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Journal de la littérature, des idées et des arts 28/06 – 04/07 2023

En attendant Nadeau

Le bois, de Jeroen Brouwers : d'autres expériences du camp
Jeroen Brouwers © Michiel Hendryckx/CC

Le soliloque disloqué de Jeroen Brouwers

Jeroen Brouwers est mort en 2022, si bien qu’il est tentant de lire Le client E. Busken comme un récit testamentaire ou autobiographique. Le livre est un fleuve, un long monologue intérieur émanant de la conscience d’un homme âgé, abîmé par l’alcool et la cigarette qui lui sont interdits depuis qu’il est enfermé dans l’unité sécurisé de la Maison Madeleine. Alors il enrage, observe, se souvient, délire, rit, se rebelle. Dans quelle mesure est-il le double de Jeroen Brouwers, Néerlandais né en 1940 à Batavia (Djakarta), personnage, polémiste, « grand écrivain », etc. ? À cette question nous ne répondrons pas vraiment, préférant insister sur d’autres aspects.

Éditorial

Prendre soin de la colère

Dans un entretien à lire vendredi 30, Michel Valensi, fondateur avec Patricia Farazzi des éditions de l’éclat, compare le travail de l’éditeur à celui d’un « curatore », soit celui qui soigne. Il se place donc au chevet des livres comme le médecin au chevet de ses patients, les écoute et leur prodigue ses « Premiers secours », nom de l’une des collections phares de la maison.

Sommaire

Sandra Barrère
Écrire une histoire qui tue
Najla Nakhlé-Cerruti
Batia Baum, la nécessité de la traduction
Henri Colomer
Portrait de Fernando Pessoa
Julio Pomar Portrait de Fernando Pessoa (1983)Centro de Arte Moderna Manuel de Brito © CC BY 2.0/Pedro Ribeiro Simões/Flickr

Quand la violence devient discours

On considère souvent qu’Álvaro de Campos est le plus « moderniste » et le plus « audacieux » des doubles de Fernando Pessoa. La nouvelle traduction de son célèbre poème final Ultimatum constitue l’occasion de se replonger dans une œuvre majeure de la poésie lusophone, d’en saisir la violence et d’en dépasser les lectures univoques.

Tableau de Jan Voss - Markus Messling
Jan Voss Sans titre (1970) Centro de Arte Manuel de Brito, CAMB, Palácio dos Anjos, Algés, Portugal © CC BY 2.0/Pedro Ribeiro Simões/Flickr

Un universel à éprouver

Dans L’universel après l’universalisme. Des littératures francophones du contemporain, Markus Messling formule le constat d’une « implosion de l’universalisme » hérité des Lumières en analysant la tension entre les idéaux promus et le fait colonial auxquels ils ont été liés.

Tableau de Jan Voss - Markus Messling
Jan Voss Sans titre (1970) Centro de Arte Manuel de Brito, CAMB, Palácio dos Anjos, Algés, Portugal © CC BY 2.0/Pedro Ribeiro Simões/Flickr

Un universel à éprouver

Dans L’universel après l’universalisme. Des littératures francophones du contemporain, Markus Messling formule le constat d’une « implosion de l’universalisme » hérité des Lumières en analysant la tension entre les idéaux promus et le fait colonial auxquels ils ont été liés.

Giorgio Vasta et Ramak Fazel, Absolutely Nothing
Baton Rouge, Louisiana dans « Absolutely Nothing » © Verdier

L’Amérique, ça n’est pas rien !

Absolutely Nothing est la relation d’un voyage par la route à l’automne 2016 à travers les États-Unis, d’ouest en est, entrepris par Giorgio Vasta. Ce carnet de voyage décrit une expérience vécue intense, documentée par les photos de Fazel, que l’écrivain italien reconstitue sous la forme d’une succession non chronologique d’instantanés de lieux pour inventer une sorte d’anthropologie négative .

Arbre Farazzi
©Patricia Farazzi

« Ne pas grandir » : entretien avec Michel Valensi

Avec Patricia Farazzi, Michel Valensi a fondé les Éditions de l’éclat en 1985. Depuis, quelques centaines de titres parus ont construit un catalogue parmi les plus mystérieux et intrigants, qui, de la poésie à la philosophie analytique, de témoignages militants à la mystique médiévale juive, semble prêt à tout interpeller. EaN a longuement interrogé Michel Valensi pour déplier cette histoire de livres, d’éditions et de marges.

