Le soleil évoque tant de choses qu’il semble impossible d’en faire le tour ! Comme par défi, on peut s’y atteler en proposant un abécédaire incomplet et subjectif. Une façon d’ouvrir quelques pistes de réflexion et, peut-être, de donner envie de relire des albums de Tintin, des poèmes de Pierre Reverdy, des romans de Bernanos ou de Calvino, d’aller visiter l’Égypte ou de revoir Top Gun Maverick…
A comme Ainsi
Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes,
Il ennoblit le sort des choses les plus viles,
Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets,
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
En 1857, Charles Baudelaire écrivait « Le soleil », qui prend place dans Les fleurs du mal.
B comme Bain
Le bain de soleil fait partie de la vie estivale. Claude Grimal en parle avec beaucoup d’érudition dans ce numéro. N’oublions pas que c’est aussi le nom d’un élément de mobilier. Cette espèce de chaise longue à dossier réglable que l’on trouve dans nombre de jardins et au bord des piscines de tous les hôtels du monde. Quand la chose porte le nom d’une activité.
C comme Coucher
Il y a ceux qui préfèrent le blanc de l’œuf au jaune, ceux qui sont plutôt fromage ou dessert, mer ou montagne, ceux qui font du ski de fond et ceux qui boivent des vins chauds, ceux qui votent à droite et ceux qui votent à gauche, ceux qui aiment les films de science-fiction et ceux que ça endort… Les alternatives sont sans fin et elles ont un certain charme simpliste. Il en va un peu de même avec le soleil ! Il y a ceux qui se lèvent dès potron-minet pour voir l’astre surgir, la nature se réveiller, et ceux qui ne rateraient pour rien au monde le coucher du soleil et ses cramoisis apocalyptiques. Les peintres y ont mis leur grain de sel bien sûr, plus souvent qu’à leur tour. Chacun dessinera son panthéon personnel rempli de toiles qui bouleversent : Monet, Van Gogh, Turner, Friedrich, de Staël, Matisse, Nolde, Rothko, Cremonini… La meilleure manière de réconcilier ces indécis ou ces contradicteurs est sans doute de les envoyer faire un tour dans la vallée de la Mort, à Furnace Creek où l’on peut regarder le soleil se lever en demeurant dans la nuit.
D comme Drapeaux
Le soleil figure sur de nombreux drapeaux. On s’en tiendra à ceux qui représentent une nation (le soleil est présent sur des drapeaux de régions, d’organisations, d’armes militaires…) et que le péquin moyen peut voir de-ci de-là (sur le Riverside de Phnom Penh, par exemple). Il y a ceux auxquels on pense tout de suite : le Japon, l’Argentine ou l’Uruguay. Mais il y a aussi le Bangladesh, le Groenland, le Malawi, le Niger, les Marshall, la Macédoine, la Namibie, le Kirghizistan, le Kazakhstan, le Rwanda, les Philippines, le Kurdistan, certaines républiques russes, le Costa Rica, les Kiribati (illustration), la Barbade, le Népal, l’Équateur. Le soleil y signifie des choses bien différentes. Il peut rappeler l’indépendance d’un pays ou un héritage culturel ou religieux, une situation géographique ; il représente souvent un espoir, un sentiment de liberté. Notons qu’il est tantôt figuré par un cercle parfait (on s’en souvient mieux) mais d’autres fois avec des rayons, qu’il rompt les formes géométriques ou surajoute une figuration sur des abstractions.
E comme Éclipses
L’une des pires angoisses et l’un des phénomènes les plus perturbants qui soient ! Il faut toujours porter des protections pour les contempler (sauf si on est Donald Trump).
F comme Finlande
Ou le rêve du soleil de minuit ! De la fascination du pays où le soleil ne se couche pas pendant six mois et qui vit dans la nuit l’autre moitié de l’année.
