Un conte plein de saveurs

Paru en 2005, le premier des quatre livres publiés par la romancière Marsha Mehran (1977-2014) est traduit en français. Trois sœurs ayant fui l’Iran s’installent dans une petite ville d’Irlande. Choc culturel garanti.


Marsha Mehran, Une soupe à la grenade. Trad. de l’anglais par Santiago Artozqui. Philippe Picquier, 298 p., 21 €


Marjan, Bahar et Layla Aminpour arrivent à Ballinacroagh, en Irlande, et ouvrent le Babylon Café. Malgré la météo pluvieuse, les héroïnes du roman de Marsha Mehran choisissent pour l’ouverture le jour du printemps, celui où l’on célèbre en Iran le nouvel an avec la fête de Nowruz. La population locale semble essentiellement répartie en trois groupes : les adorateurs de la bouteille, les fanatiques du ragot et les grenouilles de bénitier. Quel accueil réservera-t-elle à ces trois étrangères et aux effluves tentateurs émanant du nouveau café ?

Une soupe à la grenade, de Marsha Mehran : un conte plein de saveurs

Il y a quelque chose de Joanne Harris (son roman Chocolat, adapté en film, est sans doute le plus connu) dans ce roman qui fait la part belle à l’éveil des sens grâce aux saveurs, aux senteurs et aux couleurs de l’Iran. Chaque chapitre s’ouvre d’ailleurs sur une recette de cuisine, des fois que la lecteur ou la lectrice souhaiterait tenter quelque chose de plus tangible. Les stéréotypes ne sont jamais très loin et l’intrigue réserve peu de surprises, mais les révélations sur le passé des sœurs en Iran donnent de l’épaisseur à cette Soupe à la grenade.

Le récit a quelque chose du conte, avec ses trois sœurs et leur bonne fée marraine, la veuve italienne Estelle Delmonico, les propriétés presque magiques des plantes utilisées en cuisine, l’évocation des folklores celte et persan… Ce qui commence avec légèreté aurait pu tourner à l’écœurante guimauve, mais le souvenir amer des événements iraniens et la tristesse de l’exil viennent équilibrer le tout, comme dans un plat aigre-doux.

Marsha Mehran elle-même a quitté l’Iran très jeune avec sa famille et connu l’exil dans plusieurs pays : Argentine, États-Unis, Australie, Irlande. Une soupe à la grenade devait être le premier tome d’une saga de sept livres dont seuls deux ont vu le jour, l’autrice étant décédée prématurément en 2014. La traduction de Santiago Artozqui restitue à merveille la palette sensorielle autant que la galerie de personnages hauts en couleur de ce roman que l’on déguste avec plaisir.

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