Moya l'homme apprivoisé reflet sang
Miroir de la mer… (2021) © CC BY-SA 2.0/catherine ¨MOSINIAK-PAILLIER/ Flickr

Les voies de la violence

Deux romans de Claude Kayat et Horacio Castellanos Moya disent, à leur manière et en deux voix, l’une française et l’autre salvadorienne, les actuelles voies de la violence dans le monde. Et ils ont en commun de renvoyer, incidemment, à une ville du Nord apparemment à l’abri de cette plaie, Stockholm, en Suède, ce pays si séculairement pacifique qu’on y a fondé un « Institut international de recherche sur la paix »

Lucas Cranach l'Ancien Judith avec la tête de Holopherne
Lucas Cranach l’Ancien Judith avec la tête de Holopherne (Musée de Kassel) © CC 0/Wikipedia

Regarder voir

Que se passe-t-il devant le tableau, la photographie, l’œuvre d’art contemporaine ? Laurent Jenny revient inlassablement à cette interrogation que l’observation des œuvres renouvelle toujours. La folie du regard est une étape de ce parcours critique érudit. Comme dans ses précédents ouvrages, à travers des analyses se dessine un certain rapport aux images, celui d’un savant se méfiant du trop de savoir. On retrouve avec une vraie joie la voix de l’auteur : jamais péremptoire, et unique, comme seule l’est celle des écrivains.

Manifestation patriotique du stade Loujniki, Moscou, 22 février 2023
Manifestation patriotique du stade Loujniki, Moscou, 22 février 2023 © Patrick Wack

L’écho intime d’une guerre

Dans Quand nous nous sommes réveillés, Luba Jurgenson revient sur les signes avant-coureurs de la guerre, questionne la place de la violence dans la société russe et traverse son histoire familiale.
Friedrich Nietzsche, Poèmes complets
Portrait de Nietzsche par Edvard Munch (1906) © Thiel Galerie

Le cas Nietzsche 

Avec ce sixième tome de la Correspondance de Nietzsche, voici la fin de la traduction française de la monumentale édition de Colli et Montinari. Et aussi la fin du penseur lui-même. Après deux volumes, la traduction de ses centaines de lettres avait été suspendue durant une vingtaine d’années. Remercions notre ami Jean Lacoste de l’avoir menée à son terme. Grâce à lui est enfin couverte la petite quinzaine d’années durant lesquelles le porte-parole du cercle wagnérien devint Nietzsche.

Couverture de l'île noire, Les îles noires d'Hergé de Schuurman
© Éditions Castermann

Il y a encore des choses à dire sur Tintin

Les îles noires d’Hergé de Ludwig Schuurman a une qualité évidente : démontrer clairement que dans l’univers des tintinophiles de tous poils, il y a encore des choses à dire. Son travail passionnant sur les différentes versions de l’album où l’on découvre l’infâme Docteur Müller, le gorille Ranko et les habitants taiseux de Kiltoch, ouvre des pistes sur la genèse de l’œuvre du dessinateur, la manière dont on la lit et rappelle que la bande dessinée est un art comme les autres.

Détail couverture de Cantilènes du cycle épique albanais de Muji et Halil
© Fauves Éditions

Chants épiques des preux albanais

Abidin Krasniqi nous fait découvrir un ensemble de textes épiques recueillis du début du XXe siècle jusqu’au seuil du XXIe siècle dans toutes les contrées albanophones : Albanie, Kosovo, Monténégro. Il est parvenu à traduire le texte albanais en décasyllabes fluides et fait revivre ainsi une geste, qui, en plus de son intérêt littéraire, nous en apprend beaucoup sur les mœurs et les mentalités de l’époque.

 

L’amour de carte postale  

Alors que le numérique induit une communication immédiate, les cartes postales se font de plus en plus rares. Quant aux histoires d’amour, on ne sait pas… C’est pourquoi  Annie Zadek et Valérie Mréjen ont tenté de retrouver ces traditions perdues, mais sans mélancolie excessive. Elles ont composé à quatre mains un livre d’artiste de cartes postales détachables. Un « poème-photo » dit leur éditeur.

Et toujours à la Une du numéro 176

« Composition » de Louis Van Lint (1954)
« Composition » de Louis Van Lint (1954) © CC BY 2.0/Pedro Ribeiro Simões/Flickr


Spectres trans de Marx

Il y a trois ans, le psychanalyste Stéphane Habib adressait à Paul B. Preciado une lettre ouverte dans En attendant Nadeau, à la suite de la parution de Je suis un monstre qui vous parle. Rapport pour une académie de psychanalystes, et du débat intense que ce livre avait suscité. Il partage aujourd’hui sa lecture de son dernier essai, Dysphoria Mundi.

Portrait de Maurice Mourier par Tristan Felix
Maurice Mourier © Tristan Felix

Entretien avec Maurice Mourier

Maurice Mourier vient de publier La femme bue par l’aube, deuxième tome d’une trilogie commencée avec Dans la maison qui recule en 2015. Il nous explique le projet de ce livre touffu, à la fois comique et angoissé, et partage sa conception du savoir et de la culture, son rapport aux textes, à la nature, aux esprits, à la nécessité de l’imagination. Une manière de parler d’un monde qui ne va pas bien et du désir d’essayer d’être un peu heureux.

Consultez le second volet du numéro :