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Journal de la littérature, des idées et des arts 27/12 – 09/01
En attendant Nadeau
Imre Kertész : « Vivre et écrire le même roman »
Imre Kertész n’a pas remis en forme le cinquième volume de son Journal avant de mourir, en 2016. Pourtant, ses notes quotidiennes constituent un vrai livre. L’écrivain hongrois, prix Nobel 2002, fait toujours preuve de la même férocité à l’égard de lui-même que dans les autres volumes, mais aussi de la société post-communiste et de ce qu’il appelle « l’époque fasciste ».
Éditorial
Le métier de lire
Sommaire
Correspondance du grand maréchal du palais de Napoléon Ier
par Maïté Bouyssy
Leopardi. Poésie, pensée, psyché
par Yves Lepesqueur
La rivière mutilée
Adorno et la morale de Kant
Tolkien, double fond
Humphrey Carpenter, seul biographe « autorisé » de J. R. R. Tolkien, sait s’effacer devant l’extraordinaire tohu-bohu de l’invention souveraine, délirante, d’une saga inouïe, par un petit monsieur « ordinaire » pour qui « l’imagination est tout ».
Le refus glorieux de toute pureté
Entrelaçant allègrement les genres et les formes pour tracer des voies très personnelles, Léo Henry, Ray Nayler et Thomas Ligotti imposent de véritables univers et des écritures originales. Leurs livres démontrent, si besoin était, que l’imaginaire n’a rien à envier à la littérature blanche en termes de qualité et de puissance.
Un roman culte du post-franquisme
Les derniers jours de Cléopâtre de Terenci Moix est un phénomène littéraire exceptionnel dans la littérature espagnole. Étrange péplum et pseudo roman historique situé dans l’Égypte antique, il a rencontré un immense succès dans l’Espagne qui sortait du franquisme. Comment lire cet étrange objet postmoderne aujourd’hui ?
L’archive des sentiments
C’est toujours un plaisir de lire Antonio Muñoz Molina, l’écrivain le plus célèbre et discret à la fois du roman espagnol. Sur le mode mineur, Tes pas dans l’escalier questionne la mémoire, sa perte, la manière de les raconter. Un roman doucement crépusculaire comme peut l’être un ciel lisboète au-dessus du Tage
Quand le trans agite le transfert
Dans Devenirs trans de l’analyste, Nicolas Evzonas interroge la question trans à partir de la clinique. Il ne réduit pas le patient à un symptôme, pas plus qu’il ne renvoie le psychanalyste à une pratique dépassée. Il ne néglige pas non plus la dimension d’étrangeté qui peut surgir au détour d’une parole peu audible avec les concepts freudiens classiques.
Alors que l’écrivain aurait eu 100 ans, son œuvre suscite une effervescence éditoriale remarquable. Une partie de sa correspondance paraît sous le beau titre du Métier d’écrire. En même temps, nous découvrons Les jeunes du Pô, un roman inédit, et des textes consacrés à la Ligurie. Exit le coup éditorial, ces livres éclairent vraiment une œuvre très variée et interrogent la manière dont nous pouvons la lire aujourd’hui.
Calvino inédit
Alors que l’on découvre un roman de jeunesse inédit d’Italo Calvino, un ensemble de textes rassemblés par Martin Rueff éclaire le lien fondamental de l’écrivain avec la Ligurie. Une manière passionnante de mettre l’œuvre en perspective et d’en redécouvrir la complexité et l’épaisseur.
La grande calvinerie
La correspondance d’Italo Calvino dessine la cartographie d’une personnalité, d’une œuvre et d’une époque. En s’y plongeant, on découvre son rapport vital à l’écriture, ses engagements, sa bibliothèque intérieure. Une lecture foisonnante qui vaut vraiment pour aujourd’hui.
Comment devons-nous être ?
Dans Sphères d’injustice Bruno Perreau ambitionne une nouvelle théorie de la justice fondée sur la résonance des expériences minoritaires. Servi par une culture impressionnante, le philosophe propose une théorisation consistante, et intellectuellement séduisante, de nature à infléchir durablement les débats à venir sur la justice sociale.
Mystère du mystère
Au lieu de se focaliser sur la représentation, trop souvent à ses yeux l’unique objet de la recherche, l’historienne Marie Bouhaïk-Gironès s’attache à faire le récit de tout ce qui a entouré l’organisation d’un mystère en 1509 dans la ville de Romans-sur-Isère.
