Les chemins de la guerre
Il est rare qu’avec simplicité, et peut-être même un brin de candeur, on pose les questions les plus simples qui sont aussi les plus complexes, quitte à ne pas les résoudre : pourquoi continue-t-on de se battre au Congo ? Que signifie la guerre pour ceux qui y participent et semblent en tirer profit, puisqu’ils la perpétuent ? De quels mots dispose-t-on pour approcher « cet état qu’on appelle la guerre » et qui, parfois, échappe en premier lieu à la description tant les niveaux de violence sont à chaque fois dépassés, tant « la guerre » n’est plus un événement mais constitue l’ordinaire ? Afin d’y répondre, Justine Brabant a parcouru le Sud-Kivu à la recherche des « Mayi Mayi », mouvements armés locaux d’ « autodéfense civile », nés à la suite de l’occupation par les troupes rwandaises de l’est de la RDC.
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par Pierre Benetti
L’autoreportage d’Emmanuel Carrère
Au dos du recueil d’Emmanuel Carrère récemment paru, on lit ceci : « Le tout peut se lire aussi comme une sorte d’autobiographie. » Au fil de ces quelques trente reportages, chroniques et textes divers qui couvrent les années 1990 à 2015, on retrouve, dans Il est avantageux d’avoir où aller, l’écrivain, et l’homme.
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par Norbert Czarny
La guerre révolutionnaire
Vous n’aimez ni la guerre ni les commissaires politiques ? Vous vous désolez du cours que suit le monde, des discours martiaux de nos dirigeants ? Alors, lisez Aventures dans l’Armée rouge de Jaroslav Hasek, qu’Ibolya Virág vient de rééditer avec des dessins de l’auteur, dans une traduction de Héléna Fantl et Rudolph Bénès. C’est drôle et édifiant. Une pochade par le père du soldat Chveik. Cette fois, il raconte ses propres souvenirs dans l’armée rouge, pendant la guerre civile de 1918. Il est à Bougoulma (aujourd’hui dans le Tatarstan à l’est de la Russie) où il s’affronte aux cosaques.
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par Jean-Yves Potel
Un temps avec les poètes morts
Ko Un, le plus grand poète vivant de Corée du Sud, offre à En attendant Nadeau un poème inédit, Un temps avec les poètes morts, traduit par Ye Young Chung. Celle-ci répond aux questions de Tiphaine Samoyault sur ce contemporain capital, potentiel prix Nobel de littérature dont l’œuvre compte 78 recueils de poésie, 15 romans, plusieurs dizaines d’essais.
Pour entamer une nouvelle vie
Chasseurs de neige, de Paul Yoon : un livre merveilleux de retenue, de pureté lumineuse, qu’on referme à regret. Une histoire de migrant avec son cortège de solitude, de patience, de discrétion. Mais, du décalage et de l’absence, naît une réinvention de la beauté, tant le jeune homme déplacé sait observer sa terre d’adoption et se souvenir par fragments des jours prisonniers, dans une palpitation subtile comme un rouleau de soie.
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par Liliane Kerjan
Jeunes filles « préservées »
Ce sont les traces d’un monde oublié : celui de ces jeunes filles à la dérive, enfermées, victimes de leur histoire familiale et plus largement de leur origine sociale, supposées criminelles ou simplement dangereuses, que notre Troisième République – cela se passe dans les années vingt et trente – drapée dans sa dignité et son souci de l’ordre et de la morale publics entendait « préserver ».
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par Michel Plon
Wittgenstein : l’éthique du philosophe
Quelques cinq cents lettres adressées à Wittgenstein ont été découvertes tout à fait par hasard à Vienne, en 1988, dans l’arrière-boutique d’un agent immobilier. Mais ce sont plutôt des lettres adressées par Wittgenstein à une grande variété de correspondants que comprend la Correspondance philosophique publiée par Gallimard. Si certaines avaient déjà été traduites et publiées en français, ce volume est bien plus complet que tout ce qu’on trouvait jusqu’alors. Surtout, il bénéficie grandement d’un travail éditorial, utile et sobre, d’Élisabeth Rigal : classement des lettres, explicitation des références qu’elles contiennent, présentation des correspondants.
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par Roger Pouivet
Les expulsés du monde global
C’est une phase historique qui vient de s’ouvrir, prévient Saskia Sassen dans Expulsions : Brutalité et complexité dans l’économie globale. Une phase « caractérisée par les expulsions – des projets de vie, des moyens d’existence, de l’adhésion au contrat social au centre de la démocratie libérale ». La logique de la privatisation et de la dérégulation portée par les grandes entreprises produit une dynamique globale d’exclusion. Une fois exclu, on peut encore revenir ; l’expulsion, elle, est sans retour. Parler d’expulsion pour décrire ce qui arrive aux travailleurs pauvres ou aux déplacés environnementaux, c’est ramener l’échelle « macro » de l’économie globale à l’échelle des individus et des espaces sociaux, afin d’« envisager les expulsions dans toute leur radicalité plutôt que comme des manifestations nouvelles de l’inégalité ».
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par Pierre Benetti