Utopiales 2023 : les conditions du futur

Les Utopiales, « plus grand festival de science-fiction d’Europe et peut-être du monde ! », se sont tenues à Nantes du 1er au 5 novembre. Le thème « Transmission(s) » a donné à cette édition une tonalité scientifique peut-être plus affirmée encore que d’habitude, avec des tables rondes stimulantes sur les ondes gravitationnelles, les exoplanètes, la génétique ou le cent-cinquantenaire de la Société française de physique. Mais les Utopiales 2023 ont aussi fait retour sur l’histoire de la science-fiction et sur ses rapports avec la littérature générale. Enfin, « Transmission(s) » a fait réfléchir sur les conditions d’un futur acceptable et a réhabilité quelques grands oubliés. La liste des invités était encore très riche cette année avec, entre autres, Kim Stanley Robinson, Mariana Enriquez, Tristan Garcia, Claire North, Emily St. John Mandel, Chen Qiufan, Nina MacLaughlin ou Léo Henry… Compte-rendu subjectif des 2, 3 et 4 novembre.


Nous pensons sur différents plans

La grande romancière argentine Mariana Enriquez, questionnée par Léo Henry, revient sur son roman culte Notre part de nuit. Elle ne l’a pas écrit dans l’ordre, elle insérait au fur et à mesure des scènes dans les différentes parties, car « on ne lit plus comme au XIXe siècle. Notre attention est fragmentée, nous pensons sur différents plans. J’ai donc écrit par fragments. La première partie est un road movie terminé par un rituel lovecraftien, un roman d’horreur en lien avec la dictature. La deuxième, une fausse chronique évoquant la tristesse des banlieues que j’ai connue dans mon enfance. La troisième s’inspire de romans comme Dracula ou Possession d’A. S. Byatt. J’ai essayé d’utiliser un style XIXe siècle, victorien, mais je n’y arrivais pas. Comme le personnage me disait : « Laisse-moi parler », j’ai fini par l’écouter et l’écrire à la première personne et, là, ça a marché. La quatrième partie, initiatique et juvénile, est aussi horrible que la première ».

Quant aux échos entre Notre part de nuit et ses nouvelles, elle précise : « les auteurs ont leurs obsessions. Pour le roman, j’avais besoin d’une maison qui mangeait les humains, en rapport avec le dieu vorace, mais je me suis rendu compte que j’avais déjà écrit une nouvelle là-dessus, j’ai donc décidé de l’incorporer dans le roman. En terme d’obsessions : quand j’étais jeune et que j’allais à la messe, il y avait un Christ bien vivant, barbu, les cheveux longs, que je trouvais sexy, et qui ouvrait son thorax pour montrer son cœur ».

« J’ai passé mon enfance sous la dictature. Les jeunes de Notre part de nuit ont l’âge des militants assassinés. »

« J’ai eu l’idée d’utiliser le folklore local. San La Muerte est un saint populaire ambivalent, représenté comme un squelette. Il vient du culte des ancêtres amérindiens incorporé au catholicisme. Le fantastique de Borges ou de Cortázar, le réalisme magique, ne s’inspirent pas des superstitions populaires car la littérature d’Amérique latine était en grande partie celle des élites. Borges écrivait sur l’Islande. L’Amérique latine n’a pas l’exclusivité de la violence. Le monde entier est violent. L’obscurité et l’hyperviolence sont comme un nuage qui se déplace. Quand j’ai écrit Notre part de nuit, j’ai pensé à 2666 de Bolaño, mais aussi à Boulgakov ou à Faulkner, cette espèce de moment de nostalgie du mal qui sourd de ses romans. »

Utopiales 2023
Affiche des Utopiales 2023 © DR

Multimessages et antisavoir

On plonge dans la hard science avec la table ronde « Les messagers de la matière », sur les ondes que nous envoie l’univers. Antoine Drouart, chercheur en physique nucléaire, indique qu’on sait créer sur Terre de l’antimatière – en petite quantité. Il n’y a pas loin de la matière à l’antimatière : si on imagine une galaxie entièrement composée d’antimatière, elle apparaîtra à nos yeux comme une galaxie normale et se comportera normalement en termes de gravitation.

