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JOURNAL DE LA LITTÉRATURE, DES IDÉES ET DES ARTS 20/09 – 03/10 2023

En attendant Nadeau

Ingo Schulze | De braves et honnêtes meurtriers
« Contenu Fermé Discutant Dans La Couleur Invisible », de Anouk Kruithof (2009) ©CC BY-NC-SA 2.0/Rémi de Valenciennes/Flickr

Bienvenue au Leseland

Le héros du nouveau roman d’Ingo Schulze, De braves et honnêtes meurtriers, dévore ce que d’autres ont écrit et ne fait confiance qu’aux livres. C’est aux lecteurs que le grand romancier de l’ex-RDA confie les clés du récit : il fait d’eux les seuls véritables gardiens de la littérature.

Éditorial

Nos sensibilités

A la recherche de points de vue plus justes et plus divers que le sien, l’écrivain québécois et goncourable Kevin Lambert, critiqué par son collègue français et goncourisé Nicolas Mathieu, a sollicité des regards extérieurs pour relire son livre Que notre joie demeure. Une telle pratique, courante, a moins à voir avec la censure qu’avec l’art du romancier. Si l’opération critique qu’il mène sur le capitalisme et l’urbanisme réussit aussi bien, c’est parce que Kevin Lambert appuie son imaginaire sur une rigueur documentaire qui lui donne les armes du crédible. Mais c’est aussi une affaire d’humilité : voici un écrivain qui ne cache pas avoir eu besoin des autres, plus “sensibles” (devrait-on dire plus situés ?), c’est-à-dire mieux informés que lui sur ce qu’il voulait représenter.

Sommaire

Le vif de l’art : Oiron et Fontevraud 
par Paul Bernard-Nouraud
Mathias Enard 
Déserter
par Sébastien Omont
Zeruya Shalev | Stupeur
Plage israélienne © CC BY-SA 2.0/Binary Koala/Flickr

Résignations israéliennes

À tout lecteur curieux de comprendre les tensions et contradictions de la société israélienne contemporaine, on ne saurait trop recommander la lecture de Stupeur. Impressionnant par sa maîtrise narrative, le nouveau livre de Zeruya Shalev – le sixième à être traduit en français – réussit à combiner récit intime et souffle historique.
Allen S. Weiss, Guide anachronique de Kyoto,
Kyoto © Jean Luc Bertini

Entre deux jardins

L’écrivain américain Allen S. Weiss circule avec autant d’aisance entre les jardins à la française et ceux de Kyoto. Ses deux livres montrent l’érudition étourdissante et la fantaisie d’un esprit curieux de plusieurs cultures.
Antoine Wauters, Le plus court chemin Ardenne
Antoine Wauters © Verdier

Ardenne lointaine

Le plus court chemin, selon Antoine Wauters, c’est l’écriture. Une écriture précise et ductile, dense et vivace, qui nomme, désigne, sauve, et permet de revenir à l’essence même de l’enfance. Et même plus loin encore, au-delà ou en deçà des choses.
Aïcha Limbada, Nuit de noces
« Repos au lit », de James Abbott Mcneill Whistler (1884) © CC0/Art Gallery ErgsArt/Flickr

À la chute du lit

Aïcha Limbada examine la nuit de noces à la fin du XIXe siècle à travers le prisme des plaintes que ce moment tant attendu peut susciter ; elle étudie, en particulier, les recours exercés par des femmes devant les juridictions ecclésiastiques en vue d’annuler leur mariage.
Pablo NERUDA, Résider sur la terre, Oeuvres choisies
« A Isla Negra en 1953 » © Archives Fundación Pablo Neruda « photo issue du Quarto Pablo Neruda Résider sur la terre – éditions Gallimard »

Neruda, siempre presente !

Pablo Neruda disait écrire pour ne pas mourir. Cinquante ans après sa mort, le volume Résider sur la terre réunit un grand nombre de ses œuvres. Sa poésie, qui se voulait destinée à tous, a fait du Chili une partie indissociable du monde contemporain.
Nicole Lapierre, le plus menteur d'entre nous Portrait
« Transparence (Deux têtes) », Francis Picabia (1935) ©CC BY 2.0/Cea+/Flickr

Un créateur permanent  

Dans Le plus menteur d’entre nous, Nicole Lapierre se souvient d’un ami mort à l’âge de quarante-quatre ans, un être aimé de tous pour sa fantaisie, sa gentillesse et son charme. Un être que, pour mieux le comprendre, elle emmène dans la littérature en s’appuyant sur le prénom qu’il s’est attribué lui-même : Ulysses.
Kevin Lambert | Que notre joie demeure.
Antwerp port house, Zaha Hadid © CC BY 2.0/Bobo Boom/Flickr

Le roman gentrifié

Solidement architecturé, le troisième roman de Kevin Lambert, Que notre joie demeure, substitue à la verve des deux précédents une fermeté narrative toute neuve. Il dresse le portrait d’une cheffe d’entreprise impitoyable qui est aussi une artiste tourmentée.
Jean-Baptiste Brenet | Demain, la veille. Nuit
Lampadaire © CC BY 2.0/Maxime Bober/Flickr

La nuit relue

Avec Demain, la veille, livre issu d’une conférence, l’historien de la philosophie Jean-Baptiste Brenet propose un texte à la fois concentré et léger, dans lequel il distingue quatre nuits : la nuit comme phosphorescence, la nuit comme accueil, la nuit comme intelligence unique, la nuit comme déluge.

