188

Journal de la littérature, des idées et des arts 27/12 – 09/01

En attendant Nadeau

imre kertesz hommage
Imre Kertész © Jean-Luc Bertini

Imre Kertész : « Vivre et écrire le même roman »

Imre Kertész n’a pas remis en forme le cinquième volume de son Journal avant de mourir, en 2016. Pourtant, ses notes quotidiennes constituent un vrai livre. L’écrivain hongrois, prix Nobel 2002, fait toujours preuve de la même férocité à l’égard de lui-même que dans les autres volumes, mais aussi de la société post-communiste et de ce qu’il appelle « l’époque fasciste ».

Éditorial

Le métier de lire

Écrire, lire, chercher à comprendre, s’essayer à réagir aux événement, se connaître, se situer, revient à faire face à une urgence vitale. Les deux mercredis d’EaN s’ouvriront donc sur les Journaux de deux grands écrivains hongrois qui semblent y répondre : Sándor Márai et Imre Kertész. Tous deux expriment l’angoisse d’être, le déchirement du déracinement, les rapports entre l’Est et l’Ouest, la nécessité des lectures fondatrices, la manière d’affronter la disparition, de conserver des traces et d’organiser ce que l’on pense de soi-même. Deux lectures qui surtout rappellent l’extrême pouvoir de la vie et un certain devoir du bonheur.

Sommaire

Géraud-Christophe Michel Duroc, duc de Frioul
Correspondance du grand maréchal du palais de Napoléon Ier
par Maïté Bouyssy
Michel Orcel
Leopardi. Poésie, pensée, psyché
par Yves Lepesqueur
Le capitalisme au village (détail) © CNRS Editions
Le capitalisme au village (détail) © CNRS Editions

La rivière mutilée

Le capitalisme au village, de la politiste Doris Buu-Sao, analyse des combats environnementaux menés en Amérique du Sud. Il défait surtout notre imaginaire idéalisé des luttes indigènes ouvertes contre le capitalisme international. Il fait apparaître une autre réalité, plus lente, plus fastidieuse, plus quotidienne.
Álvaro Lapa, "Sans titre" Adorno
Álvaro Lapa, « Sans titre » © CC BY 2.0/Pedro Ribeiro Simões/Flickr

Adorno et la morale de Kant

La publication en français des cours que dispensa Adorno, vingt ans durant, à l’université de Francfort se poursuit. Cette année, paraît la transcription de ses Problèmes de la philosophie morale, ouvrage dans lequel Adorno se réfère essentiellement à Kant.
J. R. R. Tolkien biographie
J. R. R. Tolkien © Billett Potter, Oxford / Christian Bourgois

Tolkien, double fond

Humphrey Carpenter, seul biographe « autorisé » de J. R. R. Tolkien, sait s’effacer devant l’extraordinaire tohu-bohu de l’invention souveraine, délirante, d’une saga inouïe, par un petit monsieur « ordinaire » pour qui « l’imagination est tout ».

Couverture de "Cent vingt" de Léo Henry Hypermondes 31
Couverture de « Cent vingt » de Léo Henry © La Volte

Le refus glorieux de toute pureté

Entrelaçant allègrement les genres et les formes pour tracer des voies très personnelles, Léo Henry, Ray Nayler et Thomas Ligotti imposent de véritables univers et des écritures originales. Leurs livres démontrent, si besoin était, que l’imaginaire n’a rien à envier à la littérature blanche en termes de qualité et de puissance.

Terenci Moix Les derniers jours de Cléopâtre
« Masques égyptiens », Martiros Sarian (1911) © CC0/WikiCommons

Un roman culte du post-franquisme

Les derniers jours de Cléopâtre de Terenci Moix est un phénomène littéraire exceptionnel dans la littérature espagnole. Étrange péplum et pseudo roman historique situé dans l’Égypte antique, il a rencontré un immense succès dans l’Espagne qui sortait du franquisme. Comment lire cet étrange objet postmoderne aujourd’hui ?

