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JOURNAL DE LA LITTÉRATURE, DES IDÉES ET DES ARTS 15/11- 28/11 2023

En attendant Nadeau

Le dernier revival d’Opal & Nev. Dawnie Walton
« Guitare rouge électrifiée » , inspiration de Juan Gris © CC BY 2.0/MikeLicht/Flickr

Aventures des « misfits »

Le dernier revival d’Opal & Nev, premier roman de la journaliste américaine Dawnie Walton, ne manque pas d’audace. On y plonge, avec un duo de musiciens attachants, dans une fresque musicale qui reconstitue avec brio la complexité des années 60 et 70 et interroge les paradoxes de la société contemporaine. Un livre réussi qui entremêle réalité documentaire et invention romanesque avec une acuité surprenante.

Éditorial

Dans un journal comme le nôtre, il n’est pas rare de se demander quel sens peuvent (encore) avoir la lecture et la critique, quand des populations civiles sont massacrées et bombardées, quand les espoirs de justice et de paix s’éloignent un peu plus chaque jour. Comment maintenir le regard indirect qui est le nôtre, quand l’actualité la plus douloureuse et le rythme de son traitement nous incitent à tenir des discours et des positions de la manière la moins distanciée ?

Sommaire

Jacques-Henri Michot
Au jour dit. Le 24 avril en France (1935-2022)
par Hugo Pradelle
Najwan Darwish
Tu n’es pas un poète à Grenade
par Khalid Lyamlahy
Thom Van Dooren Tout un monde dans une coquille escargot
Escargot arboricole (Oahu) ©CC BY-NC-SA 2.0/David Eickhoff/Flickr

Cosmogonie de l’escargot

Consacrer un livre entier à des escargots hawaïens semble au premier abord bien saugrenu. Mais, avec audace et justesse, Thom van Dooren décrit dans Tout un monde dans une coquille bien plus qu’un simple gastéropode exotique. Il brosse le portrait et l’histoire d’une île, d’un milieu, d’une civilisation oblitérés par la colonisation. Il nous explique surtout comment ne pas détruire des mondes entiers et combattre l’ignorance.

Very important people Ashley Mears VIP
High heels © CC BY 2.0/Le vent cri/Flickr

Le fric et la fête

Very Important People, de la sociologue Ashley Mears, explore le monde des fêtards ultra-riches et de leurs avatars. Si elle y met en relief les inégalités, la violence, les clichés de ce monde clos et futile, son livre compte davantage pour sa description aiguë de situations et de personnages que pour ses conclusions un peu fades.

Les voix de l'enfance. Œuvres choisies Françoise Dolto
Françoise Dolto © CC BY-SA 2.0/Paille/Flickr

Françoise Dolto, médecin d’éducation

Réussite incontestable, Les voix de l’enfance réunit des textes de Françoise Dolto qui témoignent de l’extrême nouveauté de sa vision de l’enfance et du soin. Un volume très réussi qui constitue un « mausolée » pour une vision des enfants comme des êtres de langage, à qui l’on s’adresse plutôt qu’on ne les dresse.

Comment naissent les valeurs Hans Joas
« Transparence », de Francis Picabia ©CC BY 2.0/Cea+/Flickr

Naissance et valorisation de la valeur

Comment naissent les valeurs vient compléter, dans un certain désordre, l’édition française de l’oeuvre majeure du philosophe et sociologue allemand Hans Joas. Moins connu qu’Habermas ou Honneth, il déploie l’idée que les valeurs sont des productions des sujets eux-mêmes et les considèrent dans un contexte contemporain où s’affrontent des conceptions libérale ou communautaire fortement conflictuelles.

Bronka Nowicka Nourrir la pierre
« L’enfant malade », Edvard Munch (1896)© CC0/WikiCommons

L’enfant des circonstances

Dans Nourrir la pierre, la poète polonaise Bronka Nowicka adopte le regard d’un enfant et donne vie à un monde à la fois ludique et terrible. Poussé à l’extrême, le procédé ordonne un livre radical aux allures d’inventaire inquiétant qui donne une forme au génie de l’enfant.

