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JOURNAL DE LA LITTÉRATURE, DES IDÉES ET DES ARTS 20/09 – 03/10 2023

En attendant Nadeau

Yoko Tawada Bolaño
Yoko Tawada © Jean-Luc Bertini

Le Questionnaire de Bolaño : Yoko Tawada

En attendant Nadeau poursuit son « Questionnaire de Bolaño », du nom du dernier entretien donné par l’écrivain chilien à la veille de sa mort. Après Enrique Vila-Matas, Jakuta Alikavozic et Pierre Senges, c’est au tour de Yoko Tawada, dont l’œuvre passe de l’allemand au japonais, d’y être invitée.

Éditorial

Nos sensibilités

A la recherche de points de vue plus justes et plus divers que le sien, l’écrivain québécois et goncourable Kevin Lambert, critiqué par son collègue français et goncourisé Nicolas Mathieu, a sollicité des regards extérieurs pour relire son livre Que notre joie demeure. Une telle pratique, courante, a moins à voir avec la censure qu’avec l’art du romancier. Si l’opération critique qu’il mène sur le capitalisme et l’urbanisme réussit aussi bien, c’est parce que Kevin Lambert appuie son imaginaire sur une rigueur documentaire qui lui donne les armes du crédible. Mais c

Sommaire

Le vif de l’art : Oiron et Fontevraud 
par Paul Bernard-Nouraud
Mathias Enard 
Déserter
par Sébastien Omont
Sylvain Prudhomme, l'enfant dans le taxi
Sunset child © CC BY-SA 2.0/Efrén/Flickr

Un amour et un secret

Le nouveau roman de Sylvain Prudhomme, L’enfant dans le taxi, est un récit d’une beauté simple et lumineuse dans lequel il est question de la fin d’un amour et de la révélation d’un secret de famille, deux événements qui ne sont liés que par la manière dont le narrateur les entrelace.
Claro | Tout autre chose.
« Unhappy door », Paréidolie © CC BY-SA 2.0/Iban Martinez/Fliickr

Une chose amenant l’autre

Dans son nouveau recueil Tout autre chose, Claro s’attaque aux objets familiers. S’il les plonge dans un bain d’acide caustique, ce n’est pas pour les rendre inopérants mais pour leur redonner tout le tranchant et toute l’agressivité dont ils sont capables.
Rachid Bezine, Le silence des pères
« Father and son » ©CC BY-SA 2.0/Steven sim/Flickr

Les transmissions interrompues

Avec Les silences des pères , Rachid Benzine a choisi de parler des silences, ces non-dits qui ont éloigné le narrateur de son père, mais aussi ceux dans lesquels la société française se complait depuis le début des Trente Glorieuses en matière d’immigration.
Bachir Bashir, Goldberg Holocaust and Nakba
« Girl with Balloons », Banksy, Palestine Segregation Wall (2005) © CC BY 2.0/Sharon Mollerus/Flickr

Deux moments de la même histoire

Un ouvrage collectif, non traduit en français, met en relation les traumatismes que l’Holocauste et la Nakba ont respectivement infligés aux Juifs et aux Palestiniens. Ce travail exemplaire relance l’espoir qu’un dialogue puisse se poursuivre.
Franck Courtès | À pied d’œuvre.
« Cones » © CC BY-SA 2.0/debaird/Flickr

L’écriture crève-la-faim

Sans jamais s’apitoyer sur son sort, Franck Courtès raconte, dans À pied d’œuvre, sa vie d’écrivain très pauvre. C’est un livre courageux, écrit dans l’adversité du quotidien, de la fatigue, des souffrances. C’est un récit qui sait aussi se transformer parfois en brûlot
Portrait de Pinar Selek
Portrait de Pinar Selek © CC-BY-SA-3.0/ Streetpepper/Flickr

Pour Pinar Selek

Après quatre acquittements, un cinquième procès pour terrorisme de la sociologue et écrivaine turque Pinar Selek a repris à Istanbul, avant d’être renvoyé à juin 2024. Elle poursuit son combat, en publiant un essai courageux et incisif sur la fabrique de l’adhésion au système militaro-autoritaire, dont le service militaire est une étape cruciale.
Fabrice Langrognet | Voisins de passage. Une microhistoire des migrations. Préface de Nancy Green. La Découverte,
La Plaine Saint-Denis, rue Trézel. Carte postale Viard, 1919 © Archives municipales de Saint-Denis

La Plaine-Saint-Denis, mode d’emploi

Fabrice Langrognet s’est consacré à l’étude de l’histoire d’un immeuble de La Plaine-Saint-Denis, entre 1882 et 1932, faisant flèche de tout bois pour retrouver la moindre trace de ses habitants et pour éclairer ainsi, à partir d’un point d’observation inédit, l’histoire des migrations.
Nicolas Duvoux | L’avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classe sociales et patrimoine
« L’avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classe sociales et patrimoine », de Nicolas Duvoux (Détail) © PUF

Retrouver le sens des inégalités

Dans un contexte où les données économiques saturent le débat public sur les inégalités, l’ouvrage de Nicolas Duvoux offre une perspective originale et salutaire : il vient utilement rappeler que les différences sociales ne sauraient se réduire à des écarts de rémunération ou de patrimoine mais qu’elles engagent plus fondamentalement diverses capacités de se projeter dans le temps et de s’approprier l’avenir.
Jean-Philippe Toussaint, L'échiquier
Street art par Difuz Joker (Butte aux cailles) © Sirîne Poirier

