191

Journal de la littérature, des idées et des arts 07/02 – 20/02 2024

En attendant Nadeau

Natalie Diaz Quand mon frère était un Aztèque
Collection Barbie « Spirit of the Sky » (2003) © CC BY-NC 2.0/Pinke/Flickr

Version mojave

Après celle de son Poème d’amour postcolonial en 2022, la traduction en français du premier recueil de poèmes de Natalie Diaz permet de lire sa poésie dans ce qu’elle a de plus féroce. Retour sur le parcours de cette figure littéraire du peuple Mojave, qui déjoue les stéréotypes et inverse les rôles dévoués aux Blancs et aux Amérindiens.

Éditorial

Quand le monde ne tourne pas rond

Les conflits armés, les désordres politiques, les catastrophes économiques, les crises sociales remplissent les pages des journaux, débordent des postes de radio et de télévision… On pourrait parler sans fin des mauvaises nouvelles, de ce qui ne tourne pas rond. Et n’est-ce pas un peu ce que nous faisons, tels des hamsters entraînés dans des roues ? Jusqu’à la nausée, tout le monde a un avis sur tout, parlant, comme dans le vide, de toutes les violences du monde et des angoisses qui nous débordent. Et pourtant, il faut faire face à ces inquiétudes, s’essayer à comprendre un monde bien dangereux.

Sommaire

Vincent Bontems
Au nom de l’innovation. Finalités et modalités de la recherche au XXIe siècle
par Ivar Ekeland
Olivier Rolin
Jusqu’à ce que mort s’ensuive
par Sébastien Omont
Judith Butler Dans quel monde vivons nous ?
Exposition « Dapreaux blancs », en l’honneur de chaque personne morte du Covid-19 ( Washington, Etats-Unis)(2021) ©CC BY-SA 2.0/Elvert Barnes/Flickr

Reconnaître notre monde vivable

La philosophe américaine Judith Butler s’appuie sur la phénoménologie pour comprendre le monde pandémique dans lequel nous vivons. Bien qu’elle ne renouvelle pas radicalement la pensée issue de l’expérience mondiale du Covid-19, sa réflexion est stimulante grâce à sa puissance de synthèse ainsi qu’à la pertinence des textes qui soutiennent son essai.
Elitza Gueorguieva Odyssée des filles de l'Est
Elitza Gueorguieva (2024) © Jean-Luc Bertini

Les « filles de l’Est » ne font pas que passer

Écrivaine, performeuse et cinéaste, Elitza Gueorguieva dynamite les stéréotypes. Elle brosse dans Odyssée des filles de l’Est le portrait de deux jeunes émigrées bulgares à Lyon au début des années 2000. Ne nous  y trompons pas, au-delà du comique, il faut aussi y entendre un récit politique fort, un texte assumé sur l’identité et la domination. 
"Saga tome 11", Brian K. Vaughan (scénario) et Fiona Staples (dessin), traduction de Jérémy Manesse (Détail) © Urban Comics
« Saga tome 11 », Brian K. Vaughan (scénario) et Fiona Staples (dessin), traduction de Jérémy Manesse (Détail) © Urban Comics

Sortilèges dessinés

Considérée comme le fer de lance du renouveau du comics outre-Atlantique, la série Saga arrive au mitan de sa narration. Gigantesque épopée familiale qui oscille entre science-fiction et fantastique, elle témoigne d’une imagination débordante, d’un entremêlement virtuose de réel et de fantaisie, ainsi que d’une dimension sociale et politique évidente. 
DOSSIER
Couverture de "La vie dans les cases" de Thierry Groensteen pour Dossier bande dessinée
Couverture de « La vie dans les cases » de Thierry Groensteen (détail) © PLG

Bande dessinée

En attendant Nadeau vous propose un nouveau dossier qui rassemble plus de quarante articles consacrés à l’actualité et l’histoire de la bande dessinée. Une exploration d’univers fascinants, de formes et de récits qui ne cessent de nous surprendre.

Chowra Makaremi Femme ! Vie ! Liberté !
Protestation en Iran, après la mort de Jîna Amînî le 16 septembre 2022 (Détail) © CC BY 2.0/Taymaz Valley/Flickr

Archiver la révolte iranienne : entretien avec Chowra Makaremi

Il y a quarante-cinq ans, la révolution iranienne mettait fin au régime du Shah et donnait naissance à celui des mollahs. Dans son livre Femme ! Vie ! Liberté !, l’anthropologue Chowra Makaremi revient sur le grand mouvement de contestation connu par le pays en 2022. Pour rendre compte de la complexité iranienne, elle mêle l’analyse avec un récit plus intime. Elle s’en explique dans un long entretien avec l’historien spécialiste des Kurdes Boris James.
Paletó et moi 
Paletó se délassant sur une plage de Rio de Janeiro (Sapiens.org) © Aparecida Vilaça.