Nathalie Besson, chercheuse en physique des particules, explique que, sur la matière noire, on ne possède qu’un « antisavoir » : on ne sait que ce qu’elle n’est pas, elle n’est rien de ce qu’on connaît. 

Le développement des instruments d’observation permettra certainement de détecter de plus en plus de phénomènes multimessagers, combinant plusieurs sortes d’ondes. Comme l’événement GW170817, repéré grâce à un sursaut gamma, et pour lequel on a observé simultanément une luminosité très intense, des ondes radio, X, ultraviolet, infrarouge et gravitationnelles. La collision de deux étoiles à neutrons l’a provoqué (phénomène exploité dans son roman Diaspora par le maître de la hard science, Greg Egan).

Antoine Drouart souligne qu’aujourd’hui de grandes expériences mobilisent des milliers de physiciens à travers le monde : la collaboration serait-elle aussi efficace que le libéralisme sauvage ? se demande-t-il.

Cousin fantôme

« Le testament de Néandertal » revient sur l’héritage des Néandertaliens chez les humains modernes – 2 à 3 % des gènes – et sur ses traces dans les imaginaires. Disparu entre -40 000 et -50 000 ans, Néandertal se comportait à peu près comme Cro-Magnon. La génétique a montré qu’il entendait mieux, était plus sensible à la douleur et plus adapté au froid. Paradoxalement, un refroidissement du climat a pu rendre hostile son milieu de vie, en altitude, et le soumettre à la concurrence des humains modernes, beaucoup plus nombreux.

Les participants à la table ronde détectent une culpabilité travaillant la science-fiction quand elle représente l’homme de Néandertal. Vincent Bontems évoque le roman de Philip K. Dick Simulacres, dans lequel une mutation les fait réapparaître dans l’avenir. Ces Néo-Néandertaliens restent en dehors de l’intrigue, comme « des sortes d’autistes » représentant « la sortie de l’Histoire, en dehors du chemin autodestructeur suivi par les hommes modernes ».

Certains estiment que la configuration du bassin de la femme de Néandertal rendait les accouchements plus périlleux. Cependant, on observe que, chez les animaux, moins la descendance est nombreuse, plus on s’occupe du petit et plus la femelle a un statut élevé dans l’espèce. Loin de l’image de brute épaisse qui a longtemps prévalu, Néandertal accordait peut-être une importance particulière à sa femme et à ses enfants ?

Les algorithmes aiment les escrocs

« The Leftovers » revient sur la pandémie. Christian Lehmann, médecin et auteur de la trilogie No pasaran, et Nicolas Martin, journaliste scientifique, pourfendent la désinformation en matière de santé. Ils pointent la responsabilité d’Emmanuel Macron, dont la visite à Marseille – « à la demande de Bernard Arnault » – a légitimé les élucubrations de Didier Raoult sur la covid. Ils soulignent que la mise au point de plusieurs vaccins en six mois est un progrès scientifique majeur, validé par le prix Nobel de médecine 2023, mais que cette découverte a paradoxalement donné lieu à une montée de l’obscurantisme.

Claire North, autrice de l’excellent roman dystopique 84K, souligne que les algorithmes des réseaux sociaux remontent les messagers qui suscitent le plus de réactions, donc les plus polémiques. Elle considère qu’il ne faut pas seulement effrayer, par exemple à propos du réchauffement climatique, mais aussi donner de l’espoir.

Christian Lehmann et Nicolas Martin estiment que l’industrie pharmaceutique et une partie de la médecine préparent le terrain aux critiques irrationnelles. Ils jugent que la vitamine C, l’homéopathie, l’ostéopathie, ne servent à rien. Christian Lehmann ajoute que l’effondrement du système de santé, les délais d’attente qui s’allongent, ouvrent la porte à de « pseudo-techniques ».

Comme un Fleuve Noir intranquille

« Le mauvais goût du mauvais genre » se penche sur la part la plus dépréciée des littératures de l’imaginaire : les pulps aux États-Unis, ce qu’on appelait la littérature de gare en France, en s’attachant en particulier à la collection « Anticipation » du Fleuve Noir, qui a nourri des millions de lecteurs de 1951 à 1997.

