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Journal de la littérature, des idées et des arts 06/09 – 19/09 2023

En attendant Nadeau

Pierre Singaravélou, Colonisations. Notre histoire - Baya
Gouache de Baya exposée à l’Institut du monde arabe de Paris en 2022 ©CC BY-SA 4.0/Bruno Barral/WikiCommons

La colonisation, au passé et au présent

La colonisation fait partie du passé mais aussi du présent de la France. C’est de ce constat qu’est parti l’historien Pierre Singaravélou, qui a réuni de très nombreux chercheurs, mais aussi des romanciers et des artistes, pour construire une somme de près de mille pages qui fera date.

Éditorial

Formes résistantes

Lire et écrire ordonnent des situations – dans le monde, dans le temps, en soi-même. La littérature dérange le réel, dérange nos vies. C’est assurément ce que les textes et les expériences de certains écrivains, parmi les plus stimulants de cette rentrée littéraire étonnamment ouverte, affirment avec force. Que fais-je de moi-même, de mes expériences, de mon passé, de mes traumatismes, de mes sentiments, de mon identité ? Quels moyens ai-je de contourner l’évidence du témoignage univoque ou des questions qui agitent le landerneau contemporain ?

Sommaire

Chloé Delaume
Pauvre folle
par Feya Dervitsiotis
Neige Sinno
Triste Tigre
par Jeanne Bacharach
LECTURE DU JOUR
Adelheid Duvanel | La maison disparue. Hedwig Dohm
Adelheid Duvanel © Norma Hodel

Sorties de l’ombre

Bien des noms d’écrivaines sortent actuellement de l’ombre. C’est le cas de deux autrices de langue allemande que l’on redécouvre avec un grand intérêt : Hedwig Dohm, pionnière du droit de vote, et Adelheid Duvanel, impressionnante par la force et la poésie douloureuse de son œuvre.

Yamina Benahmed Daho La source des fantômes
Machine à coudre © CC BY 2.0/Frédérique Voisin-Demery/Flickr

Les nuances du gris

La source des fantômes, de Yamina Benahmed Daho, commence dans les années 1980 pour s’achever de nos jours. C’est le moment des espoirs, des illusions liées à l’accession de François Mitterrand au pouvoir. Et c’est un roman qui rend leur dignité à des êtres dépourvus d’histoire.
"The Lima Mural Project" Portrait huaco , Gabriela Wiener
« The Lima Mural Project » ©CC BY 2.0/F Delventhal/Flickr

Tout montrer

« Il faut tout montrer » : telle est l’injonction qui guide l’écrivaine péruvienne Gabriela Wiener. Et c’est bien ce qu’elle fait, presque compulsivement, dans son premier roman, Portrait huaco. Connue notamment pour ses incursions dans le journalisme gonzo et ses performances, elle se place ici, à nouveau, au centre de son récit afin de prolonger ses investigations autour du moi.

Nat Love | Cow-boy noir. Une autobiographie Portrait
Nat Love © Anacharsis

Le cow-boy retrouvé

Dans son autobiographie, le cow-boy Nat Love, ancien esclave, s’invente une vie par l’écriture et parvient à faire des différents moments de sa vie un récit unique, presque cohérent, qui le conduit de l’archaïsme à la modernité.
Debora Levyh, la version,
« Pathways » ©CC BY 2.0/Peter Shanks/Flickr

Une autre façon de vivre

Dans son premier roman, empreint d’une grande sensibilité, Debora Levyh imagine une autre façon de vivre, et donc de penser. Elle fait l’éloge de l’énigmatique qui naît au contact de ce que nous ne connaissons pas.

Photo Bertini Pour l'amour de bégeaudeau
© Jean-Luc Bertini

Deux cœurs simples : entretien avec François Bégaudeau

Dans son nouveau livre, François Bégaudeau décrit un demi-siècle d’amour vécu par deux « cœurs simples », Jeanne et Jacques. L’auteur de Jouer juste et d’Entre les murs explique à EaN son projet atypique qui inscrit la description amoureuse dans le monde matériel et social et l’envisage en dehors de la psychologie ou du commentaire sentimental.

