La découverte du surréalisme et la rencontre d’André Breton ont, au long des années, changé la vie de plusieurs générations de jeunes gens passionnés. Alain Joubert a découvert le surréalisme en 1952 – né en 1936, il avait alors seize ans – et rencontré en 1955 André Breton, qui lui a ouvert les portes du groupe surréaliste. Lui-même devait déclarer : « J’ai toujours pensé qu’on ne devenait pas surréaliste mais qu’on l’était. » Donc, il l’est resté jusqu’à sa mort, le 22 avril dernier.
Après la mort de Breton en 1966 et l’« autodissolution » du groupe en 1969, Alain Joubert refusera d’accepter la décision de quelques-uns de ses anciens amis et gardera des liens forts avec les autres. Venu plus tard que lui au surréalisme, et refusant que l’on me force à choisir mes amis, j’ai gardé ceux auxquels je tenais. Je connaissais Joubert d’abord par la cinéphilie, quelques articles très forts dans Positif – notamment celui sur Un roi sans divertissement (1963) –, et par ses prises de position sans compromis, en particulier dans La Quinzaine littéraire. Certains de mes amis surréalistes ayant depuis des années cessé de le voir, je ne l’ai vraiment connu que sous le signe de Benjamin Péret, en lui demandant de me communiquer un texte qu’il fallait publier dans ses Œuvres complètes. Nos « différends » passaient après Péret. Des amis communs (Georges Goldfayn, François-René Simon) firent le reste. J’avais été très ému par Une goutte d’éternité (Maurice Nadeau, 2007), son livre sur la mort de Nicole Espagnol, la femme de sa vie. Je le lui écrivis. Il m’en remercia en m’envoyant l’« hommage » qu’il avait « estimé devoir faire à Nicole, et adressé à quelques amis » : « Puissiez-vous, dès lors, vous compter parmi eux ».
Maurice Nadeau me fit collaborer à La Quinzaine littéraire, où je le retrouvai. Là, puis dans En attendant Nadeau, j’ai admiré sa curiosité et le soin systématique qu’il prenait, comme les surréalistes dans leurs revues, à ne surtout pas laisser passer les livres témoignant d’une exigence et d’un ton, récemment ceux de Gabrielle Wittkop et Un monde mouvant et sans limites, de Georges-Henri Morin, sur Maurice Heine, l’éditeur du marquis de Sade, ou encore la semaine dernière Le jardin du Lagerkommandant, d’Anton Stoltz. Qui d’autre que lui aurait pu en parler ?
La maladie ne l’a pas épargné. On ne le voyait pas se plaindre. L’humour l’y aidait. Après chaque hospitalisation, il se remettait au travail, inlassablement. Il venait de publier pour la première fois ses poèmes, L’autre côté des nuages, dédiés à Nicole. On ne s’attendait pas à cette nostalgie de l’enfance et à cette douceur de la part de ce redoutable polémiste qui n’avait pas l’habitude de s’en laisser compter :
« La poésie ouvre toutes les portes
Ascenseur pour le dernier étage
Là où l’air et la terre
Cessent d’être perçus contradictoirement
Face au soleil de l’éternité. »