G comme Gallimard
En 1957, Gallimard créé une collection de luxe qui reprend des titres emblématiques de la maison, une collection qui s’appelle « Soleil ». Avec des couvertures rigides, toilées de couleurs différentes (souvent très réussies – des turquoise, des bleus sombres, des prunes…) et un lettrage doré… On y a découvert des auteurs dans la bibliothèque parentale – Romain Gary, Marguerite Yourcenar, André Malraux, Henry de Montherlant, Robert Merle, Paul Morand… Notons que le 9e volume est Le hussard sur le toit de Jean Giono. Quel roman décrit mieux le soleil, sa pulvérulence, son écrasement gluant, sa force absolue ? Il faut le relire, toujours, garder ces lectures et ces objets précieusement, comme de jolis souvenirs.
H comme Huitzilopochtli
Le soleil hante l’humanité. Il la surplombe, lui donne la vie et l’écrase. Il symbolise le pouvoir. C’est avec une certaine évidence que l’astre du jour atteint aux proportions des Dieux. Bizarrement, la première chose qui vient à l’esprit (après Tintin et le Temple du soleil), ce sont des planches de Rahan, fils des âges farouches (de Lécureux et Chéret) qui cherche la « tanière du soleil ». Souvenir enfantin certes, mais qui dit bien la place du soleil dans notre imaginaire et nos croyances. Dans nombre de cultures, il préside au panthéon des divinités. Ainsi, pour les Aztèques il se nomme Huitzilopochtli ! Plus facile à prononcer, chez les Incas, c’est Inti et chez les Mayas, Kinich Ahau. Plus connu, Râ avec sa tête d’oiseau habite nos imaginaires, comme Hélios et son char. En Inde, Sūrya, avec ses quatre épouses (la connaissance, la souveraineté, la lumière et l’ombre), est le père du créateur de la loi et du dieu de la mort. À l’autre bout du monde, au Japon, le shintoïsme place au sommet de ses divinités la déesse du soleil (oui, c’est une représentation féminine) qui se nomme Amaterasu. Peu commode, c’est autour d’elle que s’organisent la religion, les kami et les légendes. C’est elle que représente le cercle rouge du drapeau nippon. On pourrait parler de Hae(sik)-nim en Corée, de Dajbog pour les Slaves, de Sól pour les Nordiques, de Shamash pour les Mésopotamiens, d’Arinna pour les Hittites, de Tama-nui-te-rā pour les Maoris… La liste serait longue, et les compétences nous manquent. Mais tous convoquent un imaginaire primordial, des peurs fondamentales. D’une certaine manière, on ne s’est pas dépris de ce panthéon primitif qui structure l’ordre du monde tel qu’on le perçoit. Sans choir dans les formulations un peu béates du type « le soleil, c’est la vie », tout droit sorties du Roi Lion de Disney, il y a un peu de ça tout de même. On s’est, comme toujours, raconté des histoires pour savoir ce qu’on ne comprenait pas !
I comme Insolation
Comme nombre de choses qui nous fascinent, le soleil est dangereux. En dehors d’incendies estivaux, le risque principal qu’il fait courir (à part la fin du monde, mais on en parlera plus loin), c’est l’insolation. Ou, pour faire un peu plus savant, l’hyperthermie. Ce qu’on appelle un coup de chaleur, lorsqu’on se laisse prendre et qu’on oublie que le soleil tape fort. La température alors s’élève sérieusement et ça fait mal. Mais l’insolation, c’est aussi la quantité d’énergie solaire dans un lieu donné ou bien encore l’exposition de la pellicule en photographie.
