190

Journal de la littérature, des idées et des arts 24/01 – 06/02 2024

En attendant Nadeau

Trois femmes dans la vie de Vincent Van Gogh Mika Biermann
« Souvenir du Jardin a Etten (Femmes d’Arles) », Vincent Van Gogh (1888) © Domaine public

Concentrations de Vincent

Après Cézanne et Berthe Morisot, Mika Biermann poursuit avec Trois femmes dans la vie de Vincent Van Gogh sa série de courts romans sur les peintres de la fin du XIXe siècle. Avec une grande originalité, il dépasse les clichés, trouve des moyens pour parler sans artifices de la peinture et d’un artiste. Son bref récit, très audacieux, parvient à toucher au nu de la création et à la joie de l’art.

Éditorial

Plusieurs vies

Et si les récits nous faisaient vivre plusieurs vies ? Et si notre vie s’enflammait à condition d’être racontée d’une manière qui la démultiplie, l’augmente, la prolonge, accepte les contradictions et les simultanéités ? La double lecture que propose En attendant Nadeau de Vivre dans le feu, ultime livre signé Antoine Volodine, va dans ce sens.

Sommaire

Terrance Hayes
Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
par Claude Grimal
Donika Kelly
Bestiaire
par Claude Grimal
Martin Heidegger | Histoire de la philosophie. De Thomas d’Aquin à Kant.
Vitrail représentant John Duns Scot ( Couvent des Franciscains , Paris 14ᵉ arr.)© CC BY-SA 3.0/GFreihalter/WikiCommons

Heidegger « historien »

Le cours qu’a dispensé Heidegger à Marbourg durant l’hiver 1926-1927 était consacré à l’histoire de la philosophie de saint Thomas à Kant. À travers cet enseignement, Heidegger montre que l’histoire de la philosophie, loin d’en être un simple appendice, fait partie intégrante de la philosophie elle-même.
André Beucler Vu d’Allemagne. Reportages 1931-1939
« Merz 458 Wriedt » de Kurt Schwitters, Collage (1922). Les œuvres de Schwitters ont commencé à être incluses dans l’exposition itinérante « Entartete Kunst » (Art dégénéré) organisée par le parti nazi à partir de 1933 © Domaine public

Un écrivain français chez les nazis

André Beucler, auteur quasi oublié du roman Gueule d’amour adapté avec Gabin au cinéma, a été l’un des intellectuels et journalistes les plus important des années 30. Dans le contexte actuel, il semble plus qu’utile de lire ses textes d’une véritable lucidité sur une Allemagne qui s’enfonce peu à peu dans le totalitarisme nazi. 
HOMMAGE
De la pierre à l’âme : comment Malaurie devint Malaurie
Jean Malaurie à côté du bateau hydrographique soviétique, au large d’Ouélen, durant son expédition en Tchoukotka (août 1990) © CC3.0/Terre Humaine

Comment Malaurie devint Malaurie

Jean Maulaurie (1922-2024), l’un des ethnologues et géographes français les plus connus, vient de mourir à plus de cent ans. Spécialiste du Grand Nord, explorateur, éditeur, il avait fondé et dirigé la célèbre collection d’anthropologie « Terre humaine » et la revue Inter-Nord. Nous republions, pour lui rendre hommage, un article sur De la pierre à l’âme, son livre-testament paru il y a un an.

Remigiusz Ryzinski Foucault à Varsovie
Varsovie, la place des Défilés (Plac Defilad) vue depuis le sommet du palais de la Culture et des Sciences © CC BY-SA 2.0/keriluamox/Flickr

Dans la marge d’une biographie

En cherchant pourquoi Michel Foucault a dû quitter précipitamment son poste à Varsovie, Remigiusz Ruzinski offre un tableau documenté et passionnant de la vie homosexuelle et de sa répression dans la Pologne communiste.
François Jonquet  De plomb et d'or
« La traversée de la vie », Christian Boltanski (Musée national des Beaux-Arts de Buenos Aires, 2017) © CC BY-SA 2.0/ Soledad Amarilla / Ministerio de Cultura de la Nación/ Flickr

Histoire d’une trahison

Porté par une écriture d’une grande liberté, De plomb et d’or de François Jonquet parle d’art et d’artistes. C’est à la fois un portrait magistral de Christian Boltanski hissé au rang d’idole et une satire très réussie des milieux de l’art contemporain. 
Dorena Caroli, L'illustration jeunesse russe
« La Journée internationale de la jeunesse » (Mjud. Stihi dlja detej), de Vladimir V. Maïakovski. Illustr. et couverture de V. Ivanova (Moscou, Leningrad, Gosizdat., 1930) (Détail) © Fonds patrimonial Heure Joyeuse, médiathèque Françoise Sagan, Paris

Lectures de jeunesse soviétiques

L’une des premières tâches du régime soviétique fut l’alphabétisation. La réforme scolaire débuta en septembre 1918 et avait pour objectif la diffusion massive de la lecture dans toutes les couches de la société. Le livre de jeunesse fait partie du projet, comme nous le rappelle le bel ouvrage de l’historienne italienne Dorena Caroli.