Un roi à l’abri

Réflexion sur l’écriture, le nouveau roman de Jean-Philippe Toussaint est avant tout un récit autobiographique. Les soixante-quatre chapitres ou fragments qui le composent sont autant de déplacements des pièces noires ou blanches sur l’échiquier.
Laure Murat, Proust, roman familial
« Marcel Proust eats a frigopié at the Ritz » (May 1922) © Juan de la Rica

Proust double-face

Dans Proust, roman familial, Laure Murat ausculte la très haute aristocratie dont elle est issue à travers le prisme de La Recherche du temps perdu. En sublimant ce milieu tout en le rabaissant, l’œuvre de Proust l’a sauvée d’un enfermement douloureux et oppressant.
Randolph Stow | The Visitants
Décor d’une maison destinée au culte .Nord de la Nouvelle-Guinée, Maprik © CC-BY-2.0/Musée de Dahlem Berlin / WikiCommons

Les êtres sans contours

The Visitants est un roman polyphonique inspiré d’un voyage de l’auteur aux îles Trobriand, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les années 1950. Randolph Stow y évoque des événements qui mêlent des Australiens blancs et des Papous dans un récit étonnant. Le mot « visitants » du titre peut vouloir dire « visiteurs » aussi bien que « êtres surnaturels » : de quoi intriguer le lecteur !

La modernité comme problème

Les éditions Conférence publient un choix de 71 textes d’Augusto Del Noce (1910-1989), un philosophe italien trop peu connu en France, qui refusait de se dire antimoderne et voulait plutôt se placer au cœur de la modernité comme problème. Il s’intéressait particulièrement à Jules Lequier (1814-1862), dont l’ouvrage majeur a été récemment réédité.

Dans le même bateau 

Roman polyphonique, Vaisseau mère orchestre les trajectoires de personnages qui gravitent autour d’une maison-cabaret où l’on s’aime, où l’on crée, où l’on vit. Sarah Gourreau donne voix à des existences incertaines et des destins abîmés qui retrouvent de l’allant dans une pratique artistique queer et joyeuse.
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Antoine Wauters, Le plus court chemin Ardenne
Antoine Wauters © Verdier

Ardenne lointaine

Le plus court chemin, selon Antoine Wauters, c’est l’écriture. Une écriture précise et ductile, dense et vivace, qui nomme, désigne, sauve, et permet de revenir à l’essence même de l’enfance. Et même plus loin encore, au-delà ou en deçà des choses.
Nicole Lapierre, le plus menteur d'entre nous Portrait
« Transparence (Deux têtes) », Francis Picabia (1935) ©CC BY 2.0/Cea+/Flickr

Un créateur permanent  

Dans Le plus menteur d’entre nous, Nicole Lapierre se souvient d’un ami mort à l’âge de quarante-quatre ans, un être aimé de tous pour sa fantaisie, sa gentillesse et son charme. Un être que, pour mieux le comprendre, elle emmène dans la littérature en s’appuyant sur le prénom qu’il s’est attribué lui-même : Ulysses.
Ingo Schulze | De braves et honnêtes meurtriers
« Contenu Fermé Discutant Dans La Couleur Invisible », de Anouk Kruithof (2009) ©CC BY-NC-SA 2.0/Rémi de Valenciennes/Flickr

Bienvenue au Leseland

Le héros du nouveau roman d’Ingo Schulze, De braves et honnêtes meurtriers, dévore ce que d’autres ont écrit et ne fait confiance qu’aux livres. C’est aux lecteurs que le grand romancier de l’ex-RDA confie les clés du récit : il fait d’eux les seuls véritables gardiens de la littérature.
Allen S. Weiss, Guide anachronique de Kyoto,
Kyoto © Jean Luc Bertini

Entre deux jardins

L’écrivain américain Allen S. Weiss circule avec autant d’aisance entre les jardins à la française et ceux de Kyoto. Ses deux livres montrent l’érudition étourdissante et la fantaisie d’un esprit curieux de plusieurs cultures.
Mathias Enard | Déserter.
Mathias Enard © Jean-Luc Bertini

Europe furieuse

Déserter, le nouveau roman de Mathias Enard, d’une écriture somptueuse et poétique, alterne l’histoire d’un soldat en rupture d’une guerre contemporaine et celle d’un mathématicien allemand, de la montée du nazisme jusqu’à l’effondrement des États communistes.
Zeruya Shalev | Stupeur
Plage israélienne © CC BY-SA 2.0/Binary Koala/Flickr

Résignations israéliennes

À tout lecteur curieux de comprendre les tensions et contradictions de la société israélienne contemporaine, on ne saurait trop recommander la lecture de Stupeur. Impressionnant par sa maîtrise narrative, le nouveau livre de Zeruya Shalev – le sixième à être traduit en français – réussit à combiner récit intime et souffle historique.
Kevin Lambert | Que notre joie demeure.
Antwerp port house, Zaha Hadid © CC BY 2.0/Bobo Boom/Flickr

Le roman gentrifié

Solidement architecturé, le troisième roman de Kevin Lambert, Que notre joie demeure, substitue à la verve des deux précédents une fermeté narrative toute neuve. Il dresse le portrait d’une cheffe d’entreprise impitoyable qui est aussi une artiste tourmentée.
Aïcha Limbada, Nuit de noces
« Repos au lit », de James Abbott Mcneill Whistler (1884) © CC0/Art Gallery ErgsArt/Flickr

À la chute du lit

Aïcha Limbada examine la nuit de noces à la fin du XIXe siècle à travers le prisme des plaintes que ce moment tant attendu peut susciter ; elle étudie, en particulier, les recours exercés par des femmes devant les juridictions ecclésiastiques en vue d’annuler leur mariage.
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