Antonio Muñoz Molina Tes pas dans l'escalier
Antonio Muñoz Molina © Jean-Luc Bertini

L’archive des sentiments

C’est toujours un plaisir de lire Antonio Muñoz Molina, l’écrivain le plus célèbre et discret à la fois du roman espagnol.  Sur le mode mineur, Tes pas dans l’escalier questionne la mémoire, sa perte, la manière de les raconter. Un roman doucement crépusculaire comme peut l’être un ciel lisboète au-dessus du Tage

Graça Morais , "Metamorphoses of Humanity" (2018)
Graça Morais, « Metamorphoses of Humanity » (2018) © CC BY 2.0/Pedro Ribeiro Simões/Flickr

Quand le trans agite le transfert

Dans Devenirs trans de l’analyste, Nicolas Evzonas interroge la question trans à partir de la clinique. Il ne réduit pas le patient à un symptôme, pas plus qu’il ne renvoie le psychanalyste à une pratique dépassée. Il ne néglige pas non plus la dimension d’étrangeté qui peut surgir au détour d’une parole peu audible avec les concepts freudiens classiques.

Italo Calvino ou « le défi aux labyrinthes »

Alors que l’écrivain aurait eu 100 ans, son œuvre suscite une effervescence éditoriale remarquable. Une partie de sa correspondance paraît sous le beau titre du Métier d’écrire. En même temps, nous découvrons Les jeunes du Pô, un roman inédit, et des textes consacrés à la Ligurie. Exit le coup éditorial, ces livres éclairent vraiment une œuvre très variée et interrogent la manière dont nous pouvons la lire aujourd’hui.
Liguries Italo Calvino
Bussana en Ligurie (Italie) © Jean-Luc Bertini

Calvino inédit

Alors que l’on découvre un roman de jeunesse inédit d’Italo Calvino, un ensemble de textes rassemblés par Martin Rueff éclaire le lien fondamental de l’écrivain avec la Ligurie. Une manière passionnante de mettre l’œuvre en perspective et d’en redécouvrir la complexité et l’épaisseur.

Italo Calvino à bicyclette à Versilia en janvier 1970 Le Métier d'écrire
Italo Calvino à bicyclette à Versilia en janvier 1970 © CC0 1.0/ Wikipedia

La grande calvinerie

La correspondance d’Italo Calvino dessine la cartographie d’une personnalité, d’une œuvre et d’une époque. En s’y plongeant, on découvre son rapport vital à l’écriture, ses engagements, sa bibliothèque intérieure. Une lecture foisonnante qui vaut vraiment pour aujourd’hui.

Robert Delaunay, "Rythme", 1934Francis Perreau
Robert Delaunay, « Rythme », 1934 © CC0 1.0/Wikipedia

Comment devons-nous être ?

Dans Sphères d’injustice Bruno Perreau ambitionne une nouvelle théorie de la justice fondée sur la résonance des expériences minoritaires. Servi par une culture impressionnante, le philosophe propose une théorisation consistante, et intellectuellement séduisante, de nature à infléchir durablement les débats à venir sur la justice sociale.

Mystère du mystère

Au lieu de se focaliser sur la représentation, trop souvent à ses yeux l’unique objet de la recherche, l’historienne Marie Bouhaïk-Gironès s’attache à faire le récit de tout ce qui a entouré l’organisation d’un mystère en 1509 dans la ville de Romans-sur-Isère.

Pétaouchnok et alii

Si « Pétaouchnok » qui désigne un lieu perdu, un bout du monde, n’existe peut-être pas, il n’en est pas de même dans d’autres langues. Une géographie mentale qu’étudie, avec légèreté et érudition, Riccardo Ciavolella dans un atlas imaginaire savant et réjouissant.

La saga des Allemands juifs

La saga berlinoise de Gabriele Tergit parue en 1951, raconte l’histoire d’une famille juive depuis l’ère industrielle jusqu’au nazisme. Une lecture passionnante par ce qu’elle nous dit de l’histoire des identités alors que les idées racistes ressurgissent en Europe.

Contribuez à l’indépendance de notre espace critique
Violette Leduc ravages
Sappho © CC BY 2.0/Mark Morgan /Victoria and Albert Museum

Pour une histoire de la littérature lesbienne

La nouvelle édition de Ravages de Violette Leduc réintègre les passages qui manquaient à l’édition de 1955. Enfin complet, le roman gagne une dimension supplémentaire et ouvre la possibilité de faire enfin une histoire de la littérature lesbienne en France.