Musil ou l’art de la distance

L’œuvre romanesque de Robert Musil oblige à penser. Âpre et ardue, profondément ironique, elle nous oblige à des lectures diverses. Les espaces infinis de la fiction y accueillent à la fois une pensée de soi, une démarche spéculative, une réflexion sur la forme du récit et de l’essai, sur la vérité, mais aussi une lucidité politique, une distance profondément nécessaire. Un essai posthume de Jacques Bouveresse et une nouvelle traduction de son premier roman donnent l’occasion idéale de s’y replonger.
Portrait de Robert Musil pour Le songe est une vie : Robert Musil, l'écriture et le féminin, Marie-Anne Lescourret
Robert Musil (1930) © CC0/Wikimedia

Bouveresse, Musil et la philosophie

Dans La passion de l’exactitude, essai posthume issu de conférences données en 2008 et 2010, Jacques Bouveresse se plonge dans l’œuvre de Robert Musil. À la lecture de ce texte vif et passionnant, on ne peut s’empêcher de penser qu’il formule, à travers le prisme du grand romancier autrichien, ses propres diagnostics sur son époque.
Les Égarements de l’élève Törless Robert Musil
« Le jeune Törless », Kazimierz Krolikowski, (1967) © Domaine public

Un nouveau Törless

Sous le titre Les égarements de l’élève Törless paraît une nouvelle traduction, due à Dominique Tassel, du célèbre roman de Robert Musil. Sa tension narrative tient au rapport entre le geste destructeur de son auteur et la construction d’un conte philosophique et spéculatif.
Jabbour Douaihy, Il y avait du poison dans l’air.
Ancienne maison ottomane (Beyrouth) © D.R.

Chronique d’une disparition

Il y avait du poison dans l’air, qui s’achève sur l’explosion du port de Beyrouth en 2020, est sans doute le plus beau roman de Jabbour Douaihy, disparu quelques mois après. Il s’y entend une déclaration d’amour à ses lieux fondateurs, à la vie qui le quittait et s’y porte un regard lucide sur la situation dramatique de son pays.
Avec les fées", Sylvain Tesson
Pointe du Raz, Douarnenez (France) © Domaine public

Comment (encore) lire Sylvain Tesson ?

Au-delà de la polémique qui entoure le parrainage par Sylvain Tesson du « Printemps des poètes », on peut se rendre compte de ce qu’écrit Sylvain Tesson en le lisant. Ambitieux d’exprimer les solitudes essentielles et la grandeur de la nature, il ne le fait quasiment que sous forme de clichés faciles. 
Antonio Ungar, Eva et les bêtes sauvages
« Reflet d’une forêt dans l’eau » (Inírida, Colombie) © CC BY-SA 2.0/AA Lombana-Bermudez/Flickr

La guerre dans la forêt

Inspiré d’un fait réel, magistralement composé, Eva et les bêtes sauvages d’Antonio Ungar est un roman de guerre presque paradoxal. Avec une grande liberté, entre chronique et fable, l’écrivain y assume le passage par la fiction pour parler du réel et de la violence de la Colombie de ces dernières décennies.

Sebald par Lupa

C’est peu dire que le spectacle imaginé par le célèbre metteur en scène polonais Krystian Lupa à partir des Émigrants de W. G. Sebald était attendu. Ambitieux, dense, éprouvant, c’est un moment de théâtre intense dont EaN vous propose deux lectures.

Des machines intelligentes ? 

Le mathématicien et philosophe Daniel Andler admet que l’intelligence artificielle est certes la mutation technoscientifique la plus importante de l’époque récente. Mais il affirme que son nom est usurpé : elle ne sera jamais réellement intelligente ! Un livre rassurant dans un contexte d’emballement médiatique irrationnel.

L’esprit divan du lieu

Seize psychanalystes ouvrent les portes de leurs cabinets à Michel Gad Wolkowicz et au photographe Shlomo Israël. On y découvre ainsi les lieux où ils exercent, les objets qui les entourent, une étrangeté, jusqu’à y entendre que, parfois, l’esprit du lieu peut devenir le lieu de l’esprit.
Contribuez à l’indépendance de notre espace critique
Toni Morrison Beloved
Fresque murale, portrait de Toni Morrison (Pays basque, Espagne) © Domaine public

Relire Beloved

Pour En attendant Nadeau, Mohamed Mbougar Sarr a relu Beloved de Toni Morrison, dans sa nouvelle traduction par Jakuta Alikavazovic. Comment cette nouvelle interprétation change-t-elle l’un des plus célèbres romans états-uniens du XXe siècle ? D’où vient le sentiment de faire face, de phrase en phrase, à une densité qui surprend tant le lecteur ? Et que nous fait-il ressentir de Toni Morrison aujourd’hui ? L’auteur de La plus secrète mémoire des hommes (prix Goncourt 2021) mène l’enquête.
J.M.G. Le Clézio Identité nomade
Station de bus à Lagos (Nigeria) © CC-BY-SA-4.0/Factual Evolution Media/WikiCommons

