Photographier le blanc : le loupé selon Jean-Luc Bertini

Hors série Blanc En attendant NadeauPhotographe indépendant, Jean-Luc Bertini est connu pour son art des portraits, régulièrement présentés en Une de nombreux journaux français et étrangers, et dans les colonnes d’En attendant Nadeau depuis les tout premiers jours de notre journal. Il a également parcouru les États-Unis et la Russie, dont il a tiré les ouvrages suivants : Américaines solitudes (2020), Des écrivains en liberté (avec Alexandre Thiltges, 2016), Solovki, la bibliothèque perdue (avec Olivier Rolin, 2014).

Une photographie en noir et blanc bien exposée, c’est d’abord un jeu d’équilibre réussi entre le noir et le blanc. C’est cet équilibre-là qui permet ensuite le bon déroulé d’une gamme de gris devant quoi se produisent les deux solistes. Or il est rare qu’une planche contact ne comporte pas ce que j’appelle volontiers son petit troupeau de moutons noirs et de moutons blancs. Moutons noirs, le photographe a sous-exposé son image, un peu comme s’il avait claqué la porte un peu trop vite à la lumière et que l’ombre avait peu ou prou tout avalé. Moutons blancs, c’est l’inverse qui s’est passé : la porte est restée trop longtemps ouverte et la lumière a presque tout brûlé. Reste une photographie à l’atmosphère vaporeuse, diaphane, lumineuse.

Pour le puriste, ce sont des photos ratées, dont on ne cherchera pas les raisons du ratage, elles sont nombreuses, de l’impréparation au manque de bouteille, sauf à vouloir les regarder d’un œil moins sévère et peut-être moins photographique ; alors, et seulement à cette condition, on parvient parfois à leur trouver des qualités singulières, originales, curieuses, de sorte que ces clichés provoquent presque malgré eux des qualités harmonieuses et esthétiques, rappelant, s’il est besoin, que le tir du photographe, bien que tout entier subordonné au cœur et aux yeux (dixit Henri Cartier-Bresson), doit également sa réussite au jeu du hasard et à une bonne dose de poudre de perlimpinpin.

Cette série de douze images est donc, on l’a compris, une série de photos loupées techniquement, mais auxquelles, au rattrapage, on a bien voulu trouver quelques grâces.

Tous les articles du hors-série n° 5 d’En attendant Nadeau