Cap au Nord

Suspense (45)

L’inspecteur norvégien Wisting exerce ses talents depuis une douzaine de romans : il se penche dans La chambre du fils sur une « affaire non résolue » (un « cold case ») pour la quatrième fois. Jørn Lier Horst, son créateur, a bien sûr donné aux vieilles histoires que Wisting tente de résoudre des prolongements dans le présent, suspense oblige. Encore plus au nord, l’Islandaise Lilja Sigurðardóttir lance une enquêtrice financière sur la piste de sa sœur disparue.


Jørn Lier Horst, La chambre du fils. Trad. du norvégien par Aude Pasquier. Gallimard, coll. « série noire », 480 p., 20 €

Lilja Sigurðardóttir, Froid comme l’enfer. Trad. de l’islandais par Jean-Christophe Salaün. Métailié, coll. « Noir », 288 p., 21 €


Tout commence dans La chambre du fils, le nouvel opus de Jørn Lier Horst, avec la mort de Bernhard Clausen, ancien ouvrier soudeur, membre important du parti travailliste et ex-ministre. En allant visiter son chalet, un de ses collègues du parti découvre neuf cartons remplis de billets de banque.

Suspense (45) : Jørn Lier Horst et Lilja Sigurðardóttir

Wisting est chargé de découvrir d’où ils proviennent et d’éviter que l’affaire ne s’ébruite. L’argent, comprend-il très vite, est celui d’un hold-up réalisé vingt ans plus tôt et jamais élucidé. En fouillant un peu dans les vieux dossiers, il s’aperçoit également que, le jour du vol, un jeune homme est allé pêcher près du chalet de Clausen et n’a ensuite jamais été revu. Ce sont les liens entre Clausen, le braquage, et l’homme disparu que va tenter de démêler Wisting. Il enrôle officiellement et officieusement dans son enquête des collègues et sa fille journaliste (que les lecteurs de Horst connaissent déjà).

Nous sommes donc en terrain familier, avec des personnages que nous aimons bien, des rebondissements quand il faut, des méchants menaçants quand ils le doivent, et des balades dans les forêts norvégiennes. Côté gastronomie, c’est aussi assez norvégien, la saucisse réchauffée au micro-ondes se posant là comme mets de prédilection.

À quelque 1 500 kilomètres au nord-ouest, en Islande, on enquête aussi, mais d’abord en amateur. En effet, dans Froid comme l’enfer de Lilja Sigurdarðottir, Aurora, qui vit en Angleterre, revient en Islande, pour tenter de retrouver sa sœur Isafold qui a disparu. Elle le fait, sans enthousiasme, à la demande de sa mère, persuadée que les talents déployés par sa fille dans son métier d’enquêtrice financière, spécialiste du débusquage d’investissements douteux, permettront de résoudre le mystère.

Suspense (45) : Jørn Lier Horst et Lilja Sigurðardóttir

Aurora, de retour au pays, découvre la violence à laquelle Isafold était soumise de la part d’un mari brutal et qu’elle a toujours niée, mais pas l’endroit où elle aurait bien pu se réfugier. Enquêter, c’est bien, mais séduire, ce n’est pas mal non plus, et Aurora, au fil de ses investigations, joue de ses charmes pour ensorceler deux messieurs dont un policier qui va l’aider dans la recherche de sa sœur. Mais rien n’est comme il paraît.

Le ton est assez enjoué, le déroulement de l’intrigue aussi. Le lecteur apprend des choses sur les scandales financiers qui ont ébranlé l’île et sur ce que la société islandaise peut avoir de décourageant et de sympathique. D’un autre point de vue, le même lecteur, s’il est familier des polars d’Arnaldur Indriðason, Ragnar Jónasson, Yrsa Sigurðardóttir (autres auteurs islandais), se dit que le pays doit être à coup sûr le paradis des assassins, truffé comme il l’est (par les bons soins imaginatifs de ces écrivains) de cadavres « irretrouvables », précipités pour l’éternité dans ses eaux, ses glaciers et ses vertigineusement profondes failles volcaniques.

Voilà qui ajoutera quelques frissons à notre prochain trek en Islande.

Tous les articles du numéro 151 d’En attendant Nadeau