Benjamin Roche a eu la perversion de se plonger dans l’œuvre de Jimmy Guieu, pilier du Fleuve Noir, aux livres farcis d’autant de péripéties invraisemblables que de stéréotypes : « si une femme était laide, vous étiez sûre qu’elle était méchante, si elle était belle, elle pouvait être méchante au début, mais il y avait des chances qu’elle change de bord, séduite par le héros, Gilles Novak, qui comprend tout, anticipe tout et dont les plans se réalisent toujours ».

Adrien Paty évoque Serge Brussolo, dont les romans débordaient d’idées, ou Moi, vampire de Maurice Limat, où l’on trouve des « fulgurances ». Stéphanie Chaptal précise que le Fleuve Noir, dont les titres tiraient à des dizaines de milliers d’exemplaires, était souvent le seul moyen pour un écrivain de vivre de sa plume. Ainsi, « un écrivain extraordinaire » comme Roland C. Wagner qui, un temps, eut du mal à trouver un éditeur, a collaboré aux livres de Jimmy Guieu signés Richard Wolfram. Sylvie Denis indique que le format imposé par la collection « Anticipation », 300 000 signes maximum, a appris à Roland Wagner à être efficace, à « aller vite ».

( Utopiales 2023)
La salle 2001 ( Utopiales 2023) © Michaele Meniane

De la peau du singe à celle du ver

En tant que romancier, Tristan Garcia souhaite se délester de l’autorité que pourrait lui donner son métier de philosophe. La racine commune à ses deux activités est de chercher à « décrire un monde égalitaire, non hégémonique », sans échelle des êtres. Il essaie de se tenir le plus loin possible de l’autofiction. Le narrateur de son roman Mémoires de la jungle est ainsi un chimpanzé. Les tentatives d’éduquer les grands singes n’ont jamais bien fonctionné car, s’ils peuvent apprendre un proto-langage pour faire plaisir à leurs « parents » humains, ils n’ont ensuite pas grand-chose à formuler. Pour donner voix à son personnage, Tristan Garcia s’est donc placé « dans la peau d’un romancier qui essaie de se mettre sans y arriver dans la peau du singe qui essaie de se mettre sans y arriver dans la peau d’un homme ».

Avec Histoire de la souffrance, il a voulu prendre pour héros des récits successifs « tout ce qui souffre ». Au début du tome 1, il a tenté de se mettre à la place d’un ver. Quand la science ne peut dire avec certitude si un ver, dépourvu de système nerveux central, souffre, « la religion ou la littérature peuvent essayer d’aller à l’intérieur ».

La bande dessinée est « son art préféré ». Pour lui, fin XIXe, début XXe, elle apparaît parallèlement à l’invention de l’enfant comme un être différent de l’adulte, avec un univers propre, notamment esthétique. Par ailleurs, il note que la BD s’est enracinée dans des États impérialistes : États-Unis, France, Belgique, Royaume-Uni, Japon… Les personnages de premières bandes dessinées franco-belges – Tintin, Zig et Puce, Spirou – sont très vite envoyés en Afrique ; des mangas des débuts représentent les Philippins comme des singes ; les premières bandes dessinées américaines multiplient les stéréotypes à l’égard des Mexicains ou des Noirs. Selon Tristan Garcia, la BD semble se développer pour servir de propagande coloniale à l’usage des enfants, en leur apprenant « l’infantilisation des autres peuples ».

Pour l’eau, quels imaginaires ?

À partir de la question « Quelles pistes pour gérer et partager l’eau de façon juste et équitable ? », la table ronde sur « L’or bleu » se heurte au constat que les problèmes sont connus, formulés par les scientifiques, mais qu’ils n’entraînent pas de politiques à même de les résoudre. Si des possibilités de retraitement existent, elles sont énergivores et coûteuses. Seule une gestion plus raisonnable, associée à la limitation des gaz à effet de serre, serait pérenne.

Léo Henry, auteur avec Jacques Mucchielli du cycle de Yirminadingrad, indique que la SF a traité du problème du climat et de l’eau, mais en en restant à un imaginaire du XXe siècle, avec une France transformée en désert. Sans prendre en compte, par exemple, la fonte des glaciers. L’idée, très en vogue dans les années 1980, d’installer des habitats sous-marins a fait long feu. Suite à la question d’un spectateur sur la possibilité de recueillir la vapeur d’eau dans l’atmosphère, il note que « des éponges géantes qui sauvent le monde, ça fait envie », définissant ainsi sans doute la fonction de la science-fiction : susciter des désirs, plutôt que formuler des solutions techniques réelles.