Retour vers le réel

À la lecture d’Identité nomade, on est décontenancé de voir J. M. G. Le Clézio exhiber ce qui, dans sa vie réelle, l’a incité à écrire ses romans. Une démarche surprenante qui fait penser à un prestidigitateur qui dévoilerait ses trucs. Et puis, bien sûr, on comprend que tout autre chose est en jeu. 
Antoine Volodine Vivre dans le feu
Antoine Volodine © Jean-Luc Bertini

Les débuts de la fin

Parmi la palette d’émotions offertes par la quarantaine de livres classés sous le nom du « post-exotisme » depuis le premier il y a quarante ans, celle qui provient de Vivre dans le feu est toute particulière. Plus encore que les autres, ce roman, présenté comme le dernier d’Antoine Volodine, traite de la fin d’une histoire et d’une vie. Et pourtant, il est entièrement tourné vers une initiation, c’est-à-dire un début. Si l’œuvre signée Volodine s’arrête, celle du post-exotisme continue.
Antoine Volodine Vivre dans le feu
Midsummer (Lappeenranta, Finlande) © CC-BY-SA-3.0/Petritap/WikiCommons

Par où point le brasier

Le feu, tel que le conçoit Antoine Volodine dans son dernier roman, nous tient en haleine et nous fascine : il représente un aspect important de ce qui nous arrive dans un monde qui a malheureusement toutes les chances de s’embraser encore davantage. 
Greg Dening, Le Bounty. Passions, pouvoir, théâtre : histoire d’une mutinerie
Fletcher Christian et les mutins abandonnent à la dérive le capitaine William Bligh et 18 marins qui lui étaient restés loyaux le 28 avril 1789, de Robert Dodd (1790) © Domaine public

Sous les planches aussi, la plage

Plusieurs fois mise en scène et en récit, la révolte du Bounty semble emblématique de l’exploitation violente qui sévit au sein des marines européennes au dix-huitième siècle. Trois ouvrages récents illustrent l’intérêt que suscitent mutins et autres « damnés de la mer » dans l’actualité éditoriale.
Richard Glazar, Derrière la clôture verte. Survivre à Treblinka
Nuage de fumée sur le site incendié lors de la révolte dans le centre d’extermination de Treblinka. (2 août 1943). Photographie de Franciszek Ząbecki, témoin oculaire de la révolte © Domaine public

Richard Glazar à Treblinka

Enfin traduit en français, Derrière la clôture verte. Survivre à Treblinka est un ouvrage essentiel pour comprendre le système d’extermination nazi. Le texte de Richard Glazar, témoin essentiel des procès de Treblinka et du Shoah de Lanzmann ouvre un espace de conscience morale pour les survivants.
Jean-Philippe Delhomme, Peindre devant soi
« Billboard Barneys New York » (L.A.), Jean-Philippe Delomme (1994) (Détail) © DR

Jean-Philippe Delhomme, les mots du peintre

Dans Studio Poems , un livre petit de taille et discret dans son propos, un livre drôle et friand de critiques mordantes, Jean-Philippe Delhomme entremêle les poèmes, les dessins et deux langues : l’anglais et le français.
"Dans la doublure", Philippe Longchamp © Images de Anne Brugni
« Dans la doublure », Philippe Longchamp © Images de Anne Brugni

Philippe Longchamp, les visions du poète

Les poèmes que Philippe Longchamp a réunis dans son nouveau recueil furent d’abord des lettres, accompagnées de vœux et adressées à des amis pour fêter l’année nouvelle. Et puis il a souhaité les offrir tous à un public plus large.

L’ange passe, le pasteur se promène

Ceux qui appartiennent au jour, le premier livre d’Emma Doude van Troostwijk ressemble à une nature morte. Elle y saisit, avec une grande acuité, des sortes de micro-scènes de l’existence d’une famille de pasteurs protestants. Un récit d’une maîtrise formelle impressionnante qui explore à la fois la mémoire, l’oubli et les mots mêmes qui les expriment. 

Trouver ses propres mots

Il aura fallu trente ans à Beata Umubyeyi Mairesse pour parvenir à raconter comment elle a pu survivre au génocide des Tutsis en 1994. Avec Le convoi, elle trouve une forme qui lui permet de raconter son expérience et de se réapproprier son passé.

Enquête critique sur l’exil

Entre 2019 et 2023, la sociologue Anne-Claire Defossez et l’anthropologue Didier Fassin ont adopté pour terrain de leurs recherches la frontière franco-italienne dans le Briançonnais. À l’issue de leur enquête fouillée, ils sont parvenus à une indéniable objectivation des faits qui semble urgente.
Consultez le premier volet du numéro :