J comme Jeux
Dans les écoles Montessori (et pas que), on joue au Jeu du Soleil ! Des cartes que l’enfant doit placer dans un certain ordre logique : celles qui figurent des animaux (14 pour les herbivores, 8 pour les carnivores, 4 pour les omnivores), des êtres humains, des végétaux, et une le soleil. On y apprend l’ordre du monde, la causalité, la dépendance. Dans les cours d’école, on joue à Un, Deux, Trois Soleil : un joueur placé de dos devant un mur compte : un, deux, trois, soleil (avec une pause plus ou moins longue) alors que les autres doivent avancer vers le mur et s’immobiliser soudainement jusqu’à le toucher… Il est curieux que dans d’autres pays le terme ultime n’a rien à voir avec le soleil (d’étoile en Italie à hareng mariné en Israël). Ceux qui ne goûtent ni les activités de plein air ni les activités pédagogiques peuvent jouer sur une console Mega Drive au jeu Soleil sorti en 1994 !
K comme Kourouma
Ahmadou Kourouma est l’un des grands écrivains de l’Afrique francophone. Romancier ivoirien, il a connu un succès immédiat avec son premier roman paru au Seuil en 1970 : Les soleils des indépendances. On s’épargnera de raconter l’intrigue de ce roman devenu un classique. On notera au contraire la complexité qui sous-tend les « soleils » du titre. Par sa polysémie – entre soleil, jour, ère, époque – qui en accentue la valeur ironique, à la fois sur la colonisation et sur les régimes politiques qui suivent les indépendances. Pour le dire vite, le soleil (ici au pluriel) peut constituer une métaphore !
L comme Liste
Les listes ont quelque chose de charmant, de fascinant. Quand on y réfléchit, ou que l’on balaie sa bibliothèque du regard, on découvre nombre de livres qui comprennent le mot « soleil ». Du polar, du roman populaire (la liste de titres de romans de quatre sous est si longue qu’on la laisse à chacun), de la poésie, des classiques ou des textes plus rares… Soleil (Yokomitsu Riichi), Sous le soleil de Satan (Georges Bernanos), Le soleil se lève aussi (Ernest Hemingway), Les frères du soleil (Hermann Hesse), Casser les soleils (Jean Mambrino), Le soleil se lève sur le veld (Doris Lessing), Dormir au soleil (Adolfo Bioy Casares), Soleil vert (Harry Harrison), Soleils bas (Georges Limbour), Une mer sans soleil (Anne Perry), Au soleil du plafond (Pierre Reverdy), Mille soleils splendides (Khaled Hosseini), Soleil noir (Patrick Pécherot), La rumeur du soleil (Philippe Le Guillou), Ou le soleil (André du Bouchet), Si le soleil ne revenait pas (C. F. Ramuz), Le soleil sur la terre (Claude Roy), Le soleil des Scorta (Laurent Gaudé), Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil (Haruki Murakami), Les pommes d’or du soleil (Ray Bradbury), Le soleil est battu (Rochelle Fack), Soleil levant (Chi Li), Fouquet ou le soleil offusqué (Paul Morand), Le soleil des mourants (Jean-Claude Izzo), Compère Général Soleil (Jacques Stephen Alexis), Comme neige au soleil (William Boyd), Soleil de nuit (Jacques Prévert), Les chevaux du soleil (Jules Roy), Pluie et soleil (Ephim Doroch), Faux soleil (Jim Harrison), Coups de soleil (Henry de Montherlant), L’oiseau noir dans le soleil levant (Paul Claudel), Le triomphe du soleil (Wilbur Smith), Au soleil (Guy de Maupassant), Cavernes et soleil (Andrée Chedid), La maison sans soleil (Georges Simenon), Klara et le soleil (Kazuo Ishiguro), La porte du soleil (Elias Khoury), Le grand soleil (Jean Cau), Soleil arachnide (Mohammed Khaïr-Eddine), Le froid du soleil (Jean Cayrol), Le soleil naît derrière le Louvre (Léo Malet), Soleil levant (Michael Crichton), L’épouse du soleil (Gaston Leroux), Le soleil du désert (André Dhôtel), Les états et