser fléchir
Sous la douceur qui vient au cœur,
Ha ! – si envahissant désir
Me saisit devant ce bonheur
Qu’avec effroi je considère
Mon cœur qui manque défaillir.
Hélas ! je croyais tout connaître
D’amour, et j’en sais si peu,
Car si j’aime je ne suis pas maître
D’aimer femme hors de ma portée.
Elle a tout mon cœur, tout mon être,
Ma personne et le monde entier,
Et en me prenant elle ne m’a laissé
Que désir et cœur impétueux.
Bernard de Ventadour (1125-1200), « Quan vei la lauzeta mover » (deux premières strophes)