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Journal de la littérature, des idées et des arts 13/12 – 26/12 2023
En attendant Nadeau
Grèce : écrire après la crise
Publiés à quatre ans d’intervalle, au milieu et à la fin de la décennie d’austérité, deux romans grecs dépeignent une situation de désastre et d’asphyxie. Leurs personnages – métaphores d’une génération perdue, en sursis dans son propre pays – résistent à l’ordre des choses. Le premier est une fable sur la destruction du lien social, l’autre impose une langue du désespoir.
Éditorial
Sommaire
La philosophie comme attitude
par Jean-Marie Chevalier
Nature humaine et conduite. Introduction à la psychologie sociale
par Jean-Marie Chevalier
Une révolution pour la conservation de la nature
La bête et les vestiges de l’enfance
Le second volet du chef-d’œuvre du scénariste Zidrou et du dessinateur Frank Pé, hommage au mélancolique André Franquin, évoque la Belgique neigeuse de 1955, hantée par les fantômes de l’Occupation. Tour de force en deux albums, La Bête s’impose déjà comme un classique de la bande dessinée contemporaine.
Lagaffe remet le couvert
La parution du premier album de Gaston Lagaffe signé par un autre dessinateur que Franquin a occasionné une vive polémique. Le travail colossal de Delaf interdit de faire porter le débat sur le plan technique. Mais ses choix d’écriture et la composition du personnage brisent la proximité que le lecteur a pu ressentir avec Gaston et ses amis.
Une mythologie du vécu
Librement inspiré du Tour de France par deux enfants et du Dépaysement de Jean Christophe Bailly, Le voyage intérieur de Gérard Cartier compose un itinéraire géographique fascinant. Une poésie documentaire qui questionne en profondeur notre mémoire, notre rapport au temps et aux lieux.
La forge de l’imagination
S’il faut saluer la parution d’une traduction de la Jérusalem de William Blake, on peut regretter une édition fragmentée et maladroite de ce chef-d’œuvre méconnu en France. Demeurent le souffle, la puissance et la gloire d’un poème d’une complexité inouïe qu’on a une grande joie de découvrir.
Homo americanus
La troisième main de Philip Guston
Bien que Philip Guston soit un des plus grands artistes de notre temps, il est encore peu connu en France. La parution de ses Écrits, conférences et entretiens permet de découvrir sa personnalité, ses obsessions, son affinité avec le monde des écrivains et des musiciens. Une manière passionnante d’aborder de l’intérieur une œuvre hors du commun, de la situer dans son époque et d’en appréhender la puissance politique.
« Une épopée de réfugiés » : entretien avec Aleksandar Hemon
Un monde de ciel et de terre d’Aleksandar Hemon est une vaste fresque qui commence en 1914 à Sarajevo, sa ville natale, pour s’achever à Shanghai en 1949. C’est à la fois un roman historique, une grande histoire d’amour entre deux Bosniens et une œuvre politique puissante. L’écrivain confie à EaN la gestation de ce livre, sa composition complexe et rappelle que « toute fiction consiste à se représenter le vécu des autres ».
L’œil écoute
Dépaysement délibéré
Au cœur de la Camargue, et dans une écriture d’une grande justesse sensible, Céline Curiol explore un lieu, mais aussi une idée de la nature et la place qu’on se fait dans un lieu naturel. Elle n’en oublie pas néanmoins les rencontres qui, malgré tout ce qui pourrait les empêcher, se tissent au sein de cette expérience.
Les mondes de la forêt
Jamais nos forêts dans le monde n’avaient été aussi violentées qu’en cette année 2023. En témoigne la publication d’une multitude d’ouvrages sur les arbres, le bois ou le monde de la forêt. Trois d’entre eux ont retenu notre attention, parce qu’ils tranchent par l’angle, le style et les thèses qu’ils portent.
Les derniers articles du premier volet du numéro 187
Gabriela Mistral, la fervente aux mains nues
Lire Pressoir donne une perspective bouleversante à l’œuvre de Gabriela Mistral, première femme lauréate du prix Nobel en 1945. On y perçoit un basculement vers le désespoir, une noirceur et une violence qui contrastent avec ses poèmes plus anciens. Un recueil d’une grande force qui se lit comme un dialogue infini avec ceux qui ont disparu.
Grandeur fugace de l’ordinaire
Après Pas d’éclair sans tonnerre et Trois réputations, Jérémie Gindre poursuit son exploration de l’étonnante acuité du quotidien et de l’ordinaire. Les sept nouvelles de Tombola en affirment le potentiel romanesque dans un équilibre subtil entre dérisoire et profondeur.
Un jour pourtant, un jour viendra
L’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde », à l’Institut du monde arabe, montre ce qu’est un musée qui regarde son peuple et porte son regard vers d’autres peuples. Les œuvres laissent rêver au jour où la Palestine pourra se déclarer indépendante depuis son musée national d’art moderne et contemporain.
L’Arabe invisible
Comment être un Arabe en Israël ? La question tient prisonnier le héros de L’étoile de la mer, superbe roman de l’écrivain libanais Elias Khoury. Ce deuxième tome de sa trilogie palestinienne est aussi une puissante réflexion sur l’impossibilité et la nécessité de la littérature.
Des jeux et des lieux
Georges Perec a toujours mis le jeu au centre de son œuvre. Reprenant trois volumes parus indépendamment, ce dernier inédit se lit un crayon à la main, activement, le lecteur s’y faisant co-producteur du livre. Des rébus, anagrammes, mots croisés ardus et autre suites arithmétiques retors et incroyablement stimulants, dont il faut sérieusement interroger la place et le rôle dans l’œuvre.
La violence du papier
Philippe Artières et Franck Veyron ont exploré les collections d’archives de La Contemporaine pour imaginer l’exposition « Ripostes ! », qui se tient jusqu’au 16 mars prochain à Nanterre. Un livre de très belle facture l’accompagne pour explorer les diverses formes de ripostes imaginées par les mouvements contestataires à cette époque en France et dans le monde.
La Géorgie à fleur de peau
La dernière édition du festival « Un week-end à l’Est » nous a fait rencontrer la culture géorgienne à travers des dizaines d’auteurs et d’artistes. Côté parutions, c’est l’occasion de lire les romans de Tamta Méchevili et Nana Ekvtimishvili. Et côté cinéma, le film d’Elene Naveriani.
L’attitude ou « l’air philosophe »
Hitchcock, fieffé trompeur
Après Sophocle, Agatha Christie ou Shakespeare, Pierre Bayard s’attaque à un autre géant, du cinéma cette fois : Alfred Hitchcock. Avec une précision ludique, il analyse son Fenêtre sur cour. Il le passe à la moulinette virtuose de son entreprise de déconstruction littéraire et intellectuelle jouissive pour nous révéler que le cinéaste, lui aussi, se trompe.