empires du soleil (Cyrano de Bergerac), Soleil de nuit (Jo Nesbø), Le soleil (Jean-Hubert Gaillot), Un second soleil (Marcel Jouhandeau), L’autre moitié du soleil (Chimamanda Ngozi Adichie), Le soleil et l’acier (Yukio Mishima), Le soleil des morts (Ivan Chmeliov), Attaquer la terre et le soleil (Mathieu Belezi), L’homme-soleil (John Gardner), Le soleil des morts (Bernard Clavel), La postérité du soleil (Albert Camus-René Char), Empire du soleil (J. G. Ballard), Soleil de la conscience (Édouard Glissant), Un peu de soleil dans l’eau froide (Françoise Sagan), Le royaume, le soleil et la mort (Yuri Herrera), Les années sans soleil (Vincent Message), Le soleil est aveugle (Curzio Malaparte), L’ombre du soleil (A. S. Byatt), Un banc au soleil (Georges Simenon), Pierre de soleil (Octavio Paz), Déjeuners de soleil (L.-P. Fargue), L’isolé soleil (Daniel Maximin), Soleil des loups (André Pieyre de Mandiargues), Sous le soleil jaguar (Italo Calvino), Soleil couchant (Osamu Dazai) et celui-ci, qui fera sourire nos lecteurs : En attendant le soleil (Hitonari Tsuji)…
M comme Misère
« La misère serait moins pénible au soleil », chante Charles Aznavour dans Emmenez-moi. D’autres préféreront chantonner : « Le Soleil a rendez-vous avec la Lune… »
N comme Nicolas
Au tournant des années 1510, alors qu’il observe les astres depuis la tour de la cathédrale de Frauenburg, Nicolas Copernic commence sa révolution. Revenu d’Italie, il réfute les thèses de Ptolémée et propose celle de l’héliocentrisme. Renversant la table de la représentation de l’univers, il décide que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse. Quel bazar ! Jusqu’en 1530, il travaille à sa théorie dans son propre giron, la gardant à peu près pour lui. Son grand livre paraîtra finalement à Nuremberg en 1543. Ses travaux, qui, continués par Kepler, seront interdits et mis à l’index (bien évidemment !), changent notre monde. Ou plutôt celui qui nous dépasse. C’est sans doute cela les hautes sphères ! Alors que des hurluberlus affirment en 2023 que la terre est plate, il faut se souvenir de lui.
O comme Œil
Le rond parfait, le cercle représente à la fois l’œil et le soleil. Drôle de conjonction s’il en est. C’est un œil qui représente Râ. L’œil de la Providence est figuré par un soleil qui reprend celui attribué à Horus. On le retrouve dans de nombreuses cultures, et jusque sur des pièces de monnaie et sur les billets états-uniens. C’est un symbole bien connu de la franc-maçonnerie. Ce qui représente la chose, c’est ce qui la perçoit. On invente un lien entre soi et Dieu, ce qui nous dépasse et que l’on figure. On conjure le danger, la douleur, la peur. L’omniscience appelle la lucidité, peut-être.
P comme Photosynthèse
On se souviendra de vieilles leçons de sciences naturelles. En tout cas, c’est vital !
Q comme 4,603
Milliards d’années : c’est l’âge du soleil, une paille !
R comme Ray-Ban
Pour se protéger du soleil autant que pour se donner de l’allure, on porte des lunettes de soleil. Accessoire primordial qui fait autant penser à Ray Charles à son piano qu’à Jack Nicholson qui ne les quitte pas. Elles ne sont pas d’hier, ces bésicles teintées. Inventées par l’opticien britannique James Ayscough en 1752, elles servent aujourd’hui tout autant à protéger nos petits yeux des rayons du soleil qu’à nous donner un look, une touche. Des lunettes rondes et cerclées genre baba cool aux classiques Ray-Ban à monture noire, elles permettent de cacher autant que de montrer qui l’on est. Les plus connues sont probablement les Ray-Ban Aviator (Wayfarer) que porte Tom Cruise dans les deux versions (la dernière est étonnamment plaisante !) de Top Gun.