Pétaouchnok et alii
Si « Pétaouchnok » qui désigne un lieu perdu, un bout du monde, n’existe peut-être pas, il n’en est pas de même dans d’autres langues. Une géographie mentale qu’étudie, avec légèreté et érudition, Riccardo Ciavolella dans un atlas imaginaire savant et réjouissant.
La saga des Allemands juifs
La saga berlinoise de Gabriele Tergit parue en 1951, raconte l’histoire d’une famille juive depuis l’ère industrielle jusqu’au nazisme. Une lecture passionnante par ce qu’elle nous dit de l’histoire des identités alors que les idées racistes ressurgissent en Europe.
Pour une histoire de la littérature lesbienne
La nouvelle édition de Ravages de Violette Leduc réintègre les passages qui manquaient à l’édition de 1955. Enfin complet, le roman gagne une dimension supplémentaire et ouvre la possibilité de faire enfin une histoire de la littérature lesbienne en France.
Hiérarchie céleste, hiérarchie terrestre
C’est à propos des anges que le mot « hiérarchie » a été inventé. C’est donc à partir d’eux que le philosophe Emanuele Coccia entreprend de penser les liens entre théologie et politique. Avec l’affirmation qu’elle porte au sujet des anges, l’Église professe une véritable théorie politique.
Les révolutions dans l’Histoire
C’est sans doute une fois refroidie, quasi décomposée, que l’idée de révolution a pu accomplir son ultime transformation : faire son entrée comme objet d’histoire. Paru cet automne, Une histoire globale des révolutions replace au centre la question révolutionnaire, à l’échelle internationale. Un volume collectif d’une grande richesse, organisé selon une logique de constellation et de traversée.
Sándor Márai, la vie qui résiste
Lire le dernier tome du Journal de Sándor Márai revient à compagnonner avec l’un des grands écrivains hongrois du siècle dernier. On y découvre ses années d’exil entre Salerne et San Diego, sa vision du monde, ses idées, son travail et ses lectures fondamentales. On éprouve avec lui ses deuils, ses doutes, sa croyance en la force de la littérature et son enthousiasme pour la vie.
Bifurcation francophone
Pour qui je me prends envisage l’abandon d’une langue pour une autre comme un geste profondément existentiel. L’écrivaine et traductrice québécoise Lori Saint-Martin raconte ainsi sa vie, son rapports aux origines, à partir de ce basculement linguistique fondateur. Une autobiographie atypique qui enthousiasme par sa liberté de ton et son originalité.
Voix prisonnières
MURmur est un livre de voix. Caroline Deyns y déploie un long monologue innervé, étouffé par la rage, qui glisse vers des voix multiples. En adjoignant à un récit intime celui du procès de Bobigny en 1972 et la figure de Gisèle Halimi, elle entremêle sujet et collectif, idée et émotion. Elle trouve une forme littéraire pour dire les violences faites aux femmes et leur immense colère.
La question Camus
La virulence des critiques adressées à Oublier Camus d’Olivier Gloag interpelle : qu’y a-t-il dans ce livre qui dérange tant, en particulier à droite ? Pour le comprendre, En attendant Nadeau sollicite le point de vue d’Yves Ansel, qui a travaillé sur la postérité de Camus. S’il a tendance à noircir le tableau, le pamphlet d’Olivier Gloag a le mérite de montrer que Camus fut un écrivain colonial. Il faut y revenir pour comprendre la France contemporaine
Augmenter la réalité
L’artiste plasticienne Stéphanie Solinas n’est pas la première à voyager dans le grand Ouest américain. Mais elle ne se contente pas d’un récit fasciné devant l’aventure, la contre-culture ou l’innovation technologique. Dans son livre L’Être plus, elle en fait l’espace d’une réalité augmentée.
Paul Louis Rossi et le murmure du monde
Paul Louis Rossi est un artiste qui goûte le divers. À la fois poète, critique, peintre, il combine les gestes artistiques, les confronte les uns aux autres. Nous lui consacrons une livraison exceptionnelle de notre chronique « À l’écoute » qui rassemble des souvenirs et des lectures d’Yves di Manno, Anne Malaprade, Christian Rosset et Marie Joqueviel-Bourjea.