Anni Kytömäki | Gorge d'or
« Swan Lake » de G. Steiner et J. Lenzlinger (Helsinki, Finlande)© CC BY 2.0/Jean-Pierre Dalbéra/Flickr

Liberté dans la forêt

Gorge d’or, le premier roman d’Anni Kytömäki est une révélation. Un roman puissant à l’écriture à la fois simple et précise, lyrique et hypnotique, qui conduit jusqu’à une intensité incroyable les sentiments des personnages. Habité par la nature et l’histoire de la Finlande, il témoigne d’un art romanesque impressionnant qui ne cède rien à l’émotion.

Le père, le fils et la photographie

Avec Ils restent, le photographe Éric Courtet et l’écrivaine Marie-Hélène Lafon proposent un ensemble d’images et de textes d’une grande justesse qui évoque ce qui se noue, ou pas, entre un père et un fils. Une galerie de portraits « duels » qui dit aussi bien la violence que la tendresse, la ressemblance toujours perdue et toujours retrouvée.

Exofiction wagnérienne

Dans une exofiction gigogne post-Black Lives Matter, Roland Brival revisite la fin de la vie de Richard Wagner en imaginant à ses côtés un valet antillais à qui le compositeur dicte des carnets de confessions. Une expérience ouverte, sophistiquée et pour tout dire jubilatoire.

Une histoire romaine Dalembert rome voix italienne
Brouillard sur la Via Appia © CC BY-SA 2.0/Carlo « Granchius » Bonini/Flickr

Le roman italien d’un romancier français

Les amateurs de littérature italienne auront la joie de découvrir cet automne un nouveau romancier italien, l’écrivain français Louis-Philippe Dalembert. Fin connaisseur et amoureux de Rome, il fait de son nouveau livre un triptyque d’une subtilité qui s’inscrit dans la tradition d’une « littérature française italienne ».

Portrait de Emily St. John Mandel La mer de la tranquillité
Emily St. John Mandel © Jean-Luc Bertini

« Un livre délirant » : entretien avec Emily St. John Mandel

La mer de la tranquillité d’Emily St. John Mandel oscille entre science-fiction et autofiction avec une grande virtuosité. Roman profus, hanté par les angoisses contemporaines, il semble mettre la vie et le travail de l’écrivaine en abyme. EaN a pu l’interroger sur la genèse et la portée de ce sixième roman.

L’histoire de Lotus

Fille d’Haïti est le premier livre de Marie Vieux-Chauvet (1916-1973). Il a révélé d’emblée son talent d’écrivaine et annonce une écriture incandescente qui atteindra son apogée en 1968 avec le célèbre Amour, colère et folie. Un roman aux allures d’autofiction qui marque un tournant dans la littérature haïtienne.

Dominer et désobéir

On ne peut que se réjouir de voir, dans un contexte de relations franco-algériennes erratiques où le revivalisme de rentes mémorielles obscurcit l’Histoire, se multiplier ces dernières années un nombre important d’ouvrages sur l’histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Trois ouvrages très différents en témoignent aujourd’hui.

La voix de Louise Bodin

La réédition de Louise Bodin. La bolchevique aux bijoux, de Louise Cosnier, remet en lumière une intéressante personnalité du féminisme et de la gauche du premier quart du vingtième siècle, une femme animée par le désir de changer le monde.
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Portrait Vassili Golovanov
Vassili Golovanov © Jean-Luc Bertini

Le jeune homme et la mer

Le dernier livre de Vassili Golovanov, disparu en 2021, est le récit d’un voyage en Azerbaïdjan qui tisse des liens entre le passé et le présent, entre les morts et les vivants, entre la Russie et l’Orient. Il débute dans le réel pour caresser ensuite le songe romanesque.