"Anatomie d'un art", Damien MacDonald © Flammarion
« Anatomie d’un art », Damien MacDonald (Détail) © Flammarion

Planches et bulles de près

Entre marginalité et succès grand public, pan notable de la culture populaire et objet de recherches, la bande dessinée est entrée dans une période d’institutionnalisation. Appréhender le rôle des collectionneurs et la place des planches originales écrivent une partie de l’histoire de la BD. Dans Anatomie d’un art, Damien MacDonald pose une nouvelle pierre à ce récit et voit dans le « bouillonnement » du médium les signes d’un « avenir radieux » et d’un rêve toujours recommencé.

Luc Lang, Le récit du combat
Art martial © CC BY 2.0/Fayez Closed Account/Flickr

Écriture et karaté

Second ouvrage autobiographique de Luc Lang, Le récit du combat est l’un des livres les plus singuliers et les plus envoûtants de l’automne. Récit de filiation et d’apprentissage, l’écrivain y déploie avec maestria sa vie de karatéka et montre la manière dont cet art martial lui a permis d’écrire autrement et de conjurer en partie ses effondrements intérieurs.

Poursuivre l’histoire de l’esclavage

La complexité de la notion et des mondes de l’esclavage se révèle dans toute sa force si l’on sort des représentations pré-établies. Par exemple en s’intéressant aux différents statuts des individus dans les plantations américaines et aux contradictions politiques de la Grèce antique.
Frédéric régent Libres de couleur. Les affranchis et leurs descendants en terres d’esclavage (XIVe-XIXe siècle)
« Femmes de couleur libres avec leurs enfants et leurs serviteurs », Agostino Brunias (1770-1796) © CC0/WikiCommons

La liberté entravée

Avec Libres de couleur, l’historien Frédéric Régent confirme son ample connaissance du fait colonial et de l’esclavage. Il met en lumière une catégorie de population relativement négligée par l’historiographie, alors qu’elle constitue un gage de nuance dans la présentation habituelle du monde colonial.

Le miroir d’Œdipe. Penser l’esclavage Paulin Ismard
« Le miroir d’Œdipe. Penser l’esclavage », Paulin Ismard ( Détail) © Seuil

L’essence de l’esclavage

Dans Le miroir d’Œdipe, l’historien Paulin Ismard étudie la conception que la Grèce antique avait de l’esclavage, institution dans laquelle il voit le refoulé de la politique. Il soulève un problème troublant : comment a-t-on pu accepter l’existence d’un statut servile alors qu’on proclamait l’égalité des citoyens ?

Ténèbres, Siamanto
Siamanto dans son bureau © D.R.

Siamanto : un prophète

Il faut redécouvrir l’œuvre violente et lyrique du poète arménien Adom Yardjanian Siamanto. À lire Ténèbres, on réalise que son pays n’en finit pas de subir les séquelles des massacres génocidaires dont il fut l’une des 1 500 000 victimes.

 

Talaat Pacha
Talaat Pacha © CNRS

La guerre totale de Talaat Pacha 

L’ouvrage sur Talaat Pacha de l’historien suisse Hans-Lukas Kieser, éclaire la carrière d’un homme de pouvoir que rien ne fit reculer. Il permet de comprendre l’incontestable continuité entre son projet politique et les régimes qui lui ont succédé.

Pierre Perrault Nous autres icitte à l’île
Pierre Perrault © DR

Les possibilités d’une île

Les îles sont des leviers particulièrement puissants pour soulever l’imaginaire. Pour le documentariste et écrivain québécois Pierre Perrault, c’est l’île aux Coudres qui joua ce rôle et lui fournit la matière d’un livre testamentaire puissant.

