Les défenseurs de la poésie, critiques ou responsables d’ateliers d’écriture, permettent au poème écrit ou sonore de surmonter les obstacles : EaN leur rend ici hommage à travers un entretien avec le critique et éditeur Jacques Josse et un entretien avec Marie-Agnès Chavent- Morel et Christian Comard, deux des responsables des Ateliers de l’Arabesque. Nous vous proposons également une sélection d’éditeurs qui valent le détour au Marché de la poésie.
Entretien avec Jacques Josse
Critique, Jacques Josse a publié de nombreuses notes dans remue.net, sur son blog et en d’autres lieux. Par ailleurs, il a créé et dirigé la revue Foldaan, puis les éditions Wigwam où il a publié pas moins de 81 poètes. Il a aussi dirigé, après François Rannou, la collection « Piqué d’étoiles » aux éditions Apogée. Enfin, et surtout, il est poète et écrivain, avec plus d’une trentaine de livres chez différents éditeurs (le Réalgar, La Digitale, La Contre-Allée, les Hauts-Fonds, Quidam…).
Vous menez depuis près de quarante ans une activité de critique littéraire.
Oui, j’écris des notes de lecture sur des livres (de poésie, mais pas seulement) qui me parlent. J’essaie de dire pourquoi, de suivre certains auteurs sur le long terme, en regardant leurs œuvres se déployer, s’étoffer. Je conçois chaque note comme un exercice littéraire. Cela prolonge ma lecture.
Il est important également d’évoquer votre travail d’éditeur et de directeur de collection (Foldaan, Wigwam, Apogée…).
Tout a commencé avec Foldaan (1980-1988), revue qui donnait à lire des textes inédits de poètes contemporains, ainsi que de nombreuses notes critiques. Wigwam est venue après. L’idée était de créer une anthologie personnelle en sollicitant les poètes que j’avais envie de publier. Chaque plaquette (de 16 pages) était consacrée à un auteur différent. Il y en a eu 81 entre 1991 et 2010. Cependant, la collection « Piqué d’étoiles » des éditions Apogée n’était consacrée qu’aux récits et aux romans. Aujourd’hui, je n’ai plus d’activité éditoriale.
Vous êtes avant tout écrivain et poète. Comment exercez-vous cette activité qui est le fondement même de toute votre démarche ?
J’ai besoin de mettre au clair des zones d’ombre. Je fouille dans ma mémoire et dans celle des autres. Je remets en situation, dans le paysage qui est le leur, des personnages qui m’ont marqué et dont je brosse le portrait. Parfois, j’en invente quelques-uns. Cela tourne souvent autour de mon hameau natal, près de la mer, en Bretagne, sur la côte Nord. Je me sens proche des oubliés, des invisibles, des gens de l’ombre qui résistent. Et aussi des rêveurs, des voyageurs, des habitués des bars, des raconteurs d’histoires. Tous prennent place dans mes textes.
Propos recueillis par Alain Roussel
Entretien avec Marie-Agnès Chavent-Morel et Christian Comard
Créés en 1994 par Marie-Agnès Chavent-Morel, Valérie Chataing et Christian Comard, les Ateliers de l’Arabesque sont caractéristiques de ces lieux qui, dans différentes villes de France, permettent à l’écriture de se développer envers et contre tout. Basés à Sainte-Foy-lès-Lyon, les Ateliers de l’Arabesque mènent leur action dans toute la région lyonnaise où ils complètent le réseau des librairies, des bibliothèques municipales et des associations (Le Caveau des Lettres, Printemps des Poètes).
Pourriez-vous définir la spécificité de vos ateliers d’écriture ?
Marie-Agnès Chavent-Morel : C’est un cheminement. Au départ, l’écriture peut être enfouie. Et puis, elle s’aventure peu à peu, on est amené à débroussailler, qui que l’on soit. Pas besoin de diplômes.
Que viennent chercher les personnes qui tentent l’aventure ?
Christian Comard : Les personnes expriment toutes une recherche. Elles osent quelque chose d’inconnu, de l’ordre d’une intuition. Elles recherchent un cadre, tenu par l’animateur ou l’animatrice.
M.-A. C-M : Une des forces de nos ateliers, c’est l’engagement de chacun. Un profond respect. On engage sa parole, on écoute celle des autres. Cela nous étonne toujours.
Qui sont les personnes qui écrivent dans vos ateliers ?
M.-A. C-M : Nous avons cinquante adhérents. Nous accueillons toute personne, quel que soit son prétendu niveau scolaire. L’éventail est riche : du contrôleur des impôts au projectionniste, du médecin à l’enseignant. Des artistes, des peintres, un sculpteur, une comédienne.
Sur quel point se rejoignent-ils ?
M.-A. C-M : Sur l’immersion totale dans les mots. Stimulation, friction, échanges.