Voyager voyage toujours

À l’occasion de ses 150 ans, la Société française de physique est partenaire des Utopiales. Daniel Rouan, son président, indique qu’à l’heure où la physique est devenue très spécialisée, la SFP se donne les mêmes buts que lors de sa fondation : faire interagir les physiciens et ouvrir la physique à un large public. Estelle Blanquet, didacticienne de la physique, utilise la science-fiction « pour donner envie de sciences » quand elle doit former des enseignants, notamment des professeurs des écoles.

Michèle Leduc, ancienne présidente de la SFP,  mentionne qu’on peut voir un exemple de ce dont la physique est capable avec la sonde Voyager qui, lancée il y a quarante-cinq ans, est sortie du système solaire en 2018. Or, on vient de capter de nouveau son signal, très ténu, ce qui constitue un exploit technologique.

Raphaël Granier de Cassagnac, chercheur au CERN, explique que les jeux vidéo sont aujourd’hui le média le plus efficace pour toucher le maximum de gens : comme ils reposent sur des mécaniques, on peut y importer les mécaniques de la physique, par exemple le fait que les gluons collent les quarks ensemble.

Daniel Rouan indique que les conférences d’astronomie en direction du grand public permettent de véhiculer l’idée qu’il n’existe pas de planète B, que le voyage interstellaire vers des exoplanètes, même si on en découvre de plus en plus en zone habitable, exigerait des coûts, une durée et une énergie « démentiels ».

Les participants soulèvent le problème de la pression de plus en plus grande qui pèse sur les chercheurs, en particulier les jeunes : pour obtenir des crédits de recherche, il faut publier, ce qui pousse à placer des articles dans des « revues prédatrices », peu sérieuses scientifiquement, et à publier des résultats trop vite, sans les vérifications nécessaires.

S’échapper dans le temps et l’univers

« Pour un autre versant de l’Est » interroge les auteurs chinois, Chen Qiufan, et coréenne, Kim Bo-young, sur la science-fiction dans leurs pays respectifs.

Le genre a connu un boom en Corée du Sud depuis une dizaine d’années. Depuis 2015-2016, MeToo a influencé cette littérature qui auparavant restait conservatrice et patriarcale. Kim Bo-young est l’écrivaine la plus âgée de la scène SF coréenne. Les fourmis de Bernard Werber est un bestseller en Corée, où les webromans tiennent aussi une place considérable. Les thématiques principales sont la critique sociale, la questions du genre, la transformation des corps, le voyage dans le temps, le fait de quitter le monde d’ici-bas pour un autre monde.

En Chine, le marché tourne beaucoup autour de Liu Cixin qui représente 70 % des ventes de science-fiction. Cela s’explique par le prix Hugo qui a couronné Le problème à trois corps en 2015, mais aussi par le fait que Liu Cixin n’entre pas en contradiction politique avec la ligne gouvernementale. Il y a quelques années, le voyage dans le temps était un thème très présent dans la weblittérature, mais le gouvernement n’en veut plus : il est interdit de réécrire l’Histoire. Les créatures fantastiques sont également bannies des récits situés après la fondation de la République populaire. Restent donc la hard science, à la Liu Cixin, et la mythologie chinoise réinventée dans la science-fiction. Les auteurs évitent l’époque contemporaine, en s’échappant loin dans le temps et l’univers.

Chen Qiufan (Utopiales 2023)
Chen Qiufan (Utopiales 2023) © Michaele Meniane

La langue ayant beaucoup évolué au XXe siècle, si on met en scène des protagonistes du passé, on essaie de les faire parler différemment. Certains écrivains recourent à des néologismes pour donner un équivalent chinois à des mots d’origine européenne ou japonaise utilisés dans la terminologie scientifique.