S comme SOS
On ne peut y échapper car il suffit de mettre le nez dehors pour se rendre compte que ça chauffe. Le climat se dérègle, les chaleurs s’accentuent, les incendies géants se multiplient. On a beau faire de l’électricité avec des panneaux photovoltaïques, le soleil se mue en danger, en angoisse existentielle. C’est une révolution, encore une ! Comme souvent, le commencement et la fin se confondent. Le principe de vie se transmue en angoisse de mort. Le soleil, dans la réalité même du réchauffement climatique, devient une question politique. Il s’y joue probablement une pulsion d’anéantissement vieille comme le monde. Entre représentation fantasmatique de l’apocalypse et réalité scientifique, il synthétise un rapport à l’existence désaxé. Chirac disait : « notre maison brûle », sans que l’on voie bien ce que ça change. Que faire de la peur de la fin du monde, ou de son désir ? On ne sait pas bien, on est aveuglé. Mais il est probable qu’avant de faire quelque chose, il faut multiplier les SOS.
T comme Tintin
Les doubles albums de Tintin sont des chefs-d’œuvre – Les cigares du Pharaon et Le lotus bleu, Le secret de la Licorne et Le trésor de Rackham le Rouge, Objectif Lune et On a marché sur la Lune et… Les sept boules de cristal et Le Temple du soleil ! Cet album se déroule, après le kidnapping du professeur Tournesol, qui a eu l’audace de se parer « du bracelet de Rascar Capac », au Pérou. Prisonniers des Incas, Tintin et le capitaine Haddock doivent choisir l’heure et le jour de leur exécution sacrificielle. Grâce à un bout de journal chiffonné, Tintin choisit le jour d’une éclipse et, après une imprécation grandiloquente, fait croire qu’il commande « au Fils du Soleil », pendant que le professeur Tournesol croit à une reconstitution pour un film. On ne parlera pas des inspirations (Gaston Leroux, par exemple), ni de la documentation ou des erreurs qui émaillent l’album. Ce qui reste, c’est ce balancement entre croyance et raison, entre représentation et réalité, entre mythe et modernité… Tout cela est fort ambigu, comme souvent chez Hergé, par moments colonial et ethnocentré, à d’autres poétique et voltairien… Et c’est le soleil, les croyances qui l’entourent, son pouvoir, la confrontation avec l’irrationnel, qui portent un album extraordinairement construit. On recommande en passant d’écouter la version par la Comédie-Française disponible sur France Culture.
U comme U.V.
C’est aussi un roman de Serge Joncour (2003).
V comme Vitesse
La vitesse de la lumière : 299 792 km par seconde. On ne remontera ni à Empédocle ni à Aristote, on ne débattra pas des calculs de Galilée ou de Rømer. Niet. On se souviendra plutôt de nos rêves d’enfants, du soleil d’Arrakis dans Dune, de Kurt Russell et de James Spader dans Stargate et du Millenium Falcon qui traverse la galaxie avec à son bord Han Solo Chewbacca, C3PO, R2D2, la princesse Leia et Luke Skywalker. On entendra la musique mythique de John Williams et les traits de lumière qui avalent le vaisseau, l’emportant vers des planètes en orbite autour de lunes ou de soleils multiples.
