Grâces lui soient rendues

Soixante ans de journalisme littéraire de Maurice NadeauEn juillet 1981, Maurice Nadeau confie à Monique Le Roux la chronique dramatique de La Quinzaine littéraire. Assez éloigné de la vie théâtrale, il la laisse libre de ses choix. Toujours chargée de cette même chronique pour EaN, notre collaboratrice partage ses souvenirs.

Maurice Nadeau ne fréquentait quasiment les salles que pour voir sa fille, Claire Nadeau. Avec une grande discrétion, il se contentait de m’informer de la présence de cette magnifique actrice dans tel ou tel spectacle. Ainsi, j’ai pu consacrer une critique à une pièce de Véronique Olmi, Le jardin des apparences, créée en 2002 au théâtre Hébertot, où Claire Nadeau jouait la fille du personnage incarné par Jean-Paul Roussillon. En 2009, toujours à Hébertot, elle était la jeune femme de Robert Hirsch dans La Serva amorosa. Elle succédait à Catherine Hiegel, créatrice du rôle en 1992, pour l’entrée au répertoire du Français de la comédie de Goldoni. Et Maurice Nadeau n’avait eu nul besoin de me suggérer de rendre compte de ce spectacle.

Soixante ans de journalisme littéraire : Nadeau, loin du théâtre

Le théâtre Hébertot, à Paris © CC3.0/Celette

L’index m’a permis de constater le peu de place de la vie théâtrale dans les 1 800 pages du tome III. Mais il m’a fait prendre conscience, bien trop tardivement, de mon manque d’attention à René de Obaldia. Dans son long article sur L’Exobiographie, en 1993, Maurice Nadeau rappelle « l’œuvre dramatique abondante (7 volumes chez Grasset), d’une surprenante actualité », il l’associe à celles de Beckett, Ionesco, Adamov. Il mentionne la reprise récente de Monsieur Klebs et Rosalie ; il aurait pu alors me suggérer d’aller la voir. Mais il me laissait toute liberté de privilégier metteurs en scène et nouveaux auteurs. De fait, seules Génousie en 1961 au TNP et Le Satyre de La Villette en 1963 à l’Atelier avaient bénéficié respectivement du travail de Jean Vilar et d’André Barsacq. À l’affiche, c’est plutôt les noms des interprètes qui attiraient : Michel Bouquet dans Monsieur Klebs et Rosalie, Michel Simon dans Du vent dans les branches de sassafras. Maurice Nadeau avait assisté à ce spectacle : « Nous revoyons pour ne jamais plus l’oublier, Michel Simon. » Dans un « Journal en public » (en 1997), il signalait le passage au Salon du livre de l’ami qui avait laissé un mot. Mais il n’a pu lui rendre hommage dans une nécrologie. René de Obaldia est mort en 2022 à cent trois ans.

Un des articles où Maurice Nadeau fait le plus référence à des auteurs de théâtre, des metteurs en scène, est son « Adieu à Gilles Sandier », à la mort, en 1982, du premier critique dramatique de La Quinzaine littéraire. Et son avant-dernier « Journal en public », en janvier 2013, avant le dernier, magnifique, consacré à Bête de cirque, de Tiphaine Samoyault, rend compte du Journal (1942-1944) de Jacques Lemarchand : longue évocation d’un critique « apprécié pour la pertinence de ses jugements, son indépendance », très éloigné pendant l’Occupation, côtoyé à Combat, lors de la Libération.

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