Mathias Enard | Déserter.
Mathias Enard © Jean-Luc Bertini

Europe furieuse

Déserter, le nouveau roman de Mathias Enard, d’une écriture somptueuse et poétique, alterne l’histoire d’un soldat en rupture d’une guerre contemporaine et celle d’un mathématicien allemand, de la montée du nazisme jusqu’à l’effondrement des États communistes.
Leș chaînes sans fin Yves Pagès
« Escalator » © CC BY-NC 2.0/Tony Wilkinson/Flickr

Ce que le tapis roulant fait à l’homme

En proposant l’histoire du tapis roulant, Yves Pagès montre que cet appareil a été à de nombreuses reprises conçu comme un moyen d’oppression et non d’émancipation. Les salles de gymnastique d’aujourd’hui sont, de ce point de vue, les héritières des prisons et des usines de jadis.

Histoires et échanges du R&B : entretien avec Rhoda Tchokokam

Rhoda Tchokokam publie avec Sensibles. Une histoire du R&B français le premier travail de fond sur une musique majeure de ces trente dernières années. L’ouvrage permet enfin d’aborder sans cliché et sans mépris ces musiques et les artistes qui les ont produites.

Le vif de l’art : Oiron et Fontevraud 

Notre chronique consacrée aux expositions d’arts visuels nous conduit aujourd’hui au château d’Oiron, dont la collection ne s’est pas suffisamment renouvelée, puis à l’abbaye de Fontevraud, qui accueille jusqu’au 24 septembre une exposition dédiée aux eaux-fortes de Rembrandt.
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Et toujours à la Une du numéro 180

Anni Kytömäki | Gorge d'or
« Swan Lake » de G. Steiner et J. Lenzlinger (Helsinki, Finlande)© CC BY 2.0/Jean-Pierre Dalbéra/Flickr

Liberté dans la forêt

La lecture de Gorge d’or, premier roman d’Anni Kytömäki, nous bouleverse par une écriture à la fois simple et précise, lyrique et hypnotique, qui conduit jusqu’à une intensité incroyable les sentiments des personnages.
"The Lima Mural Project" Portrait huaco , Gabriela Wiener
« The Lima Mural Project » ©CC BY 2.0/F Delventhal/Flickr

Tout montrer

« Il faut tout montrer » : telle est l’injonction qui guide l’autrice péruvienne Gabriela Wiener. Et c’est bien ce qu’elle fait, presque compulsivement, dans son premier roman, Portrait huaco. Connue notamment pour ses incursions dans le journalisme gonzo et ses performances, elle se place ici, à nouveau, au centre de son récit afin de prolonger ses investigations autour du moi.
Photo Bertini Pour l'amour de bégeaudeau
© Jean-Luc Bertini

Deux cœurs simples : entretien avec François Bégaudeau

Rachid Laïreche s’est entretenu avec François Bégaudeau à propos de L’amour, un roman qui raconte, sans verser dans la psychologie ou le commentaire, mais en faisant toute leur place aux données matérielles, un amour conjugal qui a duré cinquante ans.
Nat Love | Cow-boy noir. Une autobiographie Portrait
Nat Love © Anacharsis

Le cow-boy retrouvé

Dans son autobiographie, le cow-boy Nat Love, ancien esclave, s’invente une vie par l’écriture et parvient à faire des différents moments de sa vie un récit unique, presque cohérent, qui le conduit de l’archaïsme à la modernité.
Pierre Singaravélou, Colonisations. Notre histoire - Baya
Gouache de Baya exposée à l’Institut du monde arabe de Paris en 2022 ©CC BY-SA 4.0/Bruno Barral/WikiCommons

La colonisation, au passé et au présent

La colonisation fait partie du passé mais aussi du présent de la France. C’est de ce constat qu’est parti l’historien Pierre Singaravélou, qui a réuni de très nombreux chercheuses et chercheurs, mais aussi des romanciers et des artistes, pour construire une somme de près de mille pages qui fera date.

Neige Sinno : « Comment écrire à sa place ? » 

De son expérience de victime d’inceste, demeurée longtemps indicible mais enfin écrite, Neige Sinno tire Triste tigre, un livre hanté par les gouffres et dont la complexité procure une expérience de lecture impressionnante.

La vie spéculative

Sous les dehors d’un « questionnaire existentiel » d’une grande drôlerie, Charly Delwart parvient dans Que ferais-je à ma place ?, comme dans Databiographie paru en 2019, à interroger nos existences, la manière dont on les conçoit et ce que parler de soi veut dire aujourd’hui.

Le jeune homme et la mer

Le dernier livre de Vassili Golovanov, disparu en 2021, est le récit d’un voyage en Azerbaïdjan qui tisse des liens entre le passé et le présent, entre les morts et les vivants, entre la Russie et l’Orient. Il débute dans le réel pour caresser ensuite le songe romanesque.
Consultez le second volet du numéro :