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DOSSIER
Dossier Israël-Palestine
Sans titre © CC BY 2.0/zaphad1/Flickr

Une terre et des livres

Avec l’intensification des violences faites aux populations civiles israéliennes et palestiniennes, l’espoir d’une paix juste et durable s’est enfui. Mais les romanciers, les poètes, les chercheurs ont toujours continué à écrire, parfois même à dialoguer, d’un côté et de l’autre de la barrière que les acteurs politiques et militaires se sont évertués à dresser entre les peuples et les histoires de cette terre. En attendant Nadeau rassemble ses archives en un dossier spécial, qui sera augmenté de nos nouvelles lectures. À commencer par celle du nouveau recueil, traduit en français, du poète palestinien Najwan Darwish.

"Inventaire des choses perdues", "Palais de la république" de Judith Schalansky
« Inventaire des choses perdues », « Palais de la république » de Judith Schalansky (Détail) © Ypsilon

Atlas des choses fragiles

Dans son Inventaire de choses perdues, l’écrivaine et graphiste allemande Judith Schalansky conjugue l’art de satisfaire l’envie d’intrigue d’un lecteur inconnu et l’aptitude à dépeindre minutieusement la nature. Tout ce qui sombre, s’évanouit et renaît la fascine. C’est une conteuse merveilleuse qui brouille l’oubli et la mémoire.

Roman du 24 avril Michot
Hervé Forneri, dit Dick Rivers (24/04/1945 – 24/04/2019) © CC BY-SA 4.0/Michaël Bemelmans /WikiCommons

Le roman du 24 avril

Au jour dit, de Jacques-Henri Michot, est à la fois un catalogue et une compilation fascinante d’archives, mais c’est surtout un livre fort sur la composition du récit, le rapport de la littérature au réel, et une méditation sur la mémoire elle-même, qui se lit comme un roman sans fin.
Marcel Nadjary Sonderkommando
La baraque du Sonderkommando. Manuscrit et dessin de Nadjary (Détail) © D.R.

Derniers cris de Birkenau

Deux manuscrits d’un intérêt exceptionnel sont enfin traduits et édités en français. Ils ont pour auteur l’un des rares rescapés du Sonderkommando d’Auschwitz, le Juif grec Marcel Nadjary. Il avait dissimulé, dans une bouteille près des crématoires, une lettre qui raconte ce qu’il a vu et comment il a été contraint de participer à l’extermination. À ce document retrouvé, s’ajoute un témoignage écrit en 1947 pour composer un ensemble remarquable.

La correspondance de Marcel Proust  Mihail Sebastian
Mihail Sebastian © Non Lieu

Mihail Sebastian : rendre Proust plus proche

C’est en Roumanie et non en France qu’a été publiée, en 1938, la toute première étude consacrée à la correspondance de Marcel Proust. Elle était signée de l’écrivain Mihail Sebastian, mieux connu pour son journal. Son attention aux détails nous rend plus proche l’auteur de la Recherche.

Nos prix littéraires

L’automne des prix littéraires français touche à sa fin. En attendant Nadeau n’aura pas parlé de tout ni de tous — notamment du prix Goncourt — mais vous propose de retrouver nos archives pour ceux décernés ces deux dernières années.

Signes de foi

Hautes en couleurs, peuplées de personnages et d’animaux familiers ou imaginaires, énigmatiques, les illustrations qui accompagnent Les images médiévales de Jean-Claude Schmitt inciteront le lecteur désireux d’en connaître le sens à gravir jusqu’au bout un texte fourmillant de mots savants, d’auteurs illustres ou inconnus, de visions contrastées du monde.

Pas seulement migrant

Bien que Falmarès n’ait que vingt et un ans, Catalogue d’un exilé est déjà son quatrième recueil de poésie. Né en Guinée et venu en Europe au péril de sa vie, il transforme le sens de l’exil comme une rencontre de deux mondes. Et questionne la possibilité d’en sortir par l’écriture.

Consultez le premier volet du numéro :