Mon père Wari’

Dans Paletó et moi, l’anthropologue brésilienne Aparecida Vilaça se souvient de l’homme qui était devenu peu à peu son père adoptif parmi la communauté autochtone où elle enquêtait. Son récit profond et drôle fait une histoire intime des bouleversements connus par les Wari’, dans une approche enthousiasmante de l’ethnologie.
Hisham Matar, Mes amis
Londres © Jean-Luc Bertini

Déambulation d’exil

Hisham Matar avait depuis treize ans abandonné le roman. Il y revient avec Mes amis, livre élégant et parfaitement maîtrisé, qui oscille entre jeux de la mémoire et déambulation dans Londres. On y retrouve sa lucidité face aux conflits de l’exil, au déracinement, à la solitude et à l’histoire récente et terrible de la Libye.
Une journée dans la vie d’Abed Salama. Anatomie d’une tragédie à Jérusalem Nathan Thrall
Graffiti palestinien devant le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie © CC BY 2.0/Justin McIntosh

L’apartheid, et après ?

Prix Pulitzer de Non-Fiction 2024 – La violence extrême qui s’abat sur le Proche-Orient depuis le 7 octobre a produit sur beaucoup un effet de sidération tant elle était inattendue. Elle s’inscrivait cependant dans une histoire de longue durée, celle de la séparation « de deux groupes humains vivant l’un à côté de l’autre, voire l’un dans l’autre », rappelle l’historien Shlomo Sand. Tandis qu’il réfléchit à la création d’un État binational, le journaliste Nathan Thrall place le quotidien des populations palestiniennes au cœur de son enquête sur un fait divers révélateur.
Jean Pierre Martin N’oublie rien
« Maison du temps » de Gerd Arntz (Centre Pompidou, Paris) © CC BY 2.0 /Jean-Pierre Dalbéra/Flickr

La GP au mitard

Dans N’oublie rien, Jean-Pierre Martin revient sur son emprisonnement, en 1970, alors qu’il était militant de la Gauche prolétarienne. Récit carcéral et témoignage d’une étonnante sincérité, son livre revient sur l’indignation du jeune homme qu’il était et les ruptures qui le portaient, tout en replaçant le politique au centre de l’existence.
Olivier Rolin Jusqu'à ce que mort s'ensuive
« Assaut de la barricade du Faubourg Saint-Antoine et mort du général Négrier », Gaspard Gobaut (1848-1882) © Paris, Musée Carnavalet.

Deux révolutionnaires qui passent

Faire un roman entier à partir d’une brève digression de Victor Hugo dans Les Misérables n’est pas une mince affaire. En enquêtant sur les parcours de deux révolutionnaires antagonistes de 1848, Olivier Rolin entremêle histoire littéraire et politique, vérité et fiction. Un roman-vrai qui questionne l’engagement politique et sa dimension profondément romanesque. 

Une revue qui ouvre le réel

Tous les « mooks » ne se ressemblent pas. Attaques #5 n’a rien de l’objet à la mode ou qui joue la carte de la séduction. Sous une forme kaléidoscopique et tous azimuts, cette revue dessine un dialogue labyrinthique qui nous questionne sur notre place dans le monde.

Faire son œuvre

Au cœur des événements de 1968 paraît L’Œuvre au noir, qui occupe le cinquième volume de la correspondance de Marguerite Yourcenar. C’est autour de cet astre qu’on découvre le cheminement intellectuel et spirituel de l’auteure parmi « le brouhaha des faits extérieurs ».

Comment Malaurie devint Malaurie

Jean malaurie est mort plus de cent ans le 5 février 2024. Nous republions notre article sur De la pierre à l’âme, son dernier livre qui décrit avec précision la vie des Inuits aux côtés desquels il a vécu et comment ils ont modifié en profondeur sa vision de l’existence.