Neige Sinno Triste tigre
Abstract © CC BY 2.0/Bart Everson/Flickr

Neige Sinno : « Comment écrire à sa place ? » 

Triste Tigre s’impose d’évidence comme l’une des lectures importantes de cette rentrée littéraire. Neige Sinno tire de son expérience de victime d’inceste, demeurée longtemps indicible mais enfin écrite, un livre hanté par les gouffres et dont la complexité procure une expérience de lecture impressionnante. Un récit ambivalent, composite et fragmenté qui met la littérature, les textes, au cœur de l’expérience traumatique et admet ne pas avoir de solution.

Schéma 12 Charly Delwart | Que ferais-je à ma place ?
« Schéma 12 » dans « Que ferais-je à ma place ? », de Charly Delwart © Flammarion

La vie spéculative

Sous les dehors d’un « questionnaire existentiel » ludique d’une grande drôlerie, Charly Delwart parvient, comme dans  Databiographie paru en 2019, à interroger nos existences, la manière dont on les conçoit et ce que veut dire et implique parler de soi aujourd’hui. Un livre original, nettement plus profond qu’il n’y paraît, et par moments vertigineux.

Colonie pénitentiaire de Belle-île pour l'enragé
Carte postale de la colonie pénitentiaire Haute-Boulogne de Belle-Ile – Le salut au drapeau © CC0/WikiCommons

Portrait d’un insurgé

En choisissant de rendre compte par la fiction de la mutinerie de 1934 à la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer, Sorj Chalandon poursuit son travail romanesque sur l’histoire contemporaine. Il a seulement le tort de vouloir faire aussi de son roman une fresque des années 1930.
Alain Pacadis pour Paradis Face B de Salles
Alain Pacadis © CC BY 2.0/Christopher Dombres/WikiCommons

La rage de vivre

Alain Pacadis. Face B, premier roman de Charles Salles, mêle le sordide au tragique, brise des codes, défait des préventions. Il a pour héros cette figure très parisienne des années 1970, une époque où tout semblait possible avec de l’audace et le goût de la provocation.
Portrait de Chloé Delaume
Chloé Delaume © Jean-Luc Bertini

L’amour façon puzzle

L’autofiction appliquée à une vie de littérature, est-ce encore de l’autofiction ? Pour raconter un amour contemporain, Pauvre folle, le nouveau roman de Chloé Delaume conjugue voix narrative, poétique, d’essayiste, et se fie à la seule magie du Verbe. En résulte un objet total, dont les multiples facettes font miroiter tantôt le réel, tantôt la fiction.

Dans le nid d’un Pulitzer : entretien avec Hernán Diaz

Trust, de Hernán Diaz, a reçu le prix Pulitzer 2023. C’est le deuxième succès pour l’auteur, dont le premier roman, Au loin (traduit par Christine Barbaste, La Croisée, 2018), fut finaliste pour la même récompense. Né en Argentine et éditeur du journal Revista Hispanica Moderna. EaN a pu s’entretenir avec lui lors de son passage à Paris pour discuter de sa vision de la littérature américaine, de sa dette envers Borges et de son amour de la langue anglaise.

Survivre à la collaboration

Avec La propagandiste, premier roman de l’historienne Cécile Desprairies, le lecteur entre dans un univers étrange mais terriblement réel : celui d’une famille de collaborateurs qui, jusqu’au début du XXIe siècle, restera figée dans un temps impossible à dépasser.

Le mal et l’animal

Dans son nouveau roman, Jean Hatzfeld poursuit son questionnement sur l’homme et sa soif d’anéantissement. Il est question dans Tu la retrouveras de la fin du siège de Budapest en 1944, prise en tenaille entre la domination nazie et les opérations d’encerclement de l’Armée rouge. Au milieu de cette pluie d’obus et de massacres, un zoo à l’abandon réenchante l’existence de deux fillettes qui y trouvent refuge et consolation, Sheindel la Juive et Izeta la Tzigane.
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