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Journal de la littérature, des idées et des arts 01/11 – 14/11

En attendant Nadeau

En invité Peter Kurzeck
Les cloches de l’église Saint-Paul à Francfort-sur-le-Main (1947) ©CC BY-SA 3.0/Bundesarchiv/WikiCommons

Le temps retrouvé de Peter Kurzeck

Le deuxième volume de l’important cycle de Peter Kurzeck intitulé « Le vieux siècle » déploie une étrange saga. À la fois vaste fresque autobiographique, peinture précise des années 80, réflexions sur les traces de l’existence et la mémoire, il constitue une des entreprises littéraires les plus passionnantes de la littérature allemande récente, un texte conçu comme « un livre en tant que chant. Comme un violon tzigane ».

Éditorial

Nécessité du retournement

La pensée se retourne. Oui, comme on se retourne sur le temps passé pour le considérer autrement, comme quand on se met à la place de l’autre pour s’émanciper des biais qui nous restreignent, comme on change d’opinion, comme on retourne un gant pour en découvrir les coutures. Autant dire qu’il faut se méfier des évidences et admettre parfois les contradictions. Rien n’est univoque ou évident. Voici ce que martèle ce numéro d’EaN.

Sommaire

Emmanuelle Pierrot
La version qui n’intéresse personne
par Gabrielle Napoli
Peter Kurzeck
En invité
par Jean-Luc Tiesset
La cité de la victoire Salma Rushdie
Salman Rushdie © Jean-Luc Bertini

Graines et chuchotements de Salman Rushdie

La cité de la victoire, l’épatant dernier roman en date de Salman Rushdie, condense les forces et les faiblesses d’une œuvre importante. Il semble utile d’y revenir avec une certaine lucidité, loin de l’émoi causé par l’effroyable attaque au couteau dont il a été victime il y a un peu plus d’un an.

Neige Sinno Triste tigre
Abstract © CC BY 2.0/Bart Everson/Flickr

Neige Sinno : « Comment écrire à sa place ? » 

De son expérience de victime d’inceste, demeurée longtemps indicible mais enfin écrite, Neige Sinno tire Triste tigre, un livre hanté par les gouffres et dont la complexité procure une expérience de lecture impressionnante, qui lui vaut le Prix Femina 2023.

Sartre Situations
Tombe de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir © CC BY-SA 2.0/Andrew Gray/Flickr

Avoir raison avec Sartre

Depuis un demi-siècle, Sartre s’est effacé de notre paysage intellectuel. La nouvelle édition des Situations VII et VIII permet toutefois de mesurer la pertinence et l’actualité de sa pensée, y compris dans le champ politique.
Antonio Scurati les derniers jours de l'Europe Mussolini
M © Jean-Luc Bertini

Mussolini démonté

M. Les derniers jours de l’Europe est le troisième volume d’une somme qui doit en comporter cinq. Antonio Scurati y relate, d’une manière passionnante et grâce à une érudition impressionnante, comment Mussolini se rapproche, en 1938-1940, du régime nazi.

Nicolas de Staël, au-delà du mythe

Une grande exposition jusqu’à fin janvier 2024 au musée d’Art moderne de Paris et plusieurs livres sur la peinture de Nicolas de Staël permettent de dépasser son image d’artiste maudit et génial. C’est l’occasion de considérer autrement une peinture que l’on fige parfois trop facilement dans son propre mythe et que l’on invite à regarder, à penser, avec une véritable attention.
Nicolas de Staël Art à vif
« Femme assise », de Nicolas de Staël (1953) © ADAGP, Collection particulière / Jean-Louis Losi

Consumé et fulgurant

Soixante ans après sa mort et une première rétrospective, le musée d’Art moderne de Paris présente l’une des expositions les plus ambitieuses parmi les nombreuses consacrées à l’œuvre de Nicolas de Staël. L’artiste se sera consumé à force de fulgurances.
Portrait de Nicolas de Staël
Nicolas de Staël dans son atelier rue Gauguet (Été 1954) © Donation Denise Colomb/Ministère de la Culture/Médiathèque du patrimoine et de la photographie/RMN-Grand Palais

Un œil articulé

Dans le sillage de cette exposition paraissent plusieurs livres notables sur de Staël. La plus remarquable est probablement la réédition de la monographie que sa fille lui a consacrée, qui part du principe que « l’œil n’articule jamais ce que la bouche prononce ».