C. C. : Dans l’ouverture aux autres, l’écoute, la pépite à sauver, le matériau. Les participants sont sensibles au respect de chaque écriture, aux retours qui mettent en avant l’exigence de servir le texte.
L’atelier est donc une histoire de risque ?
M.-A. C-M : Oui, le mot « risque » est essentiel. Quel plongeon que d’entendre sa propre voix en écriture, sa juste voix, une fois débarrassée des scories, une fois le lâcher-prise accepté ! Risquer ses mots, ceux que l’on écrit et aussi ceux que l’on ose sur le texte des autres.
Comment l’atelier s’est-il enrichi depuis sa création ?
M.-A. C-M : Par l’apport d’autres arts, de stages en lien avec le land art, la peinture, le yoga… Des liens avec les libraires de quartier, avec des éditeurs qui risquent des auteurs, qui les soutiennent, l’Ail des Ours, les éditions Henry, les revues…
Pouvez-vous parler des propositions ?
M.-A. C-M : Elles évoluent en fonction du chemin parcouru, avec l’exigence à chaque fois de creuser. Travailler encore et encore la langue. Trouver le rythme, la musicalité propres à chacun.
Et ces notions rejoignent l’écriture poétique?
M.-A. C-M : Observer, noter des images, des sensations, engranger des couleurs, oui, cela a tout à voir avec la poésie que chacun porte en soi. La voix, le blanc, le silence, l’écoute. Cela compte bien sûr dans la poésie comme dans la prose : pensons à une auteure comme Laura Vazquez. L’oral est essentiel, la lecture à haute voix des auteurs et des écrivants. Les Ateliers de l’Arabesque ont créé une compagnie de lecture-spectacle, Les Viveurs Lunaires, qui portent la poésie à tous les publics lors du Printemps des Poètes. Même si certains saisissements ne peuvent jaillir que dans le poème, la prose est présente aussi. La poésie peut tout.
Propos recueillis par Marie-Pierre Stevant-Lautier
Ces éditeurs valent le détour
« S’il y a un groupe vers lequel on pourrait se tourner pour chercher des modèles, ce serait par exemple les poètes! Cela fait maintenant 200 ans qu’ils vivent sans marché ; ils se sont organisés de manière tout à fait réfléchie. […] Ce sont des personnes sans marché et qui ont tellement d’investissement, tellement de croyance dans ce qu’elles font qu’elles sont parvenues à se défendre sur le terrain des choses économiques », soulignait Pierre Bourdieu lors d’un débat sur les presses d’université, à Strasbourg, en 2001. EaN a sélectionné, parmi les 300 éditeurs et revues qui participeront au 39e Marché de la Poésie, quelques noms (souvent présents dans nos colonnes) qui méritent un arrêt à leur stand.
Æncrages : 617- 619
Al Manar : 403
Arfuyen : 216-218
Atelier des Grames : 508-514
Au diable vauvert : 109 B
Bruno Doucey : 118-120
Cheyne : 405
Revue Europe : 525
Ent’revue : 700-704
Espace Pandora : 423 et 514
Gallimard : 111
Éditions Henry : 517-521
L’amourier : 208
La rumeur libre : 423
L’atelier contemporain : 506 B
Le castor astral : 400
Le journal des poètes : 212
Le taillis pré : 212
Manifeste ! / Le merle moqueur : 417
Place de la Sorbonne : 700-704
Tarabuste : 507
Un journal essentiel : Poezibao
Depuis près de vingt ans, Poezibao rend compte quotidiennement de l’actualité de la poésie : le journal de Florence Trocmé se construit autour d’une « Anthologie permanente » qui propose régulièrement des extraits de textes poétiques, français comme étrangers. Poezibao publie également des notes de lectures, des entretiens, un feuilleton, rend compte de l’actualité des revues… Un travail formidable, accessible gratuitement en ligne, représentant plus de 12 500 articles à ce jour.
Nos collaborateurs interviennent au Marché de la Poésie
Marie Étienne : samedi 9 juin à 17 h et samedi 11 juin à 15h, au Castor Astral (400) ; mais aussi le jeudi 16 juin à 19h à l’hôtel de Blémont (Paris 9e), et le mardi 21 juin à 19h, à la Librairie Gallimard (Paris 7e) en compagnie de Jacques Darras.
Maurice Mourier : samedi 11 juin à 14h, chez Caractères (220)
Gérard Noiret : samedi 11 juin à 18h, chez Tarabuste (507)
Hugo Pradelle : dimanche 12 juin à 14h, André Chabin (Ent’revues) animera un débat consacré aux revues numériques, avec Sereine Berlittier (Remue.net), Pierre Le Pillouër (Sitaudis), Maryline Bertoncini et Carole Mesrobian (Recours au poème) et Angèle Paoli (Terres de Femmes).