Après la série « Décamérez ! » du printemps, EaN publie chaque mercredi une nouvelle traduction créative de textes du Moyen Âge pour accompagner le confinement de l’automne. Le « Devizoomons ! » de Nathalie Koble invite à sortir de nos écrans en restant connectés grâce à des « devises », poèmes-minutes et méditations illustrées qui nous font deviser, c’est-à-dire converser, partager, échanger. La poésie nous entretient : des autres, du monde, de soi-même ; et elle prend soin de nous. Sixième épisode pour « rester aveugle malgré [ses] yeux ouverts »
Branche coupée
Je suis aveugle malgré mes yeux ouverts
D’inquiétude me tenant sur la branche –
C’est miracle si je ne tombe à terre
Quand sans raison mon appui coupe et tranche.
(Henri Baude)
eau de caillou
En pressant je fais jaillir
l’huile de cailloux de rivière,
je n’ai pas peur de faillir
peu m’importe la carrière –
j’en prends devant ou derrière
j’extrais sa substance de force
par une si subtile manière
qu’il n’en reste que l’écorce
(Henri Baude)
pierre d’avenir
L’émeraude est une pierre verte. On en trouve de plusieurs sortes, mais la plus vertueuse est celle qui est très claire, si verte qu’elle transmet à l’air alentour sa propre couleur. Il faut la tenir en grande révérence : elle porte bonheur, rend puissant. À qui la porte en pendentif, elle donne tempérance et art de la parole. Elle sauve des maladies qui rendent infirme, protège la vue, calme les ardeurs de la jeunesse, éloigne la foudre et la tempête. Les magiciens l’utilisent pour sonder l’avenir.
(Le Livre des pierres précieuses, qui peuvent estre trouveez selon le cours de Nature, XVe siècle)