ArsO Bain de boue
Coulée de boue (Laos) © Jean Luc Bertini

Fraternité dans la gadoue

Bain de boue est l’une des belles surprises de la rentrée littéraire de cette année. Premier roman publié sous un nouveau nom de plume par un (une ?) auteur de bande dessinée et de littérature de l’imaginaire, il met au centre d’un récit qui emprunte habilement au genre en vogue du récit post-apocalyptique la fraternité.

Josep Rafanell i Orra, Petit traité de Cosmoanarchisme
Poupées fabriquées dans les communautés autonomes zapatistes ©CC-BY-SA-4.0/Xolotl32 /WikiCommons

Antipolitique des communaux

La parution du Petit traité de cosmoanarchisme et la réédition de En finir avec le capitalisme thérapeutique, deux essais de Josep Rafanell i Orra, donnent l’occasion de découvrir un auteur selon lequel il importe de refuser le regroupement artificiel de sujets qu’on gouverne par la représentation.

Leonardo Padura © Jean-Luc Bertini Ouragans tropicaux
Leonardo Padura © Jean-Luc Bertini

Les illusions perdues des Cubains : entretien avec Leonardo Padura

À l’occasion de la parution en français de son nouveau roman, Ouragans tropicaux, Leonardo Padura explique comment, sous la trame policière de la plupart de ses livres, il a abordé les grandes questions sociales et politiques qui se sont posées à Cuba depuis son indépendance.

La version qui n’intéresse personne, Emmanuelle Pierrot
Dawson City, Yukon, Canada ©CC BY-SA 4.0/Diego Delso/WikiCommons

Bourlinguer à Dawson City

La version qui n’intéresse personne, premier roman explosif de l’écrivaine québécoise Emmanuelle Pierrot, est « tout autant un coup de poing qu’une caresse ». C’est le portrait d’une femme qui résiste et un récit puissant sur la liberté, l’émancipation, la violence… Porté par une écriture forte, inventive, maîtrisée, le livre nous emporte dans une expérience mémorable.

Le gentil cabossé

À la frontière du conte et du roman social, de la poésie et de l’engagement, Le chien des étoiles, deuxième roman de Dimitri Rouchon-Borie, poursuit une entreprise littéraire peu commune. Peut-être moins intense que Le Démon de la colline aux loups, il interpelle, par fulgurances, nos lien avec la nature et notre humanité.

Premier rôle

Dans Comédie d’automne, Jean Rouaud revient sur l’année 1990 qui a fait basculer sa vie. Car ce n’est pas rien d’obtenir le Goncourt pour son premier roman, connaître un succès fulgurant alors que l’on est kiosquier dans une rue du dix-neuvième arrondissement de Paris.

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Les derniers articles de notre numéro 183

Je te laisse dormir Bruck
Edith Bruck © Bénédicte Roscot

Les revenants d’Edith Bruck

L’écrivaine italienne Edith Bruck raconte les dernières années de son mari atteint de la maladie d’Alzheimer. Elle conserve le souci de l’exactitude jusque dans la relation des situations ou des détails les plus crus.
« Aicha » (Détail) Ariella Aisha Azoulay © RotBoKrik

Les langues, comme des bijoux

Artisans d’une analyse radicale de l’impérialisme culturel, Ariella Aïsha Azoulay comme Ngugi Wa Thiong’o voient dans le retour à la langue des ancêtres la réparation de mondes mis en pièces par la colonisation. Comme les bijoux et les fleurs, les langues célèbrent la beauté et la vie.
"Les voyages de l'art" ( Détail), de Jacques Rancière © Seuil
« Abattez les Blancs avec le coin rouge », El Lissitzky (1950) © CC0/WikiCommons

Le régime esthétique de Rancière

Les voyages de l’art regroupe six conférences de Jacques Rancière. En les consacrant successivement à Hegel et à Kant, à la musique et à l’architecture, à l’art communiste et aux installations contemporaines, le philosophe varie les objets d’étude tout en les munissant de sa propre boussole, celle du régime esthétique de l’art.
Didier Cahen Lire Paul Celan
Paul Celan (1938) © CC0/Wikicommons

Quand Celan et Cadou se serrent la main

Tout semble opposer les poètes René Guy Cadou et Paul Celan, même s’ils sont nés tous deux en 1920. Mais ce qui les unit, c’est que l’un comme l’autre ne voyaient pas de différence essentielle entre un poème et une poignée de mains.

Une obéissance joyeusement consentie ?

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Trois fois trop tard

Le premier roman de Jérôme Aumont est un texte délicat qui confronte trois voix comme étranglées par un amour empêché. Avec justesse, le récit met au jour les failles et les petits arrangements avec la vérité qui structurent le moi sensible de chaque être humain. 
Consultez le second volet du numéro :