W comme Western
Le western est un genre qui obéit à des figurations archétypiques. Pour s’en convaincre, on recommande le très intelligent roman Ville fantôme de Robert Coover (1998). Mais foin de théorie, on se souvient tous d’images de soleil, de contre-jour, de silhouettes en ombres dans les westerns. Des films de Sergio Leone, de John Ford, de Don Siegel à ceux de Howard Hawks, Arthur Penn et Clint Eastwood ou encore à Mort ou vif, la parodie de Sam Raimi avec Gene Hackman, Sharon Stone et Leonardo DiCaprio. Rappelons-nous que tous les albums de Lucky Luke s’achèvent sur la silhouette du cow-boy solitaire s’éloignant dans le soleil couchant – on laisse à la sagacité des lecteurs le point de savoir s’il fume une cigarette ou mâchonne un brin d’herbe –, en route vers d’autres aventures. C’est que le western est un genre de récit parfaitement ambigu. Il s’y déploie des lectures complexes derrière des narrations souvent très épurées. Et la liberté d’interprétation y est comme décuplée – que ce soit dans Les sept mercenaires, Impitoyable, L’homme qui tua Liberty Valance, La horde sauvage… L’exemple canonique pourrait être la fin de Shane (L’homme des vallées perdues) de George Stevens, quand le héros s’éloigne sur son cheval dans le soleil couchant et que l’on doit décider s’il va mourir ou pas. Ne serait-ce pas une certaine forme de liberté toute solaire ?
X comme Rayon
Il est toujours frappant que ce qui transporte ce que l’on voit soit invisible. Les rayons du soleil sont invisibles en étant visibles. Il y a quelque chose ici de fascinant et d’assez poétique, quand on y pense. On n’expliquera pas (on en est bien incapable) comment fonctionnent les photons, les neutrinos ou les rayons X ou les rayons gamma, pas plus que les champs électromagnétiques ou la lumière visible. Ces rayons que tous les enfants ont dessinés spontanément sont ainsi l’un des mystères auxquels on n’entend pas grand-chose mais qui nous semblent évidents. Rappelons-nous ces quelques mots de Flaubert à propos de la Genèse dans Bouvard et Pécuchet : « Mais que penser d’un livre, où l’on prétend que la lumière a été créée avant le soleil, comme si le soleil n’était pas la seule cause de la lumière ! »
Y comme ようこう
Yohkoh est un programme d’observation solaire créé en 1991 pour étudier les éruptions solaires. Au-delà de la commodité (bien nécessaire) de combler le Y de cet abécédaire, il faut bien comprendre que l’étude du soleil, des champs magnétiques, des rayons solaires, demeure au centre de toutes les recherches spatiales. On a beaucoup rêvé de marcher sur la Lune et des millions de téléspectateurs suivaient la mission Apollo 11. Aujourd’hui, les scientifiques font des pas de géant qui n’émeuvent personne (ou presque) et la magie de l’aventure de la science et de la conquête spatiale semble moindre. Peut-être parce que nos angoisses nous empêchent de regarder les cieux et de rêver. Qui connaît le programme américain Pioneer, qui, de la fin des années 1950 au premier mandat de Reagan, s’est employé à comprendre les mystères solaires ; qui sait que l’Agence Spatiale Européenne a annoncé l’été (quel hasard !) dernier le lancement du programme Solaris qui vise à déployer des structures solaires pour récupérer de l’énergie ? Le soleil n’exerce pas une fascination seulement mythologique ou religieuse, c’est une des sources les plus fantastiques de rêveries scientifiques, d’espoirs technologiques, de possibles impossibles.
Z comme Zoologie
Les animaux se servent du soleil. Certains s’en servent pour faire varier leur température corporelle. On pense immédiatement aux bestioles ectothermes, aux reptiles et, en particulier, aux lézards qui donnent l’expression populaire « lézarder au soleil ». Mais en dehors des serpents, varans et autres crocodiles, toutes sortes d’animaux, endothermes, s’exposent au soleil : des bouquetins, des oiseaux, des lémures, les hippopotames, les otaries, le manchot et les papillons monarques. Mais attention, ils peuvent, comme nous, attraper (quelle amusante expression !) des coups de soleil – on a même découvert que les baleines (qui bronzent) pouvaient en être victimes. Et, comme nous, ces divers animaux cherchent à s’en protéger. Les oursins se recouvrent d’algues, les rhinocéros ou les éléphants, comme les cochons, de boue. Chacun sa stratégie. Mais, comme pour les êtres humains, le plus simple ne serait-il pas de se mettre à l’ombre ?