Nager en chanson
Avec Bourvil ou Anne Sylvestre, Étienne Daho ou Oldelaf, ce quatrième épisode du feuilleton de notre hors-série estival rappelle que nager se chante (moins que la plage, la mer et les plaisirs du bord de l’eau, habituelles inspirations des « tubes » de l’été).
Pour établir une liste, il a donc fallu écarter les morceaux – innombrables – qui font allusion, non pas à la nage, mais à la contemplation des lieux aquatiques et aux joies que ceux-ci procurent (rencontres, activités, tenues…). Pour ne pas alourdir la liste, seul le domaine français a été retenu.
La sélection est, encore une fois, subjective. Curieusement, cependant, le mode humoristique sur lequel le thème est traité n’exprime pas une préférence personnelle, mais celle des paroliers français, plus enclins à la drôlerie, semble-t-il, que, par exemple, leurs collègues anglo-saxons souvent hantés par la nostalgie des « swim parties » de leur jeunesse (cf. « I Wish I was Swimming » de Breathe Owl Breathe). En France, les chansons sur les délices ou les dangers littéraux et métaphoriques de la baignade sont plutôt censées faire sourire.
1. « Les bains de mer », 1923, interprétée par Dranem, paroles d’Yves Mirande et Lucien Boyer, musique de Maurice Yvain.
Star du caf’conc’, Dranem (encore célèbre aujourd’hui pour « Ah ! les p’tits pois » et « Je suis neurasthénique ») chante ici une chanson sur la découverte de la mer par un citadin qui s’y « baigne comme un poisson / sans caleçon », appréciant le flot qui « c’est drôle / vous frôle les épaules », tout en s’étonnant « qu’il y ait de l’eau jusqu’en Amérique ». La chanson a été écrite pour La dame en décolleté, opérette se déroulant à Deauville et créée en 1923, année de la construction des « planches » de la station balnéaire normande.
2. « Le maître-nageur », 1949, interprétée par Bourvil, paroles de Guy Lionel, musique de Michel Valet.
Typique de l’imaginaire traditionnel concernant le maitre-nageur (beau, modérément futé), cette chanson humoristique raconte les séductions qu’il exerce et les dangers qu’elles lui font courir. Elle s’ouvre sur ces paroles, encore assez connues autour des bassins : « Il était beau, le maît’ nageur / Quand elle le vit, tout d’suite son cœur / Fit un grand bon dans sa poitrine ». « Poitrine » va ensuite rimer avec « gamine » puis, bien sûr, « piscine ».
3. « N comme Nicolas », 1957, paroles de Boris Vian, musique de Lucienne Vernay.
Boris Vian, qui allait beaucoup à la piscine, pensant que nager était excellent pour son cœur, compose ici une chanson natatoire à la lettre N d’un Petit Abécédaire musical à l’usage des enfants et des personnes qui téléphonent : « Nicolas a fait naufrage / Va-t-il se noyer / Non, non, non, Nicolas nage / On voit son nez qui surnage. » Vian, qui a écrit une nouvelle, « Un test » (1949), se déroulant à la piscine Deligny, a aussi composé un érotique « Bain de minuit » (1954) et une curieuse chanson, « Bourrée de complexes » (1955), mettant en scène une très jeune Marie-France, mariée à un inspecteur des finances, qui va apprendre à nager à la piscine pour se désennuyer. Elle y rencontre un « costaud bien baraqué », lequel vient vivre avec eux. Et là, le mari « ayant repris de la vigueur […] enlève le maître-nageur ». Tout se termine de manière énigmatique : « Adieu les complexes, fini les complexes / Elle a changé d’sexe, tout est arrangé ».
4. « Nage, nage », 1969, paroles, musique et interprétation d’Anne Sylvestre.
Cette « fabulette » pour enfants invente dans son refrain une prononciation joliment hétérodoxe de « crawl »: « Et si tu tombes au fond de la casserole/Alors nage le crawl. »
5. « Pull marine », 1983, interprétée par Isabelle Adjani, paroles et musique de Serge Gainsbourg.
La chanson, plus hydraulique que natatoire, met en scène une relation amoureuse orageuse dans laquelle Isabelle Adjani dit qu’elle est : « Au fond d’la piscine dans un p’tit pull marine » et prie son amant de venir « repêcher [s]a p’tite sardine ». Ici l’inspiration manque un peu à Gainsbourg, la voix à Adjani, et le sens du ridicule à Luc Besson qui a réalisé le clip.
6. « La nage indienne », 2000, interprétée par Étienne Daho, paroles et musique d’Étienne Daho.
Les paroles de cette chanson de sauvetage amoureux de l’aimée et de soi-même suggèrent, métaphoriquement et humoristiquement, que soit utilisée « brasse indienne ou brasse coulée ».
7. « La natation synchronisée », 2004, interprétée par Vincent Delerm, paroles et musique de Vincent Delerm.
Le délicieux clip de la chanson de Delerm peut être vu sur internet : tout en l’interprétant, l’artiste effectue une amusante pantomime de ballet nautique, se démultipliant en plusieurs nageurs. Le thème de la chanson est celui de l’amour et de ses complexités, comme le souligne son refrain natatoire: « Nos histoires d’amour sont les mêmes / Comme si nous avions pratiqué / Dans des piscines parallèles / La natation synchronisée ».
8. « J’aime pas la piscine », 2005, paroles et musique d’« Oldelaf et Monsieur D. », interprétation vocale d’Oldelaf.
La chanson, humoristique, dont le titre annonce explicitement le contenu, s’adresse à tout écolier ou ex-écolier n’ayant jamais apprécié cette activité obligatoire de son cursus.
9. « Piscine Love », 2009, paroles, musique et interprétation par « La Chanson du dimanche ».
On ne nage pas beaucoup, voire pas du tout, dans « Piscine Love », amusante chanson baba cool. Mais il fallait faire une exception pour elle, car comment résister à son refrain : « Je suis Piscine Love, Piscine Love, / Oh je suis Piscine Love » ? « Peace and love », vous aviez compris ?
10. « À la piscine », 2010, paroles, musique et interprétation de Merlot.
« À la piscine », chanson d’un album pour enfants, célèbre joyeusement les plaisirs de la natation scolaire. C’est en quelque sorte une réponse à « J’aime pas la piscine » d’Oldelaf.