Puisqu’il existe en Chine des dialectes très différents, cette diversité linguistique apparaît dans certains textes, comme dans L’île de silicium de Chen Qiufan. Dans ce roman, l’auteur a voulu montrer les points communs entre la technologie et le folklore, la mythologie, la religion, l’une et les autres pouvant faire l’objet d’une même idolâtrie.

L’Odyssée des étoiles de Kim Bo-young réunit trois novellas traitant du voyage dans le temps et de la solitude, ce qui selon elle correspond à un état de la société coréenne, dont le développement très rapide a conduit à l’isolement de certaines personnes.

Chen Qiufan est venu à la SF par Jules Verne, qu’il a tellement lu enfant que sa mère devait recoudre ses exemplaires abîmés. Aujourd’hui, Jules Verne est davantage lu en Chine qu’en France.

Puissance de la SF

« (Seconde) Fondation » se propose de chercher quels textes actuels seront les classiques SF de demain, et de réfléchir à la place des œuvres fondatrices de l’Âge d’or. La conclusion est qu’il ne faut pas considérer les monuments du genre comme indépassables mais prendre en compte l’évolution de la SF et s’intéresser à ce qui s’écrit aujourd’hui. Les participants mentionnent des œuvres récentes ou insuffisamment considérées qui mériteraient de passer à la postérité. Emily St. John Mandel met en avant le roman dystopique de Claire North, 84K, Le problème à trois corps de Liu Cixin et l’œuvre de Nick Harkaway. Jeanne-A Debats, déléguée artistique du festival, évoque John Brunner, Elisabeth Vonarburg, Becky Chambers, ainsi que La justice de l’ancillaire d’Ann Leckie. Hugo Bellagamba cite Robert Silverberg, L’orbe et la roue de Michel Jeury, Cyteen de Carolyn Cherry. Nicolas Martin se prononce pour La maison des feuilles de Mark Z. Danielewski et Conquest de Nina Allan.

Selon Emily St. John Mandel, depuis La route de Cormac McCarthy en 2008, dans les pays anglo-saxons la science-fiction a contaminé la littérature générale, au point de ne plus être tenue pour un genre à part. Jeanne-A Debats et Hugo Bellagamba estiment qu’en France aussi de nombreux auteurs de littérature générale puisent dans les genres de l’imaginaire, mais sans le reconnaître. Une évolution a eu lieu : « on est passé du mépris à l’envie ». La science-fiction, rejetée comme une littérature de divertissement, superficielle, « avec un mépris de classe, car c’est une littérature issue du peuple », est maintenant considérée comme apportant un éclairage sur des problématiques sociales, politiques et économiques.

Il est vrai que si, sur les différentes tables rondes, s’énonce toujours un besoin de reconnaissance de la science-fiction comme une littérature à part entière, cette revendication ne s’accompagne plus d’un sentiment d’infériorité. La SF s’exprime désormais haut et fort.

Chantal Montellier (Utopiales 2023)
Chantal Montellier (Utopiales 2023) © Michaele Meniane

« – Comment ça s’est passé ?

– Très mal, et ça continue »

La journée de samedi se termine en beauté avec la forte personnalité de Chantal Montellier, autrice de bande dessinée à l’œuvre injustement invisibilisée. Les Utopiales lui rendent un hommage mérité avec une exposition et une rencontre.

Chantal Montellier est devenue au début des années 1970 « la première femme dessinatrice de presse », à une époque où de nombreux journaux naissaient. Puis elle prend le virage de la BD, avec une bande dessinée – la seule à sa connaissance – dénonçant la non-application de la loi Veil sur l’IVG en raison de la clause de conscience invoquée par des chefs de service et directeurs de clinique. Dans le magazine de BD féminin Ah ! Nana, elle prend le contre-pied de la ligne éditoriale avec un policier caricaturalement viril et brutal, Andy Gang. Ce sens de la contradiction, associé à l’esprit d’une époque peu favorable aux femmes créatrices à fort caractère et au « mur de l’argent » des années 1980, contre lequel se fracasseront de nombreux journaux, lui vaudra de devoir souvent changer d’éditeur.

Il n’est que temps de redécouvrir Shelter Market, dystopie hypermarchère, Les damnés de Nanterre sur l’affaire Rey-Maupin, Le sang de la CommuneTchernobyl mon amour ou la série Julie Bristol.

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