"Hiérarchie", de Emanuele Coccia (détail) © Rivages
Fond d’ange, « Diptyque de Melun », Jean Fouquet (1452) © CC0/WikiCommons

Hiérarchie céleste, hiérarchie terrestre

C’est à propos des anges que le mot « hiérarchie » a été inventé. C’est donc à partir d’eux que le philosophe Emanuele Coccia entreprend de penser les liens entre théologie et politique. Avec l’affirmation qu’elle porte au sujet des anges, l’Église professe une véritable théorie politique.

Une Histoire globale des révolutions, sous la direction de Ludivine Bantigny, Quentin Deluermoz, Boris Gobille, Laurent Jeanpierre, Eugénia Palieraki, Paris, La Découverte
Affiche « Freedom » © CC-BY-2.0/Miram Eldisawy/WikiCommons

Les révolutions dans l’Histoire   

C’est sans doute une fois refroidie, quasi décomposée, que l’idée de révolution a pu accomplir son ultime transformation : faire son entrée comme objet d’histoire. Paru cet automne, Une histoire globale des révolutions replace au centre la question révolutionnaire, à l’échelle internationale. Un volume collectif d’une grande richesse, organisé selon une logique de constellation et de traversée.

Sándor Márai Journal. Les années d’exil (1968-1989)
Statue de Sándor Márai © CC-BY-SA-3.0/Jan Starec/WikiCommons

Sándor Márai, la vie qui résiste

Lire le dernier tome du Journal de Sándor Márai revient à compagnonner avec l’un des grands écrivains hongrois du siècle dernier. On y découvre ses années d’exil entre Salerne et San Diego, sa vision du monde, ses idées, son travail et ses lectures fondamentales. On éprouve avec lui ses deuils, ses doutes, sa croyance en la force de la littérature et son enthousiasme pour la vie.

Lori Saint Martin, Pour qui je me prends
« Say it » ( Berlin, 2017) © CC BY 2.0/Ittmust/Flickr

Bifurcation francophone

Pour qui je me prends envisage l’abandon d’une langue pour une autre comme un geste profondément existentiel. L’écrivaine et traductrice québécoise Lori Saint-Martin raconte ainsi sa vie, son rapports aux origines, à partir de ce basculement linguistique fondateur. Une autobiographie atypique qui enthousiasme par sa liberté de ton et son originalité.

Caroline Deyns Murmur
« Murmure » © CC BY-SA 2.0/Daniel Mott/Flickr

Voix prisonnières

MURmur est un livre de voix. Caroline Deyns y déploie un long monologue innervé, étouffé par la rage, qui glisse vers des voix multiples. En adjoignant à un récit intime celui du procès de Bobigny en 1972 et la figure de Gisèle Halimi, elle entremêle sujet et collectif, idée et émotion. Elle trouve une forme littéraire pour dire les violences faites aux femmes et leur immense colère.

La question Camus

La virulence des critiques adressées à Oublier Camus d’Olivier Gloag interpelle : qu’y a-t-il dans ce livre qui dérange tant, en particulier à droite ? Pour le comprendre, En attendant Nadeau sollicite le point de vue d’Yves Ansel, qui a travaillé sur la postérité de Camus. S’il a tendance à noircir le tableau, le pamphlet d’Olivier Gloag a le mérite de montrer que Camus fut un écrivain colonial. Il faut y revenir pour comprendre la France contemporaine

Augmenter la réalité

L’artiste plasticienne Stéphanie Solinas n’est pas la première à voyager dans le grand Ouest américain. Mais elle ne se contente pas d’un récit fasciné devant l’aventure, la contre-culture ou l’innovation technologique. Dans son livre L’Être plus, elle en fait l’espace d’une réalité augmentée.

Paul Louis Rossi et le murmure du monde

Paul Louis Rossi est un artiste qui goûte le divers. À la fois poète, critique, peintre, il combine les gestes artistiques, les confronte les uns aux autres. Nous lui consacrons une livraison exceptionnelle de notre chronique « À l’écoute » qui rassemble des souvenirs et des lectures d’Yves di Manno, Anne Malaprade, Christian Rosset et Marie Joqueviel-Bourjea.

Consultez le premier volet du numéro :