Contribuez à l’indépendance de notre espace critique

Les derniers articles de notre numéro 190

Trois femmes dans la vie de Vincent Van Gogh Mika Biermann
« Souvenir du Jardin a Etten (Femmes d’Arles) », Vincent Van Gogh (1888) © Domaine public

Concentrations de Vincent

Après Cézanne et Berthe Morisot, Mika Biermann poursuit avec Trois femmes dans la vie de Vincent Van Gogh sa série de courts romans sur les peintres de la fin du XIXe siècle. Avec une grande originalité, il dépasse les clichés, trouve des moyens pour parler sans artifices de la peinture et d’un artiste. Son bref récit, très audacieux, parvient à toucher au nu de la création et à la joie de l’art.
François Jonquet  De plomb et d'or
« La traversée de la vie », Christian Boltanski (Musée national des Beaux-Arts de Buenos Aires, 2017) © CC BY-SA 2.0/ Soledad Amarilla / Ministerio de Cultura de la Nación/ Flickr

Histoire d’une trahison

Porté par une écriture d’une grande liberté, De plomb et d’or de François Jonquet parle d’art et d’artistes. C’est à la fois un portrait magistral de Christian Boltanski hissé au rang d’idole et une satire très réussie des milieux de l’art contemporain. 
Remigiusz Ryzinski Foucault à Varsovie
Varsovie, la place des Défilés (Plac Defilad) vue depuis le sommet du palais de la Culture et des Sciences © CC BY-SA 2.0/keriluamox/Flickr

Dans la marge d’une biographie

En cherchant pourquoi Michel Foucault a dû quitter précipitamment son poste à Varsovie, Remigiusz Ruzinski offre un tableau documenté et passionnant de la vie homosexuelle et de sa répression dans la Pologne communiste.
Dorena Caroli, L'illustration jeunesse russe
« La Journée internationale de la jeunesse » (Mjud. Stihi dlja detej), de Vladimir V. Maïakovski. Illustr. et couverture de V. Ivanova (Moscou, Leningrad, Gosizdat., 1930) (Détail) © Fonds patrimonial Heure Joyeuse, médiathèque Françoise Sagan, Paris

Lectures de jeunesse soviétiques

L’une des premières tâches du régime soviétique fut l’alphabétisation. La réforme scolaire débuta en septembre 1918 et avait pour objectif la diffusion massive de la lecture dans toutes les couches de la société. Le livre de jeunesse fait partie du projet, comme nous le rappelle le bel ouvrage de l’historienne italienne Dorena Caroli.
Portrait de Robert Musil pour Le songe est une vie : Robert Musil, l'écriture et le féminin, Marie-Anne Lescourret
Robert Musil (1930) © CC0/Wikimedia

Bouveresse, Musil et la philosophie

Dans La passion de l’exactitude, essai posthume issu de conférences données en 2008 et 2010, Jacques Bouveresse se plonge dans l’œuvre de Robert Musil. À la lecture de ce texte vif et passionnant, on ne peut s’empêcher de penser qu’il formule, à travers le prisme du grand romancier autrichien, ses propres diagnostics sur son époque.
Les Égarements de l’élève Törless Robert Musil
« Le jeune Törless », Kazimierz Krolikowski, (1967) © Domaine public

Un nouveau Törless

Sous le titre Les égarements de l’élève Törless paraît une nouvelle traduction, due à Dominique Tassel, du célèbre roman de Robert Musil. Sa tension narrative tient au rapport entre le geste destructeur de son auteur et la construction d’un conte philosophique et spéculatif.

Un écrivain français chez les nazis

André Beucler, auteur quasi oublié du roman Gueule d’amour adapté avec Gabin au cinéma, a été l’un des intellectuels et journalistes les plus important des années 30. Dans le contexte actuel, il semble plus qu’utile de lire ses textes d’une véritable lucidité sur une Allemagne qui s’enfonce peu à peu dans le totalitarisme nazi. 

Heidegger « historien »

Le cours qu’a dispensé Heidegger à Marbourg durant l’hiver 1926-1927 était consacré à l’histoire de la philosophie de saint Thomas à Kant. À travers cet enseignement, Heidegger montre que l’histoire de la philosophie, loin d’en être un simple appendice, fait partie intégrante de la philosophie elle-même.

Comment (encore) lire Sylvain Tesson ?

Au-delà de la polémique qui entoure le parrainage par Sylvain Tesson du « Printemps des poètes », on peut se rendre compte de ce qu’écrit Sylvain Tesson en le lisant. Ambitieux d’exprimer les solitudes essentielles et la grandeur de la nature, il ne le fait quasiment que sous forme de clichés faciles. 
Consultez le second volet du numéro :