Faisons une virée pleine d’aventures, avec ou sans alcool, à Parme, Lagos ou Reykjavík, grâce à Valerio Varesi, Leye Adenle et Lilja Sigurdardottir.
Le commissaire Franco Soneri opère depuis vingt-sept ans (littérairement parlant) à Parme et ses environs. Dès sa première apparition, il a séduit ses lecteurs par sa personnalité mélancolique et ironique, son pessimisme politique (il est fils de partisan), et son amour pour la gastronomie locale.
Dans L’autre loi, un homicide banal le trouble : celui de Hamed un jeune Tunisien qu’on retrouve mort dans l’appartement du vieil aveugle chez qui il habitait. L’extrême droite armée, qui sillonne la ville le soir en 4×4 pour intimider les immigrés, est-elle responsable du meurtre ? Ou s’agit-il d’un règlement de comptes entre trafiquants de drogues, hypothèse probable au vu des nouvelles attaques qui suivent le décès de Hamed ? Pourtant, d’autres pistes, comme celle du radicalisme islamique, apparaissent aussi. En tout cas, tous ceux qu’interroge Soneri mentent : le logeur de Hamed, le déplaisant imam de la mosquée, le timide docteur Ouita, le professeur Pellacini, fasciste enthousiaste… Une seule chose est sûre : la haine grandit entre « communautés » italienne et étrangères comme à l’intérieur de celles-ci.
L’autre loi est un excellent Soneri où chaque situation est l’occasion de brouiller allègrement l’action, d’évoquer les différentes facettes des tensions politico-sociales, de souligner la puissance des illusions, et de faire alterner le gris et le noir de l’humeur du commissaire. Pas celle du lecteur, réjoui par l’intrigue, pris par l’évocation hivernale de Parme et des contreforts des Apennins, et mis en appétit par les nourritures dont Soneri, même au fond du désespoir, et souvent en compagnie de son amie Angela, fait ses délices. Le tout est arrosé de rouges du pays : Barbera, Bonarda, Gutturnio…

Leye Adenle livre un très bon Tout va bien se passer, troisième volet d’une série dans laquelle, comme il le dit lui-même, « la criminalité a un parfum typiquement local ». En effet, les effluves nigérians qu’il fait respirer ont une ampleur et une singularité peu communes pour un lecteur européen, lequel se familiarise ici de nouveau avec eux grâce à Amaka, l’avocate et superwoman de ses deux précédents romans.
Elle vient à Lagos tirer d’affaire une jeune femme mêlée à des assassinats et trafics de drogue. Les enjeux sont de taille : cent millions de dollars semblent avoir disparu. Ils auraient été cachés dans un jet appartenant à une de ces méga-églises évangélistes qui prospèrent au Nigeria. La secte veut bien sûr les récupérer, ainsi qu’une kyrielle de personnages appartenant à différents services de l’État ou à la mafia, si tant est qu’on puisse distinguer les uns de l’autre.
En pleine chaleur, au milieu des embouteillages infernaux de la capitale nigériane, dans les palaces pour milliardaires ou dans un cimetière, au cours d’invraisemblables messes à grand spectacle, auprès de dirigeants et de subalternes corrompus… Amaka va, à son tour, tenter de suivre la trace de l’argent.
Le rythme est ce qu’il est convenu d’appeler haletant, tandis que l’héroïne déjoue les pièges que lui tend le crime (dés)organisé, qu’il soit politique, religieux ou autre… Résultat : une image drôle et féroce du Nigeria avec de l’action et du rebondissement en veux-tu en voilà. C’est très réjouissant et peu alcoolisé, à part l’éventuel et anonyme whisky dont aucune scène de bar d’hôtel ou de tractation entre ripoux ne saurait se passer.
Après Froid comme l’enfer, Rouge comme la mer, voici Noir comme la neige, dans lequel enquêtent une nouvelle fois Aurora et le commissaire Daniél Hannson de la brigade criminelle de Reykjavík. Un container renfermant les corps gelés de cinq jeunes femmes est retrouvé au nord du pays dans un champ de neige du Raudhólar.
Des questions professionnelles se posent au commissaire. Qui a organisé ce trafic d’êtres humains ? Comment protéger la jeune Nigériane qui a survécu à ce voyage forcé mais n’est pas en état de parler ? Quels rôles réels jouent les Russes et l’agent infiltrée française qui semblent impliqués dans l’affaire ? À côté de ces questions, s’en posent d’autres, d’ordre familial et amoureux, qui vont évidemment rejoindre les premières.
Noir comme la neige offre donc tous les plaisirs d’un polar bien ficelé aux personnages sympathiques. Le lecteur sentimental aura de plus la satisfaction d’apprendre qu’Aurora et Daniél amorcent, fatigue d’une enquête bien menée aidant, le rapprochement sentimental attendu, autour d’une bouteille de vin blanc d’une appellation non précisée – on est en Islande, et là-bas, semble-t-il, qu’importe le contenu pourvu que, etc.