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Journal de la littérature, des idées et des arts 10/01 – 23/01 2024

En attendant Nadeau

Mark Rothko Louis Vuitton jusqu’au 2 avril 2024
De gauche à droite : « Untitled » (1960), « Blue, Orange, Red » (1961), « No. 14 » (1960), Mark Rothko © 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko – Adagp, Paris, 2023

Mark Rothko : la peinture fait corps avec elle-même

La rétrospective consacrée à Mark Rothko à la Fondation Vuitton présente ses toiles en si grand nombre qu’on pourrait craindre que cette exposition ne les éteigne ou en atténue la puissance. Pourtant, malgré l’accumulation quelque chose de sa peinture résiste et le spectateur s’interroge tout autant sur la force de cette peinture que sur ce que signifie la regarder et s’y confronter vraiment.

Éditorial

Une grande, une vraie joie

La littérature vaut, les livres valent, parce qu’ils font basculer quelque chose du monde. Ou, au moins, de la manière de le dire, de le raconter. Oui, de raconter ses troubles, ses violences, ses mémoires, ses fantômes. Des histoires, des langues, qui nous touchent car on s’y déshabitue de soi-même, des évidences, des formes et des discours tout faits. Il y a une joie inquiète à s’y frotter, à les laisser agir dans nos vies et dans nos cerveaux, à accepter ces étrangers merveilleux.

Sommaire

Mieke Bal
Concepts itinérants. Comment se déplacer dans les sciences humaines
par Paul Bernard-Nouraud
Kelly Rivière
An Irish Story. Une histoire irlandaise
par Monique Le Roux
Jérôme Gaillardet, La Terre habitable
Falaise de Bâmiyân , Pascal Convert (2017)vue panoramique, 15 panneaux (détail) © Collection CNAP.

De la Nature à la Terre

Dans La Terre habitable, Jérôme Gaillardet déploie une réflexion très riche sur la manière dont on conçoit l’environnement et nos liens avec lui. Dans cet essai au ton très libre, il interroge en profondeur le concept de « nature » auquel il préfère celui de « terre » et donne véritablement matière à penser le vivant. 
Catherine Pozzi, Peau d'âme
« Calme », Max Ernst (1958) © CC BY-NC-SA 2.0/Gandalf’s Gallery/Flickr

La profonde légèreté de Catherine Pozzi

Quelle excellente idée que de publier Peau d’âme de Catherine Pozzi. On se passionne pour une femme étonnamment libre, proche de Valéry et de Rilke, ses textes, sa conception de la littérature et de la philosophie, sa manière singulière d’être poète et d’écrire sur les sciences. 

Complexe du mythe 

Le livre sur les mythes grecs de Jean-Louis Durand était lui-même devenu mythique. Découvrir enfin cette contribution majeure permet de saisir une pensée complexe sur les mythes antiques, la manière dont ils s’énoncent et se construisent.

 

L’échelle de la révolution

L’anarchiste Gustav Landauer voulait changer la société à mesure humaine. L’ouvrage qu’Anatole Lucet lui consacre redonne la mesure de la pensée d’une théorie de la rupture qui s’éprouve dans chaque expérience collective pour un socialisme affranchi de l’État.
Robert Bober, Il y a quand même dans la rue des gens qui passent
Robert Bober avec Elen, qui deviendra sa femme (Paris, 1949)(Détail) © Robert Bober/P.O.L

Dis, quand te souviendras-tu ? 

Il y a quand même dans la rue des gens qui passent résonne comme une chanson de Barbara, tendre et un peu mélancolique. Le nouveau livre de Robert Bober est un magnifique récit d’aventures intimes qui retisse les bribes du passé, affronte sa violence et célèbre la force de vivre.
Journal de travail. De Villeurbanne à Nanterre, tome V, 1977-1988 (Détail) © Actes Sud
« Journal de travail. De Villeurbanne à Nanterre, tome V, 1977-1988 », Patrick Chéreau (Détail) © Actes Sud

Chéreau : lutter contre les trolls de l’âme

Avec le cinquième tome du Journal de travail – 1977-1988 de Patrice Chéreau, nous continuons de plonger dans l’univers intérieur d’un grand créateur. Et c’est toujours aussi passionnant ! De Judith Therpauve à Hamlet, nous découvrons, au plus près, dans le pli de ses notes, dans le quotidien de l’artiste, la conception d’un théâtre militant qui s’éprouve et une décennie véritablement charnière.
Jean-François Beauchemin, Archives de la joie – Petit traité de métaphysique animale Le vent léger
Lanternes de papier © CC BY 2.0/Patrick Lordan/Flickr

Prendre la joie au sérieux

Lire l’écrivain québécois Jean-François Beauchemin est un vrai bonheur. Ses deux livres – Le vent léger et Archives de la joie – nous lavent littéralement de la laideur et de la peur, de l’égoïsme et de l’aveuglement. Étonnants, ils font de nous des êtres neufs, prêts à continuer à aimer le monde en y décelant chaque bribe de beauté.
Alain Freudiger Arpenté
Sans titre © Hugo Pradelle

L’extase du pays natal

Dans Arpenté, Alain Freudiger raconte les territoires minuscules de son enfance. Avec une grande économie de moyens, il explore une géographie fondatrice, les expériences qui y prennent corps et confie l’illumination de la découverte de soi-même, de ses origines, de ses limites. Il se dégage de ce récit précis et touchant une sorte d’extase et de jouissance à être, tout simplement. 

Joyaux de la littérature yiddish

En attendant Nadeau suit depuis longtemps les parutions traduites du yiddish, pour montrer la vitalité littéraire de cette langue d’écriture. D’un roman de chevalerie du XVIᵉ siècle à des poèmes des années 1930, nous faisons deux belles découvertes à travers quatre siècles.
Elia Levita, Le chevalier Paris et la princesse Vienne
« Le chevalier Paris et la princesse Vienne » © L’antilope

Un roman de chevalerie de la Renaissance en yiddish

Arnaud Bikard réussit la prouesse de restituer en alexandrins un texte écrit en yiddish ancien du XVIᵉ siècle : les aventures du chevalier Paris et de la princesse Vienne, directement inspirées de l’Arioste.
"Figures du jour & Mannequins", Debora Vogel (Détail) © La Barque
« Fille dans un rocker », Henry Lyman Sayen (1917-1918) ©CC BY 4.0/Rawpixel Ltd/Flickr

Pour qui écrire en yiddish ?

La traduction de deux recueils poétiques de Debora Vogel est porteuse d’un véritable mystère. Pourquoi cette philosophe et critique polonaise, polyglotte, proche du peintre et écrivain Bruno Schulz, et ici poète, a-t-elle finalement choisi d’écrire en yiddish ?
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Il ne faut rien dire de Marielle Hubert
Une femme à la fenêtre © Jean-Luc Bertini

Une histoire qui tienne enfin debout

Il ne faut rien dire, le deuxième récit de Marielle Hubert est l’un des plus forts de la rentrée littéraire hivernale. On y découvre une voix, une manière de considérer la mémoire, la filiation, les violences et les fantômes qui nous hantent. Un texte d’une lucidité implacable dont l’audace narrative impressionne. 
Phœbe Hadjimarkos Clarke, Aliène.
La bête © Jean-Luc Bertini

Demain les bêtes ?

Entre comique et drame, Aliène, deuxième roman de Phœbe Hadjimarkos Clarke, situe nos incertitudes contemporaines entre le comique et le drame. Dans ce roman faussement campagnard, on trouve une chienne clonée et des extraterrestres pourchassant des chasseurs… et la réussite de la fiction sociale

Emmanuelle Tornero Une femme entre dans le champs
Poussette fantôme © CC BY 2.0/Simone Ramella/Flickr

À un enfant, le royaume

Le premier roman d’Emmanuelle Tornero, Une femme entre dans le champ, envisage la maternité autrement, nous entraînant dans l’errance d’une mère partie à pied sur les routes avec son enfant. Il étonne à la fois par un sens très ouvert de la composition, la vision et les idées qu’il propose et, surtout, par la très grande beauté de son écriture.

Les structures fondamentales des sociétés humaines Bernard Lahire
La foule © Jean-Luc Bertini

Fonder l’unité des sciences sociales

Avec Les structures fondamentales des sociétés humaines, il s’agit tout simplement pour Bernard Lahire de tenir compte des enseignements de l’histoire des sciences pour renouveler la sociologie. Son livre magistral, qui suscitera des controverses, constitue une étape décisive dans la compréhension de ce que nous sommes.
Sophie Divry, Fantastique histoire d’amour
« Cristal bleu, Musée Swarovski » © CC BY 2.0/Shadowgate/Flickr

À la poursuite du cristal bleu

Dans Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry propose un épais roman qui mêle les codes de plusieurs genres. Elle tente aussi de marier le réalisme et le fantastique, un choix formel qui apporte une touche étrange, comme distanciée, à ce texte par ailleurs empreint de poésie.

Les espoirs du désastre

Lire le livre porté par le collectif Out of the Woods, comme ceux du sous-commandant Marcos ou de Georges Lapierre, nous obligent à considérer avec lucidité la catastrophe devant nous et à penser des moyens collectifs pour éviter le désastre

Joseph Roth, l’éternel crépuscule

Sous le titre d’ensemble La marche de Radetzky, un volume rassemble les nouvelles traductions de sept romans de Joseph Roth. L’occasion de redécouvrir des livres qui, à l’instar de ceux de Robert Musil ou de Stefan Zweig, n’en finissent pas d’explorer le naufrage de l’empire austro-hongrois. Mais aussi de s’interroger sur son chef-d’œuvre dont les qualités littéraires réclamaient une retraduction fluide et énergique.

Fantôme en scène

An Irish Story, le spectacle seule en scène qu’écrit et interprète Kelly Rivière, constitue une performance à tout point de vues. Un fascinant jeu de miroirs sublimé par une interprétation virtuose qui révèle les fantômes d’une vie et explore une existence portée par le théâtre. 
Consultez le premier volet du numéro :