La concision et la clarté de deux artistes

Un couple de créateurs inventent : Anni Albers (1899-1994) et Josef Albers (1888-1976). Ils se rencontrent en 1922 au Bauhaus. Trois ans après, ils se marient. Sans cesse, artistes et enseignants, ils cherchent à amener leurs élèves vers une plus grande autonomie de réflexion par l’observation sensible du monde.


Anni et Josef Albers. L’art et la vie. Musée d’Art moderne de Paris. Jusqu’au 22 janvier 2022.

Catalogue. Éditions Paris Musées, 280 p., 45 €


Josef Albers écrit : « Apprenez à voir et à ressentir la vie, cultivez votre imagination parce qu’il y a encore des merveilles dans le monde, parce que la vie est un mystère et qu’elle le restera. Mais soyons-en conscients. » Anni et Josef expliquent : « Nous disons souvent que le ciment de notre couple, c’est le respect. »

Anni et Josef Albers : la concision et la clarté de deux artistes

Josef Albers, « Central Warm Colors Surrounded by 2 Blues » (1948). Josef Albers Museum Quadrat Bottrop © 2021 The Josef and Anni Albers Foundation/Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris 2021

Tous deux exposent dans ce musée plus de 350 œuvres. Josef est issu d’une famille ouvrière catholique ; son père est un artisan peintre et menuisier ; à tels moments, Josef est instituteur ; puis il s’inscrit au Bauhaus. Anni est héritière d’une famille juive convertie au protestantisme… En 1933, sous la pression du parti nazi, les membres du Bauhaus décident la dissolution de l’école. Josef et Anni sont recrutés pour enseigner au Black Mountain College, école expérimentale en Caroline du Nord. En 1934, Josef est nommé professeur d’art ; Anni est alors nommée professeur assistante ; elle met en place un atelier de tissage expérimental.

En 1949, Anni et Josef démissionnent, ils s’installent à New York. Josef est appelé, peu après, à présider le département de design de l’université de Yale ; il donne alors son cours sur « la magie et la logique de la couleur » et commence sa série Homage to the Square ; peu à peu, il réalise 2 000 œuvres pour observer le « comportement » des couleurs du Carré, du Square… Simultanément, Anni étudie les tissages ; elle précise : « Commencer signifie explorer, sélectionner, développer une vitalité puissante non encore limitée, non circonscrite par le traditionnel et l’éprouvé. »

Anni et Josef Albers : la concision et la clarté de deux artistes

Anni Albers, « Intersecting » (1962). Josef Albers Museum Quadrat, Bottrop © 2021 The Josef and Anni Albers Foundation/Artists Rights Society (ARS), New York/ADAGP, Paris 2021

Dans les années 1950, Anni réalise des œuvres de plus petit format, tissées à la main, dont l’unique finalité est d’être là, à regarder. En 1965, le Jewish Museum de New York lui demande de créer un mémorial dédié aux six millions de juifs tués au cours de la Shoah.

En 1982, Anni Albers déclare : « Moi, je voulais quelque chose à conquérir. Mais les circonstances m’ont liée aux fils et ce sont eux qui m’ont conquise. J’ai appris à les écouter, à parler leur langue. Et à force de les écouter m’est venu peu à peu le désir de m’évader de leur territoire, ce qui m’a conduite vers un autre médium, les arts graphiques. Là, les fils n’avaient plus trois dimensions ; sur le papier n’apparaissaient que leurs sosies, dessinés ou imprimés. » Dans une dédicace, Anni Albers évoque une « logique textile » chez les grands maîtres